"Le profit plutôt que la sûreté" : ce que nous apprend Frances Haugen, la lanceuse d'alerte de Facebook
Par Timour OzturkFrances Haugen a révélé son identité pour la première fois ce week-end à la télévision américaine. Cette ancienne employée de Facebook a rendu publics des dizaines de milliers de documents internes de l'entreprise, déstabilisant le géant des réseaux sociaux.
C'est elle qui a alimenté les récentes révélations du Wall Street Journal par la transmission de documents issus des recherches internes de Facebook. Âgée de 37 ans, Frances Haugen, ancienne employée de l'entreprise de Mark Zuckerberg ose dévoiler son identité. Elle a parlé à visage découvert dimanche 3 octobre sur la chaîne CBS, dans l'émission 60 minutes.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Frances Haugen a quitté l'entreprise au printemps 2021, non sans avoir copié des dizaines de milliers de documents internes : "En étant à l’intérieur de Facebook, je savais des choses que personne ne savait au-dehors. En 2021, j’ai décidé qu’il fallait que j’accumule assez de documents pour qu’on ne remette pas en cause leur véracité", confie-t-elle sur CBS. Ces données, triées et analysées par le Wall Street Journal, ont souligné les graves lacunes de Facebook en matière de modération des contenus publiés sur sa plateforme, et l'existence de comptes "privilégiés" pour les personnalités les plus influentes.
Ces documents prouvent aussi que l'entreprise a connaissance des conséquences désastreuses de son réseau Instagram sur le bien-être des adolescentes qui l'utilisent. Les informations révélées par Frances Haugen proviennent en partie de recherches menées par Facebook sur son propre réseau social Instagram depuis trois ans. Il en ressort que 32% des adolescentes interrogées jugent qu'Instagram accentue leurs complexes et leur mal-être. "Plus elles utilisent Instagram, plus elles sont déprimées", explique la lanceuse d'alerte "et plus elles sont déprimées, plus elles utilisent Instragram. C’est ce que montrent les recherches internes de Facebook."
Quand Frances Haugen est recrutée en 2019 par Facebook, elle dispose déjà d'une quinzaine d'années d'expérience dans l'analyse de données pour plusieurs grandes entreprises du numérique comme Google. La lanceuse d'alerte dit avoir accepté son poste chez Facebook à la condition que son travail serve à "lutter contre la désinformation". Frances Haugen raconte avoir très mal vécu l'adhésion d’une de ses amies à des théories complotistes. Chez Facebook, elle travaille donc au sein d'une équipe chargée des risques de manipulation électorale par la désinformation. Unité dissoute après les dernières élections présidentielles américaines selon Frances Haugen : "J’estime que c’est une trahison de la démocratie."
Ses motivations à devenir lanceuse d'alerte
Frances Haugen explique que Facebook a temporairement pris des mesures pour la période électorale, mais ne souhaitait pas revenir définitivement sur son algorithme, responsable de la mise en avant de contenus haineux. D'après son témoignage, ces contenus provoquent le plus de réactions chez les utilisateurs, qui restent plus longtemps en ligne, et génèrent ainsi plus de revenus, publicitaires notamment. Elle dénonce la tendance profonde de l'entreprise à choisir "le profit plutôt que la sûreté" de ses utilisateurs.
La lanceuse d'alerte accuse "la version actuelle de Facebook" de diviser nos sociétés et provoquer "des violences interethniques". Elle dit avoir constaté de manière répétée "des conflits d’intérêts entre ce qui était bon pour les utilisateurs, et ce qui était bon pour l’entreprise."
"Facebook décide en fonction de ce qui lui rapporte le plus d’argent."
L'analyste plaide désormais pour un contrôle du réseau social. "Facebook a montré son incapacité à agir indépendamment" dans l’intérêt de ses utilisateurs, estime Frances Haugen. Elle espère que ses révélations auront "un impact suffisant pour qu’un système de régulation soit mis en place".
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
Frances Haugen doit être auditionnée mardi 5 octobre par la commission au Commerce du Sénat américain. Jusqu'ici, elle a soigneusement évité d'accuser nommément Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Au contraire, dans son interview à CBS elle glisse avoir "beaucoup d’empathie pour Mark". La lanceuse d'alerte veut croire que le PDG de Facebook ne souhaitait pas faire de sa plateforme un lieu de haine et de désinformation nuisible aux internautes. "Mais il a permis que ces choix soient faits", ajoute-t-elle.