
On connaît le problème des plastiques qui, peu ou mal recyclés, finissent par s'accumuler dans les océans… jusqu'à former cinq "continents plastiques" (rassemblant pas moins de 200 000 tonnes de déchets). La solution est-elle de mieux recycler ? Oui, mais ça ne suffit pas, loin de là.
Chaque jour, Elodie Font reçoit dans son émission, "Chacun sa route", des chroniqueurs. Ce mercredi, c'était Barnabé Binctin, qui nous parle d'environnement.
Le plastique inonde nos poubelles, trop petites pour tout contenir, et finit par se déverser dans nos océans devenus de véritables déchetteries géantes… On pense notamment à ce fameux septième continent de plastique qui se forme au fil des années au nord du Pacifique.
Le tableau n'est pas très réjouissant, il n'est pas tout à fait nouveau non plus. Un chiffre tout de même pour bien prendre la mesure du phénomène :
- en 1950, on produisait 1 million de tonnes de plastique.
- en 2018, on en est à 359 millions
… Sachant qu'on estime qu'environ 30% à 40 % des emballages plastiques produits finissent dans l'environnement. Autrement dit : le plastique n'a pas seulement envahi nos vies, à nous, humains, il a aussi bel et bien colonisé l'ensemble de la vie sur Terre.
Que fait l'Etat face au fléau plastique ?
Il y a eu quelques lois avec toute une série d'interdictions symboliques. Depuis le 1er Janvier, c'en est ainsi fini des pailles, des cotons tiges ou des gobelets en plastique, comme ça l'avait été des sacs à usage unique quelques années plus tôt.
Et ce matin encore, la nouvelle ministre de l'Écologie, Barbara Pompili, était en visite dans le Pays basque pour y lancer "une charte nationale des plages sans déchets plastiques" - tout un programme. Pour le pouvoir politique, c'est une manière, bien sûr, de montrer qu'il prend le sujet très au sérieux, même si, pour l'heure, sa principale réponse en la matière reste toujours la même, résumée en un mot que l'on connaît : tous le recyclage.
La solution : mieux recycler ?
Il y a de quoi faire quand on sait qu'à peine 30% des emballages plastiques sont effectivement recyclés. Autant dire donc que la filière peut en effet gagner en efficacité.
Mais dans les faits, c'est beaucoup plus compliqué et le problème est peut être encore plus profond. C'est ce que raconte un essai remarquable paru tout récemment et au titre éloquent : Recyclage, le grand enfumage. Comment l'économie circulaire est devenue l'alibi du jetable ?
L'auteur, Flore Berlingen, ne se contente pas de pointer les insuffisances du recyclage en France : elle interroge carrément le bien-fondé de son développement, au regard de ce qui apparaît finalement comme un immense paradoxe, au motif qu'il permet de transformer les déchets en ressources en leur offrant une deuxième vie.
Le recyclage contribue, en fait, à fabriquer toujours plus de produits qui finiront en réalité le plus souvent non ou mal recyclés.
Après des années d'injonctions citoyennes au tri sélectif (qu'on présente souvent comme l'éco-geste préféré des Français), il faut bien dire qu'on sort un peu bousculé par cette démonstration : le recyclage n'est plus un miracle, c'est un mirage ou un mythe, avec cet effet profondément pervers d'entretenir un système de surconsommation.
Faut-il arrêter de recycler ?
Non, bien sûr : le tri reste évidemment indispensable à court terme et à notre échelle individuelle.
Simplement, il ne doit pas être vu comme l'alpha et l'oméga de nos politiques de gestion des déchets. Le propos a le grand mérite de replacer nos vrais objectifs collectifs au bon endroit pour lutter contre le plastique : il faut d'abord s'attaquer aux racines du problème, en réduisant drastiquement sa consommation (et donc sa production à l'échelle globale).
Mieux encore que collecter, traiter et recycler, le véritable enjeu est de faire que les déchets n'existent pas. C'est un peu comme dans l'énergie : vous savez, on dit souvent que la meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas. Eh bien pareil : le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas.
Ça veut dire changer nos habitudes et sortir de notre culture du tout jetable, ce qui peut commencer par des outils très simples comme la consigne ou le vrac.
Mais c'est bien une transformation profonde qu'il faut entreprendre avec un renversement des perspectives que Flore Berlingen formule avec ce sens de la nuance subtil, mais essentiel :
L'objectif n'est plus de faire de nos déchets des ressources, mais bien de ne pas faire de nos ressources des déchets.