Le mémoire universitaire de Samuel Paty publié à titre posthume

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Le mémoire universitaire de Samuel Paty publié à titre posthume

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Le livre posthume agit comme "un ouvrage hommage" selon Nathalie Petitjean, responsable éditoriale des Presses universitaires de Lyon.
Le livre posthume agit comme "un ouvrage hommage" selon Nathalie Petitjean, responsable éditoriale des Presses universitaires de Lyon.
© AFP - THOMAS COEX

Presque an après l'assassinat de Samuel Paty, les Presses universitaires de Lyon publient son mémoire de maîtrise. L'ancien professeur d'histoire-géographie avait soutenu en 1995 "Le noir, société et symbolique, 1815-1995", une analyse des représentations de la couleur au fil des 19e et 20e siècles.

"Publier ce texte était un moyen de donner la parole à Samuel", justifient en préface les deux enseignants-chercheurs en histoire qui l'éditent, Christophe Capuano et Olivier Faure. Ce jeudi paraît, de manière posthume, "Le Noir, société et symbolique 1815-1995, Mémoire de recherche d'un apprenti historien". Son auteur : Samuel Paty, le professeur d'histoire assassiné le 16 octobre 2020, à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine.

Après concertation avec la famille du défunt, les historiens ont choisi de publier le texte, ressorti des archives de la fac, pour "aussi donner à voir ce qu’est la démarche de recherche et rappeler que l’analyse, la réflexion et le débat nécessitent de la sérénité, du recul et du temps__. Autant d’éléments étrangers aux réseaux sociaux dont on sait le rôle funeste dans la diffusion de messages de haine et de fausses informations."

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"Avoir le dernier mot face à l'obscurantisme"

Samuel Paty a été tué, puis décapité parce qu'il avait montré des caricatures de Mahomet en classe lors d'un cours sur la liberté d'expression. "C’est extrêmement important de montrer le rôle de la connaissance, le rôle de la culture, le rôle de l’esprit critique", explique Christophe Capuano à France Inter, "et c’était extrêmement important qu’il ait le dernier mot face à l’obscurantisme."

Étudiant à l'époque, Samuel Paty a 21 ans. Après une prépa, il est en licence d'histoire et ce jeune homme "curieux de tout" s'attèle à un vaste chantier d'analyse de la couleur noire sur pas loin de deux siècles. Fasciné par "la dimension mystique ou onirique à laquelle renvoie cette couleur" et pétri d'"interrogations existentielles", il étudie ses représentations, dans la société comme dans l'art, et leurs évolutions.

"Une couleur ne signifie rien en soi__, c’est, pour le dire rapidement, l’interprétation que notre cerveau en fait qui lui donne un sens", écrit l'étudiant en introduction. Il répartit sa thèse en trois grandes parties, comme le veut la tradition. Grand un : l'ascension de l'usage du noir de 1815 à 1920, qui se stabilise dans les décennies suivantes. Grand deux : "un monde caché de symboles" et grand trois : la période 1960-1990 ou comment la révolution sociale amène de "nouveaux noirs" tels le blouson en cuir, le look gothique ou encore la modernité hi-fi.

De la soutane au blouson en cuir, une histoire de la couleur noire

Ainsi, de marqueur social pour les prêtres, les médecins et les hommes de justice au début du 19e siècle, le noir "a perdu une grande partie de son aura solennelle et imposante" selon Samuel Paty, qui s'intéresse à ses fonctions symbolique et emblématique. Il n'est plus un "organisateur de la société". En conclusion, l'auteur rappelle : "Le noir est aussi une couleur radicale, idéaliste. Il n’existe pas de nuances de noir. C’est pourquoi il évoque l’idée d’absolu", citant également ses identifications politiques de bords divers.

Pour autant, les enseignants de l'université de Lyon, dont Christophe Capuano qui a connu Paty à l'époque, avertissent en préface : le noir a beau être associé au sombre, "il ne faut cependant pas se méprendre : le choix de ce sujet ne correspond en rien à un tempérament saturnien ou dépressif". De même, la reproduction d'une œuvre macabre d'Odilon Redon en annexe, représentant une tête sans corps, ne tient en rien de la prescience. Et Olivier Faure de compléter pour France Inter : "il faut se garder de l'anachronisme et de réinterpréter ce texte à la lumière de ce qui s'est passé 25 ans après."