Près de vingt ans après Aux Fruits de la Passion, Daniel Pennac réveille la famille Malaussène, pour la plus grande joie des fans... mais pas des critiques du Masque et la Plume.
Jérôme Garcin plante le décor :
Daniel Pennac remet ça avec l’aîné, le bouc émissaire de la famille de Belleville. Dans ce polar canular - augmenté, pour les oublieux, d'un répertoire de tous les personnages récurrents - Benjamin passe son été dans le Vercors, en compagnie d'un écrivain à succès, qui s’appelle Alceste et que la reine Zabo, patronne des éditions du Talion spécialisées dans la vérité vraie lui a demandé de surveiller. Mais il est aussi question dans ce roman de l'enlèvement de l'affairiste et ancien ministre Georges Lapiéta, pour la libération duquel les ravisseurs exigent la somme vertigineuse correspondant à son parachute doré, soit 20 000 fois le SMIC net, soit encore l'apéro pendant treize ans de tous les habitants du Vercors. Le juge Talvern est sur l'affaire à laquelle évidemment Malaussène est mêlé.
C'est du Pennac pur jus, un peu anar, très gouailleur, qui signe, je le disais, le retour de Malaussène dans les librairies.
Olivia de Lamberterie
Le charme Pennac marche, mais l'intrigue moyen
Comme ça fait 32 ans, sans doute est-ce que j'ai la mémoire qui flanche un petit peu, j'ai passé les 50 premières pages le nez plongé dans l'index pour essayer de me souvenir qui est qui ? Je les ai tous lu et je me souvenais du plaisir que j'avais eu à les lire, d'ailleurs.
Au début, j'ai eu du mal à rentrer un peu dedans. Après je trouve qu'il y a un vrai charme, c'est un vrai écrivain, il n'y a aucun doute. C'est un écrivain de personnages. Et les nouveaux personnages qu'il crée sont très réussis. Cet affairiste qui est enlevé, je trouve qu'il est génial. Sa femme, qui tous les matins se déguise en Claudia Cardinale, est formidable. Donc tout ça est très plaisant. je trouve que c'est un festival d'idées, notamment toute une partie du roman est consacré à la lutte entre la fiction et la vérité vraie, puisque Malaussène travaille maintenant pour une éditrice qui ne publie que des livres de VV, vérité vraie. Donc tout ça, ça marche très bien. Et ce qui marche moins bien, c'est l'intrigue. Parce que sur ce monde extrêmement fantaisiste et pétillant et pétaradant, pourquoi plaquer une intrigue un peu sociale, un peu actuelle ? Je trouve qu'il y a une sorte de décalage entre l'univers de Pennac et l'intrigue qu'il a voulu broder.
Arnaud Viviant
Je préfère le Pennac de Journal d'un corps. Là, c'est un peu gadget.
Je ne suis pas convaincu non plus. Pas du tout en fait. Je me souviens avec bonheur du début de cette saga Malaussène. C'était en Série Noire à l'époque. Ça faisait 250 pages. ça se lisait comme des friandises. Et puis il est passé dans la Blanche. Où les romans ont pris de l'épaisseur, une ampleur qui n'était pas forcément nécessaire particulièrement à ce genre là, qui vient du polar, qui vient de la littérature populaire au sens le plus noble du terme. où Pennac excelle, par ailleurs. Donc reprendre, évidement c'est le système Alexandre Dumas, vingt ans après, on reprend les personnages. Sauf que c'est une immense famille les Malaussène, qui donne toujours un peu envie de dire famille je vous haie. Sympathique, oui, mais enfin bon c'est la famille, par définition.
Jérôme Garcin : Régler ses comptes avec sa famille un 1er janvier*, c'est pas joli.
AV : c'était un peu Festen mon 1er janvier. Je ne sais pas comment était le vôtre. J'étais en Touraine, chez les miens. On se voit pas souvent, mais quand on se voit....
JG : c'est du brutal
AV : Je retrouve un petit peu ça chez Pennac.
On reconnait le côté anar effectivement, sympathiquement gaucho. Je trouve qu'il sur-écrit, il se regarde écrire soudainement. Il a perdu l'innocence qu'il avait au départ.
Nelly Kapriélian
Ce côté rigolo, sympathique, enlevé, sautillant, moi ça me donne mal à la tête et mal aux dents.
Moi, vraiment, j'peux pas ! C'est au-delà du sur-écrit. C'est du foutage de gueule. C'est d'une artificialité. Moi je n'y arrive plus. il faut être un débutant lecteur pour pouvoir se dire "je vais aller jusqu'au bout parce que sinon ça fait pas bien de ne pas terminer un roman". Moi je ne peux pas. il y a quatorze points d'interrogation par page. Je trouve ce type de littérature complètement ringarde. ça date des années 80 ou c'était un nouveau genre un peu parlé. là, ça ne fonctionne pas du tout.
Michel Crépu
Je n'avais pas mis le nez dans Pennac depuis au moins 20 ans. Ça ma rappelé bizarrement des lectures d'enfance de Spirou. il y a avait dans Spirou un mini livre qu'on devait découper. C'était les aventures d'un petit bagnard qui s'appelait Bobo. Et moi, je m'amusais beaucoup avec ça parce qu'on pouvait créer soi-même les aventures.
Jérôme Garcin : Les enfants cette émission n'a aucun intérêt si vous me racontez vos souvenirs d'enfance et Viviant, sa famille de Touraine, ça va pas aller.
MC : J'avance comme je peux, parce que franchement....
JG : Est-ce que tu aimes ou tu n'aimes pas, Michel ?
Je trouve que le problème du livre, c'est comment dépasser le principe de loufoquerie totale sur lequel il fonctionne d'une façon tout à fait virtuose et on reconnait Pennac. Mais il y a un moment où ça ne suffit pas. Et la tentative d'intrigue qui est greffée là, on voit bien qu'elle devrait pouvoir servir à justement faire que ce n'est pas seulement de la loufoquerie et seulement des trucs de lendemain de 1er janvier.
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Le masque étrille Daniel Pennac
8 min
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Pour aller + loin
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Le Masque et la plume - (ré)écoutez l'émission dans son intégralité
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Boomerang - Augustin Trapenard reçoit Daniel Pennac
* L'émission a été diffusée le 1er janvier