Le TGV immobilisé à Marseille pour tourner un clip de rap
par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - Huit personnes, dont quatre mineurs, doivent être déférées lundi devant un juge pour leur participation présumée à l'immobilisation samedi d'un TGV à Marseille pour tourner le clip vidéo d'un groupe de rap de Marseille baptisé "11.43".
Le plus jeune a 13 ans et demi, le plus âgé 36 ans.
Tous devraient être mis en examen pour des faits d'entrave à la circulation des trains, passibles d'une peine de six mois de prison et de 3.750 euros d'amende, et de faits de dégradation aggravée de rames commis en réunion pour lesquels ils encourent une peine maximale de sept années d'emprisonnement.
"C'est une sombre affaire qui suscite une émotion certaine. Ce n'est pas un événement banal", a affirmé lundi le procureur de Marseille, Jacques Dallest, lors d'une conférence de presse.
Le parquet, qui doit ouvrir une information judiciaire ce lundi, ne demandera pas un mandat de dépôt pour les personnes déférées, qui devraient être libérées sous contrôle judiciaire.
Parallèlement, les enquêteurs décryptent plusieurs films vidéo, notamment ceux tournés par les voyageurs à l'aide de leurs smartphones, pour identifier d'autres participants à l'opération. Ils recherchent aussi les membres du groupe de rap qui auraient pu planifier l'attaque du train.
Parmi les personnes interpellées se trouve un jeune majeur arrêté en possession d'un matériel vidéo professionnel qui devait servir au tournage d'un clip de rap d'un groupe de la cité sensible Air Bel, devant laquelle le TGV a été immobilisé.
"Il affirme qu'il devait filmer dans un souci artistique. Il s'agissait d'arrêter un train en rase campagne et de danser autour", résume le procureur, soulignant une "banalisation des mots et des actes", "une absence de repères."
"Les faits sont graves, on n'arrête pas impunément un train", confirme le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Jean-Paul Bonnetain, pointant un groupe de rap "dont la dénomination n'est pas neutre".
PAS UN ATTAQUE DE DILIGENCE
Originaire d'Air Bel, une cité sensible des quartiers Est de la ville, le groupe de rap a pris pour nom "11.43", en référence au calibre de l'arme généralement utilisée par le milieu du grand banditisme pour régler ses comptes dans la cité phocéenne.
La quarantaine de jeunes, qui a immobilisé samedi le TGV assurant la liaison entre Marseille et Nice, sont également pour la majorité originaires de cette cité de la ville.
Cent cinquante voyageurs se trouvaient à bord de la rame, qui venait de quitter la gare Saint-Charles. Le conducteur a arrêté le train à la vue des torches de détresse déposées par les agresseurs sur la voie, comme le veut la procédure.
Les assaillants, qui n'ont pu monter à bord en raison du verrouillage des portes, ont pris la fuite à l'arrivée de la police.
Dix personnes ont été interpellées au terme d'une course-poursuite avec les forces de l'ordre. Six sont connues des services de police pour des faits de petite délinquance.
"Très clairement, on n'est pas dans l'attaque de la diligence avec dépouillement des passagers. Il n'y a pas d'intention avérée de vol", précise le directeur départemental de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel.
Plusieurs trains de marchandises ont déjà été contraints de s'arrêter dans les quartiers nord de Marseille par des assaillants qui ont forcé les portes des wagons pour s'emparer de leur contenu. Un TER avait été attaqué, en 2011, par plusieurs individus qui avaient rançonné les voyageurs.
Edité par Yves Clarisse