Les dirigeants bientôt autorisés à questionner directement leurs employés
Par Marie-Stéphanie ServosDans son programme pour réformer le droit du travail, le gouvernement souhaite élargir le recours au référendum en entreprises aux dirigeants. Qu’est-ce que cela signifie ?
Mardi après-midi, le Premier ministre Edouard Philippe et sa ministre du Travail Muriel Pénicaud ont présenté la feuille de route exposant les grandes lignes de la réforme du droit du travail. Parmi ses axes de travail, le gouvernement prévoit de “renforcer l’efficacité” du dialogue social en entreprise. Il s’agit notamment de faire fusionner les instances représentatives du personnel, et d’élargir le référendum d’entreprise aux dirigeants.
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Avec cette dernière mesure, le gouvernement Philippe ressort des cartons un point que les sénateurs avaient déjà tenté d’intégrer à la première mouture du texte loi Travail portée par Myriam El Khomri. Vivement contesté à l’époque, l’amendement avait finalement été censuré par les députés.
Faciliter le référendum en entreprise, éviter les blocages
Le gouvernement souhaite donc aller plus loin encore, en ouvrant la possibilité de recours au référendum aux dirigeants en cas d’accord minoritaire.
Depuis le 1er janvier 2017, quand un accord n’est pas validé par les syndicats majoritaires (représentant 50% au moins, des employés), il est possible de le faire adopter quand même en recourant au référendum. Cette pratique était jusque-là réservée aux corporations syndicales minoritaires (représentant 30% des salariés au moins).
Les partenaires sociaux ne seraient donc plus les seuls à pouvoir enclencher une consultation auprès des employés. Concrètement, il s’agirait de donner la possibilité aux dirigeants de les questionner directement sur les mêmes thèmes que ceux prévus pour l’instant : le temps de travail, les repos et congés. Mais à partir de 2019, cette mesure pourrait être élargie à tous les accords d’entreprise.
Idéal de démocratie sociale pour les uns...
Pour le patronat, pouvoir s’adresser directement aux salariés sans passer par la case “syndicat” serait un avantage : plus d’intermédiaire avec les employés équivaudrait à éviter de potentiels blocages.
Pour François Asselin, président de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) :
“C’est la vraie démocratie sociale. Nous n’avons jamais craint, dans les entreprises, de nous adresser directement à nos salariés. Qu’un chef d’entreprise puisse le faire à travers un référendum relève du bon sens.”
...menace sur le dialogue social et chantage pour les autres
Mais du côté des syndicats, le scepticisme est de mise. Ces derniers estiment que le référendum pourrait affaiblir, voire saper la responsabilité et la légitimité des corps intermédiaires. Les partenaires sociaux perdraient en effet le pouvoir de bloquer des réformes plébiscitées par les salariés.
Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ce type de consultation peut même devenir une “arme de chantage” qui pourrait obliger les salariés à choisir entre “la peste et le choléra”.
Pourtant, les syndicats n’envisagent pas de refuser cette mesure, mais de renforcer d’abord les négociations en entreprises, avant d’avoir recours à un référendum.
Si les partenaires sociaux ne s’accordent pas tous sur ce point, un consensus existe néanmoins : que le gouvernement négocie en amont du lancement effectif de la réforme.
Chronologie
- En 2008, sous le gouvernement Sarkozy, une réforme est venue préciser le seuil minimum de 30% pour qu’un syndicat soit considéré comme représentatif.
- La loi El Khomri est venue modifier cette règle : depuis le 1er janvier 2017 et son entrée en vigueur, la validation de certains accords d’entreprise ne peut être entérinée que si ce dernier a été paraphé par des syndicats représentants au moins 50% des employés. Toutefois, la loi permet en échange de valider un accord avec seulement 30% de représentation syndicale dans l’entreprise après consultation des salariés. Si une majorité de votes est atteinte, il y a validation. Dans le cas contraire, il est caduque.
- Avec son programme de poursuite des réformes du droit du travail, le gouvernement Édouard Philippe souhaite élargir ce recours au référendum aux dirigeants.