Les femmes en première ligne pendant la crise mais oubliées de la relance, selon un rapport
Par Léa Guedj, Claire Chaudière
Un rapport publié ce lundi par la Fondation des femmes dénonce des mesures gouvernementales qui ne prennent pas en compte les femmes, "en première ligne" pendant la crise sanitaire, mais "oubliées" de la relance économique.
La crise sanitaire a été un _"accélérateur d’inégalités"_entre les femmes et les hommes, selon un rapport de la Fondation des femmes publié ce lundi. Alors que les 100 milliards prévus pour relancer l’économie pourraient permettre de "rectifier le tir", cette question n’a pas été prise en compte par le gouvernement qui a "favorisé les secteurs plus masculins".
La crise sanitaire a creusé les inégalités de genre
Les femmes ont été les grandes perdantes de la crise sanitaire sur le plan économique. Pendant le confinement, d’abord, qui "aurait pu être l'occasion de rebattre les cartes", regrette Margaux Collet, co-rédactrice du rapport, interrogée par France Inter. Finalement les femmes se sont occupées des enfants deux fois plus longtemps que les hommes et elles sont deux fois plus nombreuses à s’être arrêtées de travailler.
Sur-représentées dans les emplois précaires, elles subissent de plein fouet la crise économique. "Non seulement les femmes sont sur-représentées dans les emplois précaires - elles comptent pour 60% des personnes en CDD, 70% des vacataires, 83% des temps partiels - mais elles le sont plus particulièrement dans les secteurs les plus touchés par la crise : hôtellerie, restauration, commerce, culture", ajoute le rapport.
Les femmes "félicitées" puis "oubliées"
Les femmes sont aussi sur-représentées dans les emplois "en première ligne__, davantage exposées aux risques de contamination" : les infirmières (87% de femmes) et aides-soignantes (91%), les aides à domicile et les aides ménagères (97%), les agentes d’entretien (73% ), les caissières et vendeuses (76%) ou les enseignantes (71%).
"Alors qu’ils s’avèrent les plus utiles à la société, ces métiers ont en commun d’être sous-rémunérés", explique le rapport qui montre qu'elles bénéficient peu des aides gouvernementales. Sur les 35 milliards alloués aux plans de soutien sectoriels, seuls 7 milliards seront dédiés à des emplois plus féminins, tandis que "des montants très importants ont été alloués à des industries principalement masculines" (l’automobile, l’aéronautique, les entreprises technologiques, le bâtiment et les travaux publics).
Moins d'aides, alors que certains de ces emplois féminisés, dits "essentiels" pendant la crise sanitaire, sont menacés de "licenciements massifs". Les caissières, "dont l’avenir semble être mis en péril par le mouvement d’automatisation des supermarchés", les agentes de nettoyage, avec "le télétravail et la fermeture des bureaux", les vendeuses, avec "l’expansion d’Amazon, dont les entrepôts créent surtout des emplois de manutentionnaires masculins", décrit Marie-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, interrogée par France Inter.
Des secteurs d’avenir financés, mais très peu féminisés
Dans son plan de relance, le gouvernement mise particulièrement sur l’économie de l’écologie, à laquelle il veut consacrer 30 milliards d’euros. Or, "__les métiers verts sont quasiment non mixtes : les femmes ne représentent que 16% des employé.e.s", souligne le rapport_._ Idem dans le numérique, auquel 7 milliards d’euros seront consacrés. "Très peu diplômées de la Tech", les femmes ne représentent que "30% des employé·es et occupent principalement des fonctions de support au sein des ressources humaines, de l’administration, du marketing et de la communication" dans le numérique.
On les a félicitées, on a trouvé que c'était formidable, mais on les oublie complètement quand il s'agit de relancer l'économie."
Problème : il n’est visiblement pas prévu de "financer la formation et la reconversion des femmes vers les filières d'avenir", comme le souhaiterait la Fondation. D’ailleurs, l’égalité entre les femmes et les hommes n’a pas été intégrée dans les préoccupations du gouvernement concernant la relance. Le collectif Les Glorieuses, s’est ainsi aperçu que le mot "femmes" n’est même pas mentionné dans le dossier de presse de France Relance.
"Au minimum, on aurait attendu de l'Etat ne serait-ce que des statistiques sexuées sur les bénéficiaires des aides", réclame Margaux Collet. Les femmes, "on les a félicitées, on a trouvé que c'était formidable, mais on les oublie complètement quand il s'agit de relancer l'économie", résume Marie-Cécile Mailfert. "C'est fou qu'ils ne se soient même pas posé la question !, s’indigne-t-elle. Ça montre à quel point c'est un détail pour eux."
L'occasion manquée d'un "plan de relance féministe"
"On va continuer à aggraver ces inégalités qui existaient avant la covid, et qui se sont renforcées pendant le confinement et la crise économique", dénonce la présidente. Selon ONU Femmes, au niveau mondial, la pandémie pourrait anéantir 25 années de progrès en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes.
Pourtant, ces milliards injectés seraient l’occasion de "rectifier le tir", grâce à "un plan de relance féministe". Les élues européennes féministes se sont d'ailleurs mobilisées, avec succès, pour que le plan européen appelle à une répartition équitable des fonds et prévoit une évaluation genrée de l’impact des mesures.
Pour prendre en compte cet enjeu au niveau national, la Fondation des femmes demande notamment "__que les aides du plan de relance soient conditionnées au respect de l'égalité femmes-hommes". "Ce serait extrêmement incitatif pour les entreprises", insiste Marie-Cécile Mailfert qui alerte sur une relance qui se ferait "sur le dos des femmes : Nous pourrions le payer cher dans les années à venir, car lorsque les femmes décrochent, c’est une avalanche de précarité qui s’en suit__, notamment parce qu'elles sont à la tête de nombreuses familles monoparentales. Ce sont donc des générations qui pourraient être impactées. Alors, avec ce rapport, on tire la sonnette d’alarme."