Le profil type du Covid long est une femme active sans comorbidité ni surpoids
Par Cecilia Arbona
On les appelle les "Covid longs", ils représenteraient entre 5 et 10% des malades en France. Ils sont jeunes, actifs et sans comorbidité. À ceux qui ont eu le Covid et qui ne se sentent pas mieux après quatre semaines, on conseille maintenant de consulter leur généraliste pour bénéficier d’une prise en charge adaptée.
Entre 250 000 et 300 000 personnes souffrent de symptômes persistants, invalidants, six mois après leur contamination, selon la Haute Autorité de Santé. Troubles respiratoires, cardiaques, pertes de mémoire, difficultés de concentration et fatigue permanente, leur convalescence s'éternise et certains se demandent s'ils parviendront à guérir ou si, pour eux, le Covid deviendra une maladie chronique.
En juin 2020, le docteur Nicolas Barizien, médecin du sport, a crée une unité dédiée aux Covid longs à l’Hôpital Foch de Suresnes, une unité baptisée "Rehab Covid".
FRANCE INTER : qu'est ce qui a changé en un an dans votre connaissance de la maladie ?
NICOLAS BARIZIEN, chef du service médecine et réadaptation Hôpital Foch de Suresnes : "Dupuis un an, on a appris à mieux connaître les patients, à mieux comprendre ce dont ils souffraient. Mais malheureusement ils sont toujours aussi nombreux. Les Covid longs ne sont pas les patients qui font des formes aiguës graves. Ces patients-là, les collègues des urgences, de réanimation, les prennent en charge de mieux en mieux et effectivement il y a moins de complications graves de Covid aigu. Par contre, les Covid longs, des gens qui vont développer des symptômes qu'ils vont traîner pendant des mois et des mois, on continue à en avoir qui arrivent de la deuxième et de la troisième vague, puisque j'ai vu récemment des patients qui ont contracté leur Covid aigu fin avril 2021."
Est-ce que les symptômes évoluent avec le temps ou est-ce que ce sont toujours les mêmes ? "Globalement, ce sont les mêmes familles de symptômes. On a des symptômes qui sont plutôt soit dans un cortège respiratoire, dans un cortège cardiologique, ou dans un cortège, on va dire, neurocognitif : anxiété, troubles de concentration, troubles de mémoire. Au tout début nous avons été perplexes, on pensait que c'était simplement une convalescence un peu longue. N'importe qui faisant une infection virale, la mononucléose infectieuse, une hépatite, a une période de fatigue, de convalescence normale. Au début, on s'est dit que les symptômes persistants, on allait les considérer comme pour les autres maladies, comme chroniques ou comme longues après trois mois.
Des réflexions que nous avons menées dans un collège d'experts auprès de l'HAS nous ont amenés à décider qu'au-delà de quatre semaines après l'épisode aigu, la persistance de symptômes faisait rentrer les patients dans le Covid long. Pourquoi parler de Covid long si vite après l'infection aigüe ? Parce que ce sont des symptômes qui sont plus faciles à traiter, à prendre en charge et à soigner quand on les prend précocement. Chez quelqu'un qui va développer un Covid long, et qui va commencer à consulter au bout de six mois, les choses se sont enkystées, installées et c'est beaucoup plus compliqué de soigner une pathologie qui s'est installée plutôt qu'une pathologie relativement récente. C'est pour ça qu'on a décidé de communiquer sur le fait qu'à partir de plus d'un mois après l'épisode aigu, la persistance de symptômes nécessitait une prise en charge multidisciplinaire, un peu plus large pour éviter justement que les gens développent quelque chose qu'on ne voudrait pas voir devenir une maladie chronique.
On demande donc aux patients qui ont des symptômes qui persistent, de consulter pour essayer de les prendre en charge le plus vite possible et d'essayer de les améliorer rapidement. Nous avons l'impression que les Covid longs qu'on prend en charge maintenant, après qu'ils aient fait un Covid il y a un ou deux mois, vont avoir un Covid long qui va durer moins longtemps que ceux qui ont fait un Covid aigu en mars 2020."
Qui sont ceux qui font un Covid long ?
"Le profil typique des Covid long, ce sont des sujets jeunes, majoritairement des femmes, dont la médiane d'âge est autour de la quarantaine, donc des femmes qui ont entre 25 et 60 ans, qui ne sont pas en surpoids, qui n'ont pas de comorbidités cardiovasculaires et qui sont plutôt des femmes actives. Contrairement à ce qu'on avait connu au cours de la première vague, où les gens qui mouraient en réanimation étaient des hommes de plus de 70 ans en surpoids, avec des comorbidités et plutôt sédentaires, on est à l'opposé avec ces sujets jeunes.
Un tiers d'hommes, deux tiers de femmes et plutôt autour de la quarantaine, avec des vies actives et pas de comorbidités."
Qu'est-ce que vous voulez dire aux personnes qui sont peut-être vos prochains patients ?
"Le premier message, c'est qu'il faut se faire vacciner, parce que la vaccination, ça a été démontré, prévient du Covid long. Or, on est à l'aube de la quatrième vague, et elle va concerner plutôt les sujets jeunes, puisque c'est cette population-là qui n'est pas encore vaccinée. S'ils ne font pas de formes grave, ou moins de formes graves que les sujets âgés, ils vont faire des Covid longs. Donc, pour éviter d'avoir plein de patients qui développent des Covid long, il faut qu'ils se fassent vacciner.
Deuxième chose : si vous avez déjà fait un Covid aigu et que vous avez des symptômes qui s'installent, il faut consulter votre médecin généraliste. En fonction d'examens qu'on a formatés avec l'HAS, il va pouvoir faire le tri entre Covid long ou autre chose, et savoir vers quels professionnels de santé il va pouvoir vous orienter pour prendre en charge les choses rapidement. On sait par exemple que quand on a un syndrome d'hyper ventilation, on ne peut plus bouger aussi activement qu'on le faisait. Donc, au bout d'un mois, on va commencer à avoir de la sédentarité supplémentaire qui va s'installer. On va perdre de l'endurance cardiaque, on va perdre de la masse musculaire. C'est facile à récupérer au bout d'un mois, c'est beaucoup plus compliqué au bout de 6 mois."