Législatives en Corée du Nord : à quoi servent les élections dans une dictature ?

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Législatives en Corée du Nord : à quoi servent les élections dans une dictature ?

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Les 14e élections législatives se déroulent ce dimanche en Corée du Nord.
Les 14e élections législatives se déroulent ce dimanche en Corée du Nord.
© AFP - Ed JONES

Les Nord-Coréens se rendent... aux urnes ce dimanche. Des élections destinées à désigner les membres de l’Assemblée Populaire Suprême. À quoi servent des élections dans un pays considéré comme l’une des dictatures les plus répressives de la planète ? Le point en quatre questions.

1. À quoi correspond vraiment ce scrutin ?

Les Nord-Coréens "élisent" ce dimanche les 687 députés de leur Assemblée Populaire Suprême, qui est renouvelée tous les cinq ans. Pas besoin de sondages, le suspense sera de courte durée : la loi nord-coréenne stipule effet qu’il ne peut y avoir qu’un seul candidat par circonscription.

Chacun de ces candidats est désigné par le Parti des Travailleurs, au pouvoir depuis 1945... S’il existe trois autres petits partis minoritaires, tels que le "Parti social démocrate", ces partis sont inféodés au régime et servent juste à donner une apparence de démocratie.

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Cette Assemblée populaire nord-coréenne a en réalité très peu de pouvoir : elle se contente de valider les décisions prises par le Parti et le " Dirigeant Suprême" Kim Jong-un. En 2014, le taux de participation était de 99,97 % et chacun des candidats avait été glorieusement élu avec 100 % des suffrages

En fait, les Nord-Coréens peuvent voter soit pour ou contre le seul candidat proposé et très peu se risquent à se montrer déloyal envers le régime. Ce scrutin est ainsi un outil de contrôle idéologique, qui permet aux autorités de vérifier la loyauté de chacun. La propagande en profite pour marteler son message d’unité et pour rappeler les bienfaits supposés d’un système présenté comme égalitaire et démocratique.

Enfin, ces élections permettent aux observateurs extérieurs d’identifier, parmi l’élite nord-coréenne, qui sont des figures montantes ou celles en disgrâce. C’est un aperçu, certes limité, sur les jeux de pouvoir à Pyongyang. 

2. Comment vit-on à Pyongyang aujourd’hui ?

Depuis que Kim Jong-un a succédé à son père à la tête de la Corée du Nord, le pays qu'il dirige a évolué. Son principal changement est d’ordre économique : l’épouvantable famine et l’effondrement de l’économie dans les années 90 ont eu pour conséquence une émergence des marchés privés, grâce auxquels les Nord-Coréens ont pu survivre. Les autorités n’ont pas eu d’autre choix que de tolérer le développement de ce qui est considéré comme un véritable capitalisme souterrain, même si la Corée du Nord reste en théorie un pays communiste. Ce qu’a fait Kim Jong-un à son arrivée au pouvoir, c’est de laisser ces marchés privés se développer encore davantage. 

Kim Jong-un a aussi lâché la bride au cou des entrepreneurs privés qui se sont enrichis grâce aux marchés, et investissent dans de petites usines, construisent des bâtiments, etc. 

Le dirigeant nord-coréen semble vouloir s’éloigner de la politique de son père qui donnait la priorité à l’armée, pour se concentrer sur le développement économique. À Pyongyang sont donc apparus des parcs d’attractions aquatiques, les téléphones portables sont omniprésents, les coupures d’électricité sont plus rares. Il y a de nombreux signes d’un mieux-être économique et de l’émergence d’une sorte de classe moyenne.

Mais le régime reste totalitaire : aucune liberté d’expression, endoctrinement idéologique intense, camps de prisonniers politiques... La répression contre ceux qui cherchent à fuir s’est intensifiée. L’année dernière, environ 70 hauts responsables ont été victimes de purges, selon un rapport que vient de publier ONG à Séoul.

3. Quelle est la place des femmes dans la société nord-coréenne ?

La journée était fériée ce vendredi, pour célébrer la journée mondiale des droits des femmes. En théorie, la loi nord-coréenne est très avancée en matière de droits des femmes. Sauf qu’en pratique, la société au Nord est toujours marquée par le confucianisme – comme  au Sud – et elle reste très patriarcale. Les discriminations sont nombreuses et le rang social des femmes est inférieur. 

Mais l’effondrement du pays dans les années 90 a eu une conséquence inattendue : les femmes, contrairement aux hommes, n’étaient pas obligées de se rendre sur leur lieu de travail pour un salaire proche de zéro. Ce sont elles qui ont dû subvenir aux besoins de leur famille, grâce aux marchés privés en pleine expansion. Elles sont devenues des entrepreneuses et elles se sont émancipées, elles ont gagné une indépendance nouvelle, un meilleur statut.  

Mais leur situation reste difficile : l’année dernière, un rapport accablant de l’ONG de défense des Droits humain de l’Homme Human Rights Watch révélaient que de nombreuses Nord-Coréennes sont victimes de viols et d’abus sexuels de la part d’officiels du régime, lesquels agissent dans l’impunité la plus complète.

4. Quels sont les objectifs de la diplomatie de Kim Jong-un ?

Le régime a réussi à développer ces dernières années une force de dissuasion nucléaire, en laquelle il voit la meilleure des garanties de survie. Sa priorité à présent, c’est la levée des sanctions qui font de plus en plus mal : l’économie nord-coréenne pourrait s’être contractée de 5 % en 2018, après une baisse de 3,5 % en 2017, selon un récent rapport sud-coréen.

Le dernier sommet entre Kim Jong-un et Donald Trump au Vietnam a échoué, parce que la Corée du Nord demande la levée des sanctions les plus sévères, en échange du démantèlement d’un seul site nucléaire, alors qu’elle en possède d’autres. Un compromis impossible à accepter pour les Américains. 

Récemment, un site de lancement de fusée au Nord a été reconstruit et serait de nouveau opérationnel : c’est un message d’avertissement, le régime rappelle à tous qu’il peut reprendre ses "provocations" à tout moment. 

Mais à Séoul, la plupart des analystes ne croient pas à une reprise prochaine des essais nucléaires ou balistiques. Kim Jong-un a en effet besoin d’un accord pour lever les sanctions Et si la diplomatie des sommets n’a pas encore permis d’accord concret de dénucléarisation, ce n’est guère étonnant : mettre fin à sept décennies d’hostilité et de méfiance profonde prendra du temps.

En acceptant de parler directement à Kim Jong-un, qui est le seul en Corée du Nord à pouvoir prendre des décisions stratégiques, Donald Trump a choisi la meilleure des options à sa disposition, même si le processus de dialogue est incertain, et pourrait prendre des années.