La rédaction de "Challenges" proteste contre une "une" anti-Mélenchon
Par Xavier Demagny
Une partie de l'équipe du magazine économique avait exprimé son désaccord pour cette "une", calquée sur une couverture similaire anti-Marine Le Pen parue en avril, dans l'entre-deux-tours. La Société des journalistes dénonce un "passage en force" de la direction et une comparaison inapropriée.
Sans surprise, Jean-Luc Mélenchon s'en est rapidement indigné sur Twitter. "Tout en finesse et argumentation pour un débat démocratique sans agressivité", a ironisé le principal porte voix de la Nupes, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale, à propos de la "une" du magazine Challenges daté du 9 juin, fond rouge et titrée "Danger !", qui lui est consacrée. Mais au-delà de la réaction du principal intéressé, c'est la société des journalistes de Challenges elle-même qui s'est indignée de ce choix, jugeant qu'il s'agit d'un "passage en force", en dépit d'un "large consensus" contre cette couverture, "y compris dans les rangs de la rédaction en chef".
Le principal problème ? Que cette "une" soit une "fidèle décalque", à l'exception des couleurs, de celle consacrée à Marine Le Pen entre les deux tours de la présidentielle. En effet, le 13 avril, le magazine utilisait déjà cette mise en page, mais sur fond noir et ce même mot-clé "Danger !" pour évoquer la candidate du Rassemblement national. Une ressemblance qui indigne la SDJ.

"Dangers de même nature"
En effet, dans une lettre que France Inter a pu consulter, cette dernière indique que "l’exacte similitude de ces deux couvertures porte à croire que l’extrême droite et l’extrême-gauche sont des dangers de même nature". Et de poursuivre : "Cette analogie entre la candidate du Rassemblement national, dont le cœur du programme rompt avec la Déclaration des droits de l’Homme, et le leader d’une formation qui s’inscrit dans le cadre républicain et inclut le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts, donne de Challenges l’image d’un média partisan en reprenant les arguments de la majorité présidentielle."
Selon la SDJ, qui exprime son "malaise", ce choix "décrédibilise le travail d’une rédaction indépendante, soucieuse d’apporter de la raison dans le débat politique" et la couverture en question ne reflète "absolument pas" le fond des articles du dossier, qu'elle ne met pas en cause. Si la ligne éditoriale de Challenges n'interdit "évidemment pas les critiques, même acerbes, et les prises de position engagées", cette couverture "ne respecte pas" l'engagement que le magazine soit "non partisan, indépendant qui respecte le pluralisme des opinions", comme l'indique sa charte.
"Projets largement aussi dévastateurs"
Le choix final de la "une" du magazine est réalisé par un trio composé de l’actionnaire majoritaire et directeur du journal Claude Perdriel, du directeur de la publication Vincent Beaufils, et du directeur de la rédaction Pierre-Henri de Menthon, explique un journaliste du magazine à Libération. "Là, les trois, unanimement, ont tranché en faveur de cette couverture alors que plusieurs rédacteurs en chef s’y étaient opposés, de même que la plupart des auteurs des articles de cette une", affirme-t-il au quotidien.
Dans son éditorial, Vincent Beaufils avance l'argument économique pour justifier cette couverture. Selon lui, "sur le plan de la prospérité de la France (...) les projets de la Nupes sont largement aussi dévastateurs que ceux du RN".