Les copropriétés en difficulté, épine dans le pied des propriétaires les plus pauvres
Par Claire Chaudière, Ouafia KhenicheLe gouvernement veut régler le problème des copropriétés en difficulté. Endettement, insalubrité, charges exponentielles... Ces logements ne sont pas des logements sociaux. Pour autant, les pouvoirs publics doivent-ils les laisser à l'abandon ?
Les copropriétés en difficulté restent pour le moment un dossier quasi insoluble en France. La question se pose à partir des années 90. Depuis cette époque, l'État et les collectivités territoriales tentent d'agir, notamment dans le cadre de la rénovation urbaine des grands ensembles, sans toutefois le faire à grande échelle puisqu'il s'agit du parc privé. Aujourd'hui on estime à plusieurs à 100 000 le nombre de copropriétés en situation de fragilité en France.
Ce phénomène prend sa source après guerre dans le vieux rêve du "tous propriétaires". Dans les années 60 et 70, les copropriétés se multiplient. Au beau milieu des 30 glorieuses, chacun veut son chez soi, y compris les plus modestes. Avec cette embellie économique, devenir propriétaire peut enfin devenir une réalité pour les plus modestes.
En centre-ville d'une part, les grands immeubles anciens sont divisés et vendus en plusieurs lots. En périphérie des grandes villes, d'autre part, avec le développement "de résidences" privées, mêlées aux constructions de logement social dans les grands ensembles. D'ailleurs, on confond encore souvent ces copropriétés en difficulté avec le parc HLM. Si bien souvent ces "résidences" sont proches de logements sociaux comme les Bosquets à Montfermeil ou Grigny 2, leurs habitants ne sont pas pour autant locataires de bailleurs sociaux.
C'est donc bel et bien au parc privé qu'appartiennent ces logements. Des copropriétés qui évoluent au fil du temps et bien souvent se dégradent sur le même territoire que ces grands ensembles, d'où cette confusion.
L'engrenage
La dégradation se fait souvent selon le même mécanisme. Des familles modestes ou très modestes parviennent tant bien que mal à acheter un appartement dans un quartier en difficulté. Un rien peut tout faire basculer : des travaux imprévus, un ou deux mauvais payeurs dans la copropriété et pour peu que le lieux soit déjà en mauvais état, les charges communes explosent et pour les plus pauvres des copropriétaires, c'est rapidement l'engrenage, ils ne peuvent plus payer. Toutes les charges pèsent alors sur les autres propriétaires. Mais les retards de paiements s'accumulent et en parallèle l'immeuble et ses abords se détériorent. Plus le logement se détériore plus les travaux sont lourds, plus les charges augmentent encore. Finalement, le bien fini par perdre de sa valeur et les appartements deviennent invendables quand ils ne sont pas insalubres.
Comment lutter contre cette spirale d'endettement ?
Le ministère de la Cohésion des territoires estime à 684 le nombre de copropriétés les plus en difficulté et a identifié 14 secteurs où le problème se pose de manière particulièrement aiguë. À l'occasion du congrès de l'Union Sociale pour l'Habitat à Marseille, le gouvernement a dévoilé ce mercredi de nouvelles mesures : une enveloppe de 2,7 milliards d'euros et de nouveaux outils juridiques pour accélérer la transformations des copropriétés dégradées. Plusieurs options possibles : le redressement, la démolition ou même le transfert de certains immeubles vers le logement social. Parmi les mesures également : la prise en charge à 100% de travaux d'urgence (ascenseurs, toitures, sécurité incendie) et de la gestion urbaine de proximité (gestion des déchets, notamment lorsque l'environnement de l'immeuble s'est lui aussi dégradé).
Claire Chaudière s'est rendue à Épinay-sur-Seine, en région parisienne, au "Clos des Sansonnets", la plus grande copropriété en difficulté du territoire de Plaine Commune, au nord de Paris.
Reportage au "Clos des sansonnets", une cité de grands ensembles, mais dans le privé, où les impayés de charges ont commencé à flamber ces dernières années.
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Si les maires d'Epinay-sur-Seine ou de Grigny saluent un plan ambitieux, qui va plus loin que les précédentes actions de l'Etat en la matière et vise à sortir durablement ces copropriétés d'une spirale de dégradation, l'ARC (Association des Responsables de Copropriétés) regrette, elle, que les mesures ne concernent que les situations les plus difficiles. "C'est un problème beaucoup plus global", estime Emile Hagège, le directeur de l'Arc.
En France, un sixième des copropriétés a basculé vers la précarité. C'est un plan de d'accompagnement et de prévention beaucoup plus important qui est aujourd'hui nécéssaire. Là, le gouvernement ne s'attaque qu'au problème des "grands brûlés". C'est nécéssaire. Mais pas suffisant.