Le procès de la (très) vieille affaire de la chaufferie de la Défense s'arrête après quelques heures
Par Charlotte PiretLe procès de l'une des plus vieilles affaires de corruption encore non jugées devait se tenir cette semaine à Nanterre. Elle date de la fin des années 1990 : l'affaire dite de la chaufferie de la Défense, dans laquelle cinq hommes d'affaires comparaissent. Mais le tribunal a coupé court, donnant raison à la défense.
C'était encore du temps des francs. Des millions de francs, en l'occurrence - "une montagne de fric" selon un témoin. Ceux du très juteux marché public de la chaufferie du quartier de la Défense.
Un marché que l'ancien sénateur, Charles Ceccaldi-Reynaud, maire de Puteaux et président du syndicat mixte en charge de chapeauter la nouvelle concession, aurait faussé, moyennant une commission de cinq millions de francs. Mais l'homme politique est décédé à l'été 2019, à peine quelques jours avant les réquisitions du parquet. Sur le banc des prévenus, restent donc cinq hommes d'affaires, dont l'un âgé de 98 ans : Jean Bonnefont, ancien dirigeant des Charbonnages de France. Les prévenus devaient répondre de corruption, favoritisme, trafic d'influence pour avoir aidé à fausser le processus d'attribution du marché et rapatrié de l'argent liquide du Luxembourg pour rétribuer tous les intervenants de cette opération frauduleuse.
"C'est un dossier qui reste totalement actuel", estime aujourd'hui Me Jérôme Karsenti, avocat de l'association anticorruption Anticor, partie civile au procès
… "tant la question des marchés publics est au cœur des dysfonctionnements démocratiques locaux et nationaux. La manne financière que représentent les marchés publics font que les pratiques corruptives sont très nombreuses. Les affaires qui flottent autour des pratiques des communes des Hauts-de-Seine demeurent car les contrôles de légalité et les moyens de la justice sont insuffisants."
Des faits trop anciens
Et pourtant, le tribunal correctionnel de Nanterre vient de donner raison aux avocats de la défense qui soulevaient la nullité de la procédure au nom du "délai raisonnable" : "depuis quand un homme quasiment centenaire est-il renvoyé devant un tribunal correctionnel?" ont-ils ainsi plaidé à l'ouverture d'audience. Après en avoir délibéré, le tribunal a donc décidé que le procès ne pouvait se tenir et annule la procédure pour non-respect des délais. C'en est donc terminé.
Clap de fin dans cette affaires aux airs de scénario de cinéma dont l'enquête avait débuté en 2002 suite à une dénonciation des services de la répression des fraudes. Avec pour ingrédients : un patron, Charles Ceccaldi-Reynaud ultra-autoritaire, aux colères homériques, "capable d'exercer son pouvoir en réalisant un chantage au vote" selon un témoin, de l'argent rapatrié par hélicoptère , des mallettes remplies de dollars américains - deux secrétaires ont même reconnu aux enquêteurs s'être amusées un jour à se confectionner une jupe en billets verts - ou encore d'anciens joueurs de foot professionnels qui jouent les intermédiaires. Me Karsenti croyait aux "vertus pédagogiques" d'une telle audience "car la corruption reste un problème endémique qui gangrène notre démocratie". Mais le tribunal correctionnel de Nanterre en a décidé autrement.