Comme aux temps de la Guerre Froide, l'une des meilleures sprinteuses de Biélorussie en lice aux JO de Tokyo, a refusé dimanche un rapatriement express ordonné par les cadres de la délégation biélorusse. Elle a demandé et obtenu un visa humanitaire auprès de l'ambassade de Pologne au Japon et devrait y obtenir l'asile
Krystina Tsimanouskaya n'était pas une opposante déclarée au régime d'Alexandre Loukashenko, simplement une athlète, une sprinteuse. Elle devait concourir sur les 100 et 200m (les séries du 200m se déroulaient ce lundi) ; au lieu de quoi elle apprenait devoir remplacer au pied lever certaines de ses compatriotes sur le 4 x 400m, une épreuve sur laquelle elle n'est nullement entraînée... Ce sont en fait les inconséquences du staff technique de la délégation et de la fédération d'athlétisme biélorusses qui sont ici en cause. Faute d'avoir pu organiser les contrôles antidopage idoines, la Biélorussie avait en effet dû renoncer à aligner au départ du 4 x 400 m. deux de ses athlètes. Et avait ordonné à Tsimanouskaya de s'improviser au relais.
On ne critique pas la famille Loukachenko
Frustrée de cette décision abrupte, la sprinteuse se laisse alors aller à quelque critique sur les réseaux sociaux, quant à la légèreté voire l'incompétence des organisateurs biélorusses. Erreur fatale : le régime ne supporte pas la critique, à tout point de vue. Il la supporte d'autant moins que le Comité Olympique National biélorusse est présidé depuis 25 ans par le président biélorusse Alexandre Loukachenko lui-même, ainsi que par son fils Viktor. Père et fils ont d'ailleurs été interdits d'accès aux JO 2020 de Tokyo par le CIO, compte tenu de leur propension à emprisonner à tour de bras les athlètes qui avaient osé manifester contre la réélection manifestement frauduleuse d'Alexandre Loukachenko en août 2020.
La critique de la sprinteuse, proférée sur Instagram déplaît fortement au régime et dimanche, Krystina Tsimanouskaya, se voit intimer l'ordre de rentrer immédiatement à Minsk : elle a une heure pour boucler sa valise et rejoindre l'aéroport de Tokyo-Haneda.
Dans une dernière vidéo postée sur Instagram et relayée par la chaîne Telegram de la Fondation pour la Solidarité avec les Sportifs Biélorusse (une organisation d'activistes basée en Pologne qui aide les athlètes biélorusses de haut niveau), la sprinteuse appelle au secours le CIO : "Je demande l'aide du CIO ; on fait pression sur moi et on veut me faire quitter le pays de force, sans mon consentement... je demande au CIO d'intervenir"
Arrivée sous escorte biélorusse à l'aéroport d'Haneda, elle y fait appel à la police japonaise, se place sous sa protection... et refuse d'embarquer.
Son mari a pris les devants
La sprinteuse avait fait part des menaces qui pèseraient sur elle et sur ses proches en cas de retour en Biélorussie. Son mari Arseni Zdanevitch resté en Biélorussie indiquait dimanche à l'Agence France presse avoir d'une certaine manière "pris les devants" passant la frontière avec l'Ukraine ces derniers jours. Le ministre ukrainien de l'intérieur a confirmé ce lundi après-midi sa présence sur le territoire ukrainien.
Lundi dans la matinée, après une nuit passée à l'hôtel de l'aéroport de Tokyo, Krystina Tsimanouskaya – qui a pu échanger longuement avec les autorités japonaises ainsi qu'avec le CIO – se rend à l'ambassade de Pologne au Japon, où on lui délivre un "visa humanitaire".
En 48 heures Krystina Tsimanouskaya est ainsi devenue une opposante patentée au régime d'Alexandre Loukashenko.
Les visas humanitaires octroyés par la Pologne – essentiellement aux ressortissants biélorusses d'opposition – peuvent aller jusqu'à un an ; l'athlète, de même que son mari, devraient en profiter pour faire une demande d'asile politique en bonne et due forme.
C'est en Pologne que se regroupent en effet nombre d'opposants au régime de Loukashenko, opposants dont elle fait dorénavant partie.