"Les femmes ne s'arrêteront pas là" : des épouses et mères russes dénoncent les déboires de l'armée

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"Les femmes ne s'arrêteront pas là" : des épouses et mères russes dénoncent les déboires de l'armée

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Un soldat russe, en patrouille à Marioupol, le 12 avril 2022.
Un soldat russe, en patrouille à Marioupol, le 12 avril 2022.
© AFP - ALEXANDER NEMENOV

Courriers, demandes d'échange de prisonniers et enquêtes. En Russie, un collectif - le "Conseil des mères et des épouses de soldats" - monté par la mère d'un soldat, dénonce les déboires le d'armée russe en Ukraine, malgré la volonté de Moscou de les décourager.

Dans cette guerre menée par Vladimir Poutine, il y a des voix qui s'élèvent en Russie et qui comptent pour exprimer leur désaccord. Parmi ces voix, il y a souvent celles de femmes, émanant notamment du "Conseil des mères et des épouses de soldats", un collectif monté par Olga Tsukanova. Maman d’un soldat, cette dernière dénonce notamment les déboires de l'armée russe en Ukraine et l'opacité de l’administration à propos des pertes de Moscou sur le terrain.

Volonté de décourager

L’action d'Olga Tsukanova et de ses collègues s'apparente à une quête dans le vide. Les courriers adressés au FSB pour tenter d'avoir des nouvelles de leurs maris ou de leurs enfants restent tous lettres mortes. Quant aux demandes d'échanges de prisonniers, comme ce fut le cas avec les militaires ukrainiens du bataillon Azov, elles sont purement et simplement ignorées par l'administration. Un "mépris" qui les pousse parfois à mener leurs propres enquêtes. "Le plus souvent, nous cherchons nous-même des vidéos sur Internet, assure Olga. Beaucoup d'entre nous ont reconnu leurs proches sur des images. Une fois, une femme m'a même envoyé une vidéo dans laquelle elle a trouvé son fils mort. D'autres ont reconnu leurs maris parmi des bataillons de prisonniers." Des recherches qui se font un peu au hasard, dans le fouillis des milliers d’images qui abondent sur les réseaux sociaux tels que Telegram. Vertigineux pour des amies d’Olga qui préfèrent aller directement sur le terrain. "Certaines vont même seules dans les morgues, précise cette maman. D’autres demandent à rencontrer ceux qui sont revenus de captivité", à la recherche de la moindre information.

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Lorsque des mères de militaires sont reçues au Kremlin par Vladimir Poutine en personne, son collectif n'est pas convié. Celles qui ont pu rencontrer le président russe ont été triées sur le volet. Il ne fallait pas faire de vague. Olga Tsukanova a même reconnu, parmi les femmes présentes, la maman d’un soldat mort en… 2019. Une autre preuve de la volonté du Kremlin de les décourager.

"Ils s'imaginent que notre combat va s'arrêter"

"Tout cela est calculé, affirme-t-elle. Ils s'imaginent que nos actions, que notre combat pour protéger la vie de nos proches va s'arrêter du jour au lendemain. Mais leur stratégie ne fonctionnera pas. Ils oublient que ce dont nous parlons ici pour la plupart d'entre nous, c'est ce qui fait l'essence de la femme. Je veux parler du fait d'être une maman."

Rien ne les freine dans leurs actions, pas même les 14 heures de route qui séparent sa ville, Samara, de Moscou. Récemment, Olga souhaitait se rendre dans la capitale pour mener une action de sensibilisation. Les autorités ne l’ont pas laissé faire. "Ils ont arrêté notre voiture, nous étions trois femmes à l’intérieur. Puis ils ont commencé à chercher de la drogue dans le véhicule. Ensuite, ils nous ont emmenés au poste de police sans explication. Ils nous y ont gardées jusqu'au soir. La journaliste qui nous accompagnait a été accusée 'd'extrémisme', c’était en rapport avec les articles qu’elle écrivait sur nous. Elle a eu droit à un procès dès le lendemain. Mais nous, on nous a clairement dit qu'ils ne savaient pas pourquoi ils nous avaient gardées là-bas." Des manœuvres qui, dit-elle, ne suffisent pas pour la démoraliser, elle et ses collègues : "Les femmes ne s'arrêteront pas là."