"Les Dissociés", un coup de pied dans les codes

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"Les Dissociés", un coup de pied dans les codes

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Vincent Tirel et Raphaël Descraques
Vincent Tirel et Raphaël Descraques
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Comment trois suricates, une bonne idée et un film sur une enfant de cinq ans (et demi) coincée dans le corps d'un trentenaire barbu bousculent joyeusement les codes de l'industrie cinématographique à la française.

Le simple fait que "Les Dissociés" existe est un petit miracle en soi. Ici, pas de gros producteur, pas de subvention du ministère de la Culture ou du CNC, pas de tête d'affiche célèbre et pas de tournée des plateaux télé. Juste une bande de potes qui ont multiplié les courts-métrages hilarants depuis plus de deux ans ( cherchez simplement "Suricate" sur YouTube pour vous en convaincre) et qui ont décidé de réaliser leur propre film, en s'éloignant autant que possible des sentiers battus, aussi bien dans l'écriture que dans la manière de le produire.

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Annoncé début octobre via un teaser délirant puis une bande-annonce prometteuse , "Les Dissociés" a d'abord été présenté lors de plusieurs avant-premières en salles un peu partout en France, avant d'être finalement diffusé sur le web. Il y a déjà reçu un accueil plus que chaleureux, et frôle à l'heure qu'il est le million de vues , dont la moitié dès le premier jour. Soit plus que la plupart des films sortis en salles (y compris le meilleur démarrage de l'année, "Les Profs 2", avec 311.000 spectateurs en 24 heures).

► ► ► SUR LE WEB | Regarder le film complet sur YouTube (1h15)

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Certes, le modèle de diffusion du film (disponible gratuitement) fait sans doute grimper les statistiques, et on ignore également le nombre de visionnages du film dans son intégralité. Mais le chiffre reste énorme, et montre bien que ce type de production a désormais son public, de plus en plus large.

Dissociation de bienfaiteurs

Le film a été en grande partie financé par le placement de produit (qui reste tout de même infiniment plus discret que dans des superproductions comme "Jurassic World"), et son (petit) budget de 150 000 euros sera complété par une diffusion sur W9 (Suricate fait en effet partie d'un autre groupe, Golden Moustache , qui appartient lui-même à M6 ) et par les revenus publicitaires de YouTube.

Ils ont (aussi) convaincu sur le web

  • Le Visiteur du Futur : une série de science-fiction dans laquelle on retrouve certains visages des "Dissociés". Elle a connu les honneurs d'une version sous-titrée en anglais et de plusieurs coffrets DVD.
  • Studio Bagel : un collectif de YouTubeurs qui réalisent régulièrement des sketchs. Ils ont été en partie rachetés par Canal Plus en 2014.
  • Norman fait des vidéos : véritable star du web français, il a tenté l'aventure du cinéma (avec un succès modéré) et le one-man show.

Mais au-delà du modèle économique alternatif, qui prouve qu'on peut éviter le circuit traditionnel, le film est avant tout une véritable réussite artistique. Difficile de citer une comédie française de science-fiction qui atteindrait le niveau d'excellence des "Dissociés". En fait, on aurait même du mal à trouver un film français récent qui nous aurait autant surpris ces dernières années.

Avec son scénario cohérent et bourré d'imagination, ses dialogues savoureux, ses comédiens toujours justes (il faut voir Vincent Tirel, grand gaillard barbu, jouer les mimiques d'une enfant de cinq ans) et ses clins d'oeil savoureux à l'univers des "YouTubeurs" français (avec en tête les caméos du Palmashow, d' Antoine Daniel, Thomas VDB, ou Kyan Khojandi), le film du collectif Suricate rafraîchit sérieusement la comédie française , un genre qui en a cruellement besoin.

On demande souvent aux jeunes créateurs du web ce qu'ils comptent faire "après", et quand ils se décideront à franchir le pas vers la télé et le cinéma. À ces questions, "Les Dissociés" répondent très clairement : pourquoi faire ?