Le collectif de street art féministe "Merci Simone" fait revivre les combats de Simone Veil
Par Juliette HayA l'occasion de l'entrée de Simone Veil au Panthéon, le collectif de street art "Merci Simone" et ses fondatrices évoquent la femme engagée, figure de proue de la lutte féministe, et symbole de paix qu’elle représente pour toute une jeune génération. Mais alors, qu'est ce qui leur plait tant à tous, chez Simone Veil ?
Documentaires, pièces de théâtre, livres, tote bags, t-shirt, posters : son visage est partout. Admirée de son vivant, Simone Veil fait l'objet, depuis son décès il y un an et un jour exactement, d’hommages répétés, de l'objet d'art aux références les plus communes.
Le collectif féministe de street art " Merci Simone", lui, a choisit de mettre à l'honneur le visage familier de l'ancienne ministre de la santé et rescapée de la Shoah sur les murs de la capitale. " Après sa mort, on a eu envie de fleurir les rues d'illustrations de Simone. Ce dessin, on l'a réalisé à partir de trois photos de Simone à différents âges et différentes périodes de sa vie, de manière à la rendre la plus intemporelle possible", précise Julia Pietri.
C'est donc peu après son décès, il y a un an, que Julia, Eléonore et Duy-Thien, trentenaires parisiens, ont créé le visuel et le slogan "Merci Simone" surmonté du visage de la célèbre femme politique. Au départ resseré autour d'un petit noyau de street artistes, le collectif a aujourd'hui près de 4 000 membres, hommes et femmes de la jeune génération. "C'est important de le préciser, car on est pour un féminisme inclusive, qui intègre les hommes", signifie Julia.
Le Street Art, "une manière de rendre visible l'invisble"
La prolifération de croix gammées, propos fascistes ou sexistes sur leurs affiches arrachées, c'est ce qui a poussé "Merci Simone" à étendre son action. " Cela nous a permis de nous rendre compte que, malheureusement, rien n'est jamais acquis", lance Julia, quelque peu déconcertée. "Le bénéfice, c'est que les gens qui passent devant nos posters tagués d'insultes antisémites ou de prises de position anti-IVG, cela rend visible l'invisible. Les gens voient les choses telles qu'elles sont", renchérit-elle.
Mais les militantes ont parfois des bonnes surprises. Sur l'une de ces affiches rendant hommage à l'ancienne ministre de la Santé, à l'origine de la loi légalisant l'avortement, une main anonyme a ajouté "de la part des 8 millions d'avortés !" au "Merci Simone". Peu de temps après, le street artiste Jack le Black est venu repeindre en jaune les parties dégradées et y a écrit "Les femmes sauveront le monde".
Le street art, aujourd'hui de plus en plus reconnu comme une forme artistique d'expression possède de nombreux avantages selon les fondatrices de "Merci Simone" : " Le street art est un très bon medium pour transmettre des messages et réveiller une part militante chez les citoyens. Il arrive que des passants nous interpellent, échangent avec nous, nous encouragent. Ca nous pousse à continuer". Le street art est aussi un "langage qui parle aux jeunes générations", pour qui Simone Veil, qu'ils la connaissent ou non de longue date, est une référence, un modèle d'engagement et de lutte, malgré les circonstances.
Simone, "l'éternelle rebelle"
Survivante de la Shoah, féministe, initiatrice du droit à l'avortement, défenseure des Droits de l'Homme, de la Paix et de l'Europe, Simone Veil est la mère de tous les combats. "Dans une période de remise en cause du droit à l'avortement dans de nombreux pays, de crise migratoire et européenne et de montée des populismes, le discours de transmission et de paix transmis par Simone Veil a une résonance d'autant plus forte chez les jeunes générations désireuses d'autre chose", affirme Julia.
Simone Veil fait partie de ces héroïnes total, qui incarne les grandes phases et grands combats du dernier siècle. Féministe, pro-européen ou simplement humaniste, "chacun peut s'identifier à son action et à sa personnalité. Il y a quelque chose de fédérateur dans ce qu'elle symbolise. Au-delà de la question des femmes, c'est aussi pour cela qu'on l'a choisit elle", confie la présidente du collectif.
Dans une tribune parut dans Télérama à l'occasion de sa mort, la féministe et fondatrice de la newsletter les Glorieuses, Rebecca Amsellem, a retranscrit ce sentiment des jeunes générations à l'égard de cette "mère des féministes" : "Simone Veil est tellement centrale : si elle n’avait pas existé, nous n’existerions pas. Pour les jeunes générations, elle est vue comme la mère des féministes, elle fait partie de notre famille. Si aujourd’hui nous pouvons nous permettre de mener des luttes qui apparaissent comme plus « mineures », c’est grâce à elle".
Ce qui plait chez Simone Veil, résistance et rebelle invétéré, c'est donc sa capacité à faire se converger les luttes, par-delà les questions de sexe, de genre et de classe.
Une cinquième figure féminine au Panthéon
Dimanche, Simone fera donc sont entrée au Panthéon, aux côtés de son mari, Antoine Veil, "une fierté pour celle qui a été une pionnière de chaque époque qu'elle a traversé", évoque Julia, admirative. Dans cet antre mythique à quelques pas du quartier latin, qui rassemble à 90% "les grands hommes", elle rejoindra quatre autres femmes.
Car jusqu'en 2015, Marie Curie était la seule à avoir intégré le Panthéon pour ses propres mérites. Sophie Berthelot y avait fait son entrée un siècle plus tôt, mais en qualité d'épouse du chimiste Marcellin Berthelot. La situation change en 2015 lorsque François Hollande fait entrer au Panthéon quatre figures de la Résistance, dont deux femmes : Germaine Tillion et Geneviève De Gaulle-Anthonioz.