Le nouvel opus de Christophe Donner ou "La France Goy 2" mais en moins bien ?
Par Le pôle Édition de France Inter
Dans le droit-fil de "La France Goy", l'auteur signe "Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du général" où il explore la matrice de l'extrême droite dans ses mécanismes d'action et d'instrumentation à travers les figures de Léon et Philippe Daudet. Un bilan mitigé au Masque.
Le livre résumé par Jérôme Garcin
Un titre dont on ne comprend le sens qu'à la fin du roman qui n'est autre que la suite de "La France goy" dans lequel il faisait un portrait terrible de la France de la Belle époque, à travers les personnages repoussants d'Édouard Drumont, l'auteur de "La France juive", et de son complice en antisémitisme directeur de "L'action française", Léon Daudet.
C'est à Daudet qu'est consacré l'essentiel de ce livre, avec un événement qui va changer le cours de l'histoire puisque, selon Christophe Donner, en 1923, Philippe Daudet, 14 ans, rejoint un groupe anarchiste et décide de tuer son père. Mais au dernier moment, il se rétracte et se tire une balle dans la tête. C'est une histoire vraie. Léon Daudet refuse d'admettre la thèse du suicide, et accuse la police d'avoir assassiné son fils. La suite, c'est un feuilleton qui passe par la prison de la Santé, et l'exil en Belgique.
Et là, il y a cette phrase qui définit tout le roman "En se suicidant, écrit l'auteur, Philippe a rendu impossible l'accession de son père au pouvoir". En gros : "Il a évité, dit-il, à la France d'avoir le fascisme". C'est l'essentiel du roman. Mais il est aussi question de la rivalité militaire et littéraire entre Pétain et de Gaulle, et puis aussi d'un oligarque russe qui achète à Christophe Donner l'ensemble de ces fichiers vidéo du roman qu'il est en train de décrire, et qu'on est en train de lire.
Jean-Claude Raspiengeas salue "un livre magnifique et d'une très grande intelligence"
Le journaliste pour La Croix a trouvé que c'était un livre sensationnel, épatant qui raconte de façon brillante les mécanismes originels de l'extrême droite contemporaine : "Mais quel style, quelle intelligence ! Léon Daudet, c'est vraiment un type ignoble. Comme l'affirme l'auteur, c'est l'abject perpétuel. Quand on se penche sur l'histoire de Léon Daudet telle que l'auteur la raconte avec tous les détails, on s'aperçoit que c'est fondamentalement la matrice de l'extrême droite actuelle. On se rend compte que toutes les méthodes abominables de Léon Daudet sont celles qui sont appliquées par l'extrême droite et pas seulement en France. C'est du Trump avant l'heure, c'est de l'acharnement contre les ennemis, dans le fait aussi de balancer systématiquement des fausses informations, de crier au complot, et d'utiliser la violence en permanence… Nous sommes au cœur de la matrice de l'extrême droite telle qu'elle se répand à travers le monde, et la façon dont il mêle tout cela, est épatante".
Elisabeth Philippe admirative devant la force documentaire de ce roman très malin
La critique pour L'Obs a été subjuguée par la construction narrative brillante dont fait preuve l'auteur pour faire prendre conscience à son lecteur des rouages politiques et historiques dont l'extrême droite est aujourd'hui l'héritière et combien ses procédés d'instrumentalisation ont toujours reposé sur les même mécanisme : "Christophe Donner tient le lecteur en haleine avec un procédé très malin qui consiste à faire tenir ensemble de manière virtuose des éléments extrêmement hétéroclites les uns avec les autres.
Il y a là un art de la narration extrêmement véloce qui va même jusqu'à surenchérir étant donné que la matière qu'il manie est déjà follement romanesque. Exactement comme avec "La France Goy", en lisant ce livre, on constate à quel point on vit une époque épouvantable, pour ne pas dire monstrueuse. En plus d'être la matrice de l'extrême droite, on comprend comment ce dont il parle est la matrice de toutes les dérives de l'époque, car l'instrumentalisation que L'action française, et les anarchistes font du suicide de Philippe Daudet fait totalement penser aujourd'hui à l'instrumentalisation de faits-divers épouvantables comme l'affaire Lola. En cela, ce roman s'affirme aussi tel un document extrêmement passionnant".
Olivia de Lamberterie n'a pas du tout été passionnée par ce second opus…
Aussi bien le sujet auquel ce roman est consacré que la manière dont il a été mené sur le plan narratif… "Je suis un petit peu moins enthousiaste parce que ce livre déjà est abject. J'avais bien aimé "La France Goy" mais là est-ce que je suis obligée de savoir tout sur l'histoire de l'extrême droite en France, je ne suis pas sûre… Quant au procédé romanesque, il ne m'a pas tout à fait convaincue".
"Un ouvrage plus classique que le précédent" qui n'a pas enthousiasmé Arnaud Viviant
Cette fois-ci, Christophe Donner n'a pas autant convaincu le critique, qui ne voit ce livre que comme un chapitre supplémentaire qui aurait pu tout à fait bien s'inscrire dans son premier opus : "C'est une espèce d'appendice ou de codicille à "La France Goy" qui était l'idée d'un roman-feuilleton extrêmement dense qui faisait 700 pages. Là, on est dans un roman beaucoup plus classique. J'ai l'impression que l'excellent romancier pour enfants qu'est aussi Christophe Donner utilise des procédés romanesques qui ne doivent pas exister dans la littérature pour adultes. Quant au récit autour de Philippe Daudet, je trouve qu'il ne va pas assez loin, et que tout cela demanderait vraiment une enquête plus approfondie qu'on n'a pas du tout".
Le livre
Écoutez l'intégralité des critiques échangées sur le livre :
"Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du général" de Christophe Donner
10 min
📖 LIRE - "Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du général" de Christophe Donner (Grasset)
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