Lafarge en Syrie : deux juges financiers et un juge antiterroriste reprennent l'enquête
Par Sara GhibaudoINFORMATION FRANCE INTER | Le parquet de Paris a ouvert vendredi 9 juin une information judiciaire notamment pour financement du terrorisme et mise en danger de la vie d'autrui.
C'est une formule inédite dans l'histoire judiciaire récente: deux juges du pôle financier, Charlotte Bilger et Renaud Van Ruymbeke, et un juge antiterroriste, David De Pas, sont désormais co-saisis sur un même dossier. Ils devront déterminer jusqu’où le cimentier franco-suisse s'est compromis avec le groupe Etat islamique pour que l'usine flambant neuve de Jalabiya, qui avait nécessité de lourds investissements, continue de fonctionner tant bien que mal malgré la guerre civile, dans des conditions de plus en plus dangereuses pour ses salariés. Jusqu’à ce que le groupe terroriste finisse par s'emparer du site en septembre 2014.
LafargeHolcim pourrait être mis en cause comme personne morale
En novembre, les associations Sherpa et le European Center for Constitutional and Human Rights, ainsi que d'anciens salariés, avaient porté plainte pour financement du terrorisme et complicité de crimes contre l'humanité (non retenue à ce stade à l'ouverture de l'information judiciaire). Après une enquête interne, LafargeHolcim a reconnu que sa filiale syrienne avait pris des "mesures inacceptables", et versé en 2013 et 2014 plusieurs centaines de milliers de dollars à des intermédiaires chargés d'amadouer des groupes armés. Pour tenter d'apaiser le climat suscité par cette affaire, le PDG Eric Holsen a annoncé son départ en avril, bien qu’il nie toute implication.
L’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris après une autre plainte, du ministère des finances, a déjà permis d’avancer. Plusieurs cadres du groupe ont été entendus. Les responsabilités pénales individuelles restent à établir, mais le cimentier risque d’être mis en cause comme personne morale.