Le vin volcanique : aux origines de l'histoire viticole

Au micro d'Ali Rébeihi et de Daniel Fiévet, dans l'émission "Grand Bien Vous Fasse", le géologue spécialiste du vin, Charles Fraenkel, revient sur la production peu connue des vins volcaniques en Italie. Un pays dont l'étonnante diversité des sols offre de formidables terroirs viticoles et une histoire fascinante.
Avec le terroir viticole volcanique, c'est peut-être bien l'origine même de l'histoire du vin qui commence ! Comme l'explique le géologue "depuis que les humains produisent du vin, ils se plaisent à planter leurs vignes sur les flancs de volcans actifs qui menacent, à tout moment, d'ensevelir cépages et vignerons. S'ils prennent ce risque, c'est que les sols volcaniques constituent d'excellents terroirs viticoles.
Charles Fraenkel est géologue de formation et grand amateur de vin. Il s'est pris de passion pour ces vins volcaniques auxquels il a consacré un très bel ouvrage "Vins de feu : À la découverte des terroirs des volcans célèbres", dans lequel il explique que la culture des vignes sur les flancs de volcans est loin d'être nouvelle si tant est qu'elle soit encore très largement méconnue dans l'ordre général de la culture viticole. Elle ne date pas d'hier et l'exemple le plus emblématique est le terroir qui occupe l'espace de l'ancienne cité romaine de Pompéi. La cité a été complètement ensevelie sous plusieurs mètres de cendres, après l'éruption du Vésuve en 79 av. J.-C.
La région du Vésuve : aux origines du vin
L'Italie est connue pour présenter un territoire très accidenté : l'espace est principalement occupé par des collines, des montagnes et des zones volcaniques particulièrement bénéfiques en termes de températures pour la production de vin. L'Italie possède quatre volcans actifs et de longues côtes. La conjugaison de tous ces éléments géologiques font le bonheur de la production viticole en offrant une diversité de terroirs. Ce qui permet aux Italiens, depuis les origines, de disposer d'une grande culture viticole dont on a retrouvé les traces, jusqu'à la cité ensevelie de Pompéi :
Charles Fraenkel explique qu'on y trouve des choses extraordinaires : "des bars à vin, des tavernes ouvertes sur les rues, les Pompéiens mangeaient souvent dehors pendant le déjeuner. On trouve en tout près de 200 tavernes avec des superbes comptoirs en mosaïque de marbre, avec une grande quantité grandes d'amphores encore présentes. Non loin, dans la ville d'Herculanum, on trouve encore un panneau au dessus duquel est indiqué le prix du vin à l'époque. Il faut savoir que, pour 1 sesterce (monnaie romaine) vous aviez la chance de disposer d'un grand cru" (ce qui revient aujourd'hui à un peu plus de 0,50 centimes d'euros)."
Le goût du vin était absolument différent
"Hélas, les amphores sont vides, tout s'est évaporé lors de l'éruption du Vésuve.
On a une idée des coutumes qui sont décrites mais jamais on n'en goûtera
Mais, à l'époque, la production du vin était tout autre. On y ajoutait des épices, le vin se buvait couramment chaud l'hiver, on faisait du vin frappé l'été car on allait chercher de la glace dans les cavernes du Vésuve pour y frapper le vin".
Le vin ou l'eau courante de l'époque ?
Quant aux quantités qui étaient alors bues, une estimation fait état de 130 litres par an et par personne ! Ce qui semble énorme aux vues des moyennes établies aujourd'hui, explique le géologue mais le rapport à la consommation était lui aussi tout aussi différent :
Charles Fraenkel : "C'est beaucoup par rapport à aujourd'hui, explique le géologue, car, à l'époque, on buvait beaucoup de mauvais vins alors qu'aujourd'hui, on boit moins mais, si notre consommation est moins quantitative, c'est parce qu'elle est avant tout plus qualitative qu'hier, avec la production de vins d'une bien meilleure qualité. De plus, à l'époque, le vin était un peu près la seule boisson viable dans la mesure où le rapport à l'eau était absolument douteuse.
En effet, jusqu'au XVIIIe siècle, dans les moeurs de l'époque, on considérerait l'eau comme étant porteuse de maladies (transmission de la peste notamment). C'est pourquoi, on coupait (non pas comme aujourd'hui, son vin avec son eau) mais son eau avec du vin, explique le géologue.
Le vin volcanique
Aujourd'hui, on cultive encore des vignes sur les flancs du Vésuve, dans la région sud-italienne de Campanie dont Naples est le chef-lieu. C'est un savoir-faire viticole qui présente ses caractéristiques propres de production comme tous les autres styles de vins connus. D'ailleurs, Charles Fraenkel explique qu'il en ressort toujours de très grands crus :
C'est quoi comme type de vin ?
"Le vin volcanique du Vésuve, on le produit encore aujourd'hui avec les mêmes cépages qu'autrefois. C'est ce qu'on appelle le Lacryma Christi qui comprend les cépages locaux de l'Aglianico, le Sciascinoso ou encore le Piedirosso. Des cépages aussi bien rouges que blancs. Ce sont des vins que l'on peut déguster en France, dans les restaurants italiens Napolitains".
C'est un vin très gouleyant (frais et léger) qui se boit très bien !
Pourquoi les terres volcaniques font de bons terroirs viticoles ?
Le géologue cite deux critères absolument fondamentaux qui font la force viticole volcanique :
- La terre. Le sol volcanique, comme la pouzzolane que nous utilisons pour votre jardin, c'est très léger et perméable, ce qui fait que l'eau passe à travers. La vigne c'est comme une tomate, ça n'aime même pas l'humidité. Il faut un sol bien drainé.
- Les vertus du relief volcanique, comme le Vésuve ou l'Etna. Vous avez toutes sortes d'expositions, car un volcan, c'est un cône où, tout autour, vous pouvez trouver toutes sortes d'endroits idéaux pour la production. Pour le Vésuve, c'est vers la zone située au sud du volcan qui est la plus fertile. Pompéi est bien au sud-est du Vésuve et c'est là que vous avez les meilleures expositions !
Comme un volcan est étagé en altitude, il est facile de trouver la ceinture viticole à la bonne altitude.
Un volcan offre un vrai étagement de micro-climat et un sol fertile
Des vins volcaniques en France
Certes il n'y a plus de volcans en activité en France, mais le géologue explique que cela n'empêche pas que les zones volcaniques conservent leurs vertus géologiques pour une production de vin digne de ce nom :
Il est possible d'en produire en Auvergne. En particulier dans le Puy-de-Dôme, pour les vins les plus réputés. Autour de Clermont-Ferrand, on peut y trouver d'excellents Gamay mêlés avec un peu de Pinot noir. Ce qui donne de très bons côtes d'Auvergne que l'on peut rapprocher d'un bon Beaujolais car il sera léger, fruité, parfait pour les grillades et les fromages !
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