Le Brexit, parfaite occasion pour l'Écosse de réclamer à nouveau son indépendance
Par Olivier Bénis
Avec l'accord obtenu le 24 décembre entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, qui met un terme à quatre ans de négociations sur le départ britannique, l'Écosse se retrouve embarquée vers une sortie dont elle n'a jamais voulu. Et voudrait en profiter pour obtenir une autre sortie, qu'elle réclame depuis longtemps.
Ce fut l'une des premières réactions après l'annonce triomphale par Boris Johnson de l'accord avec l'Union européenne finalisant le Brexit. "Il est temps de tracer notre propre avenir en tant que nation européenne indépendante", lançait jeudi soir la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon. Et contrairement à celles du drapeau européen, les étoiles semblent cette fois alignées pour obtenir le soutien des Écossais à ce projet d'indépendance.
Un mouvement de fond dans l'opinion
Car il n'y a pas si longtemps, l'idée ne leur plaisait pas tant que ça, aux Écossais. En septembre 2014, le référendum sur l'indépendance avait vu une victoire d'une courte tête du "non", provoquant la démission du prédécesseur de Nicola Sturgeon, lui aussi membre du Parti national écossais. Mais depuis, bien des choses ont changé. Enfin, une chose surtout a tout bouleversé, un autre référendum qui a eu lieu en 2016 : le Brexit.
Sur l'ensemble du Royaume-Uni, 51,89 % des votants étaient pour une sortie de l'Union européenne. Mais en Écosse, près des deux tiers des votants (62 %) voulaient y rester, et s'en retrouvent sortis bien malgré eux. "Le Brexit arrive contre la volonté du peuple d'Écosse", rappelait jeudi Nicola Sturgeon. "Aucun accord ne pourra jamais compenser ce que le Brexit nous enlève."
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Un argument de plus pour la leader indépendantiste, sans doute le plus lourd de l'Histoire récente, qui trouve en plus un contexte favorable. Signe d'un soutien populaire croissant, en décembre 2019, le Parti national écossais a remporté 49 des 59 sièges attribués à l'Écosse à la Chambre des communes britannique. Et dans les sondages, les 14 dernières enquêtes d'opinion sur l'indépendance donnent le "oui" vainqueur (avec des scores allant de 51 % à 59 %).
Une défiance de plus en plus forte envers Londres
Si les Écossais ont gardé de l'affection pour cette Union européenne qu'ils quittent à contrecœur, ils ont appris à se méfier de plus en plus du pouvoir central britannique, chez qui ils se sentent de moins en moins à l'aise. Boris Johnson, comme Theresa May avant lui, est farouchement opposé à un nouveau référendum sur l'indépendance écossaise. Theresa May, justement, avait aussi refusé à l'Écosse tout droit de veto dans les négociations sur le Brexit, les privant de réelle influence.
De quoi donner aux Écossais l'impression que Londres ne s'intéresse décidément pas à leur avis.
D'ailleurs, cet avis s'est détérioré au fil des mois, notamment sur la gestion de l'épidémie de Covid-19. Dans les sondages toujours, si 74 % des Écossais sont satisfaits de la gestion de la crise par leur Première ministre, ils ne sont que 19 % à trouver que Boris Johnson aussi a fait du bon travail.
Pire, la traditionnelle opposition entre le Parti travailliste et le Parti national sur la question de l'indépendance semble elle-même vaciller : les travaillistes disent désormais "considérer toutes les options" pour tenter de maintenir l'Écosse dans l'Union européenne. Dont l'idée d'y rester en tant que nation indépendante.
Le soutien intérieur semble donc acquis, mais la difficulté viendra de l'extérieur : sans l'accord de Londres et donc de Boris Johnson, impossible d'organiser un référendum juridiquement valable. Le Premier ministre britannique va toutefois avoir du mal à contenir cette montée des indépendantismes, en Écosse... mais aussi en Irlande du Nord, qui a aussi voté majoritairement contre le Brexit et voit ce départ d'un mauvais œil.
Boris Johnson voulait reprendre sa liberté à tout prix : c'est peut-être dans son propre pays que ce prix sera le plus élevé.