Les accusations de violences sexuelles portées contre Roman Polanski s'accumulent
Par Lisa Guyenne, AFPCe 9 novembre 2019, une nouvelle femme accuse le réalisateur Roman Polanski de l'avoir violée lorsqu'elle avait 18 ans. Au total cinq femmes l'accusent de violences sexuelles.
"En 1975, j'ai été violée par Roman Polanski". Ces mots sont ceux de Valentine Monnier, qui témoigne ce samedi dans le journal Le Parisien. Quarante-quatre ans après les faits, c'est la sortie prochaine du nouveau film de Polanski, "J'accuse", qui l'a décidée à parler. D'autres femmes ont déjà accusé le cinéaste de violences sexuelles.
2019, les nouvelles accusations portées par Valentine Monnier
En 1975, Valentine "sait seulement que Polanski a réalisé "Rosemary's Baby" et que son épouse, Sharon Tate, a été sauvagement assassinée par les disciples de Charles Manson en 1969. Elle explique s'être retrouvée en vacances dans le chalet suisse de Polanski, par le biais d'une amie commune. C'est là qu'un soir, alors qu'ils n'étaient que tous les deux, Polanski aurait fait monter Valentine dans sa chambre avant de lui faire vivre l'enfer.
"Ce fut d'une extrême violence, après une descente de ski, dans son chalet, à Gstaad (Suisse). Il me frappa, roua de coups jusqu'à ma reddition puis me viola en me faisant subir toutes les vicissitudes.Je venais d'avoir 18 ans", accuse cette photographe, ancienne mannequin.
Lui, à l'époque, a 42 ans. Le Parisien relaie pas moins de sept témoignages accréditant les accusations de Valentine Monnier envers le réalisateur : amis de l'époque, famille, entourage de Polanski. Il y a par exemple cet homme, pourtant ami du réalisateur, chez qui Valentine dit se réfugier après l'agression. "Quand elle est arrivée dans mon chalet, je crois me souvenir qu'elle avait un bleu sur la joue. Puis, elle m'a dit qu'elle venait d'être brutalement violée par Polanski [...]. Je trouvais que c'était une personne honnête et qui allait de l'avant et je n'avais aucune raison de douter de ce qu'elle me disait." Un autre témoin de l'époque confie au Parisien :
"Roman avait des problèmes psychologiques avec les femmes."
De son côté, le cinéaste nie en bloc. Le Parisien relate la réponse obtenue auprès d'Hervé Témime, l'avocat de Polanski. "À titre personnel, précise le conseil du réalisateur, je ne peux que constater que les faits allégués datent d'il y a quarante-cinq ans. Qu'ils n'ont, pendant toutes ces longues années, jamais été portés à la connaissance de l'autorité judiciaire ou de M. Polanski.""Dans de telles conditions, je déplore gravement la parution, à la veille de la sortie du film, de telles accusations."
1977, l'affaire Samantha Gailey
Le 11 mars 1977, Roman Polanski, 43 ans, est arrêté aux États-Unis : il est accusé d'avoir drogué et violé une adolescente de 13 ans, Samanta Gailey, lors d'un shooting photo dans la villa de l'acteur Jack Nicholson à Hollywood. Devant un grand jury, elle affirme qu'il lui a fait prendre un sédatif avant d'avoir des rapports sexuels avec elle. "Il ne voulait pas me faire de mal (...) mais il ne comprenait pas que j'étais trop jeune. Il ne voyait pas que j'avais peur", raconte-t-elle à la barre.
Inculpé le 24 mars, Polanski plaide d'abord non coupable. Puis, en août, pour éviter un procès ultramédiatique, il finit par plaider coupable de détournement de mineure. En échange, le juge abandonne les poursuites pour viol avec fourniture et consommation de drogue. Un accord juridique est passé avec la plaignante. Roman Polanski écope de trois mois de prison, dont il sort au bout de 42 jours pour "conduite exemplaire".
Mais en janvier 1978, à la veille de l'audience pour confirmer l'accord juridique, le juge fait volte-face, considérant que la sentence n'est pas suffisante. Roman Polanski, qui risque la peine maximum, s'envole pour Paris le 31 janvier. La justice américaine délivre un mandat d'arrêt international, mais les deux pays d'origine du cinéaste (la France et la Pologne) refusent de l'extrader.
En 2009, il est néanmoins arrêté à Zurich : il écope de deux mois de prison et huit mois d'assignation à résidence dans son chalet de Gstaad. En 2010, la Suisse rejette finalement la demande d'extradition. Aujourd'hui, la Justice américaine est toujours à ses trousses.
2010, les accusations de Charlotte Lewis en plein festival de Cannes
En mai 2010, l'actrice britannique Charlotte Lewis accuse le réalisateur d'avoir "abusé sexuellement de la pire façon possible" d'elle lors d'un casting organisé chez lui en 1983. "M. Polanski savait que je ne n’avais que 16 ans quand nous nous sommes rencontrés, et il m’a forcée (à avoir des relations sexuelles avec lui) dans son appartement à Paris", déclare-t-elle lors d'une conférence de presse à Los Angeles.
Mais la même année, peu après les accusations de Charlotte Lewis, le journal Libération exhume un document surprenant : une interview de l'actrice à un journal britannique, News of the World, en 1999. Elle y racontait son passé d'escort-girl, en expliquant : "Je voulais être la maîtresse de Roman Polanski". De quoi, selon ses détracteurs, discréditer le témoignage de Charlotte Lewis. Le site News of the World ayant fermé en 2011, l'interview d'origine n'est plus accessible. À l'époque, les avocats de Roman Polanski avaient dit n’avoir "aucune information sur les déclarations faites lors de la conférence de presse".
2017, les accusations de "Robin" et de Renate Langer
En août 2017, une autre femme, identifiée sous le nom de "Robin", accuse Roman Polanski d'agression sexuelle lorsqu'elle avait 16 ans. Les faits qui auraient eu lieu en 1973 sont prescrits. "La raison pour laquelle j’ai gardé cela pour moi, c’est que je ne voulais pas que mon père fasse quelque chose qui aurait pu l’envoyer en prison pour le reste de sa vie", expliquait-elle alors. À noter que "Robin" est défendue par la même avocate que Charlotte Lewis : Gloria Allred.
Un mois plus tard, Renate Langer, ancienne actrice, dépose à son tour une plainte pour viol. Elle affirme avoir été violée en 1972 à Gstaad, soit au même endroit, et trois ans avant, l'agression supposée de Valentine Monnier. Renate Langer était âgée de 15 ans : en 2017, la justice suisse considère également que ces faits sont prescrits. À chaque fois, l'avocat du réalisateur déclare que les accusations sont "sans fondement".
En 2017, Polanski est contraint de renoncer à présider les César. On est alors en pleine affaire Weinstein et le mouvement féministe réclame son départ. Le 3 mai 2018, enfin, l'Académie des Oscars exclut Roman Polanski. Le réalisateur, membre depuis 1968 et oscarisé pour le film "Le Pianiste" dépose un recours.