La Ve République : 60 ans de stabilité politique et de modernisation institutionnelle

La Ve République française célèbre ce jeudi 4 octobre ses 60 ans. Née en pleine guerre d’Algérie, elle a assuré la stabilité des institutions, mais elle a aussi connu de nombreuses critiques et révisions.
Adoptée par référendum avec près de 80% des voix, la Constitution de la Ve République ressemble à un véritable plébiscite pour Charles de Gaulle en pleine crise algérienne. C’est d’ailleurs lui qui a imaginé ce régime semi-présidentiel, pour renforcer les pouvoirs du chef de l'État et en terminer avec l’instabilité des 12 années de IVe République. Jusque dans les années 1980, la Ve a été bercée par la continuité politique et les successeurs de droite du Général. Mais depuis, elle a dû se moderniser, entre révisions et alternances politiques.
1962 : tous les Français élisent leur président avec le suffrage universel direct
À l'origine, la Constitution de la Ve République prévoyait l'élection du président par un collège d'environ 80.000 grands électeurs (députés sénateurs, élus municipaux, conseillers généraux...). Mais en 1962, le Général de Gaulle propose l'instauration du suffrage universel direct, pour que le chef de l'État soit désigné de la même façon que les parlementaires, par tous les électeurs. L'idée est largement critiquée dans la majorité et l'opposition, mais le président profite d'un climat favorable après l'attentat du Petit-Clamart pour annoncer un référendum. Le 28 octobre 1962, les Français se prononcent à 62,2% pour le suffrage universel.
1981 : la gauche à l'Élysée, une première alternance politique
Même si l'élection du libéral Valéry Giscard d'Estaing en 1974 amène quelques changements à l'Élysée, la première véritable rupture politique de la Ve République intervient en 1981. Depuis 23 ans, les conservateurs dirigeaient le pays mais le 10 mai, l'homme de gauche socialiste, François Mitterrand devient président de la République. Ses réformes (abolition de la peine de mort, décentralisation de l'administration du pays, relance économique) inquiètent la droite, qui découvre l'opposition.
1986 : la Ve République à l'épreuve des cohabitations
Les élections législatives du 16 mars 1986 ont été marquées par deux changements importants. D'abord, elles se sont déroulées intégralement au scrutin proportionnel départemental à un seul tour, comme le Parti socialiste s'y était engagé pendant la campagne de 1981. Mais surtout, une majorité de droite l'emporte à l'Assemblée nationale, provoquant la première cohabitation de la Ve République. Jacques Chirac est nommé Premier ministre. Malgré une certaine stabilité institutionnelle, François Mitterrand n'a jamais hésité pas s'opposer à la nomination de ministres ou refuser de signer des ordonnances. En mai 1988, après sa réélection, François Mitterrand dissout le gouvernement Chirac.
Deux autres périodes de cohabitations ont suivi : de 1993 à 1995, François Mitterrand a nommé Édouard Balladur à la tête du gouvernement, puis de 1997 à 2002, Jacques Chirac a désigné Lionel Jospin comme Premier ministre.
2000 : le passage du septennat au quinquennat, et la parité comme priorité
Pour diminuer justement le risque de cohabitation, Jacques Chirac propose d'aligner le mandat présidentiel sur celui des députés et de le raccourcir de sept à cinq ans. Le 24 septembre 2000, la question est soumise aux Français par référendum. Les électeurs votent pour le quinquennat à une large majorité (73,21 % des suffrages exprimés) et il entre en vigueur lors de l'élection présidentielle de 2002.
C'est aussi en 2000 qu'est adoptée la loi sur la parité en politique. Elle prévoit une modulation des aides publiques aux partis politiques en fonction de leur respect de l’application de la parité pour la présentation des candidats aux élections.
2008 : deux mandats présidentiels consécutifs, et pas un de plus
La 24e et dernière révision constitutionnelle de la Ve date de juillet 2008, adoptée par le Congrès à Versailles en pleine présidence de Nicolas Sarkozy. Pour lui, il s'agissait de rénover et adapter "aux nouvelles exigences des démocraties modernes" les institutions de la Ve République. Une quarantaine d'articles ont été modifiés pour renforce les pouvoirs du parlement. Mais le principal changement, le plus commenté, est l'impossibilité pour le président de la République d'exercer plus de deux mandats consécutifs.
Emmanuel Macron, huitième président de la Ve République, lui aussi a présenté un projet de loi constitutionnel. D'une envergure plus limité, il prévoit une baisse du nombre de parlementaires ou l'introduction d'une part de proportionnelle aux élections législatives. Cet été, l'examen du texte par l'Assemblée nationale a été freiné par l'affaire Benalla et renvoyé à plus tard. Le parcours semble donc encore long avant une potentielle approbation du texte par les parlementaires réunis en Congrès. Le président en dira peut-être plus ce jeudi soir, lors de son discours devant le Conseil Constitutionnel pour les 60 ans de la Constitution.