"Les humains ne sont pas très doués pour prédire ce qui va les rendre heureux"
Par Le pôle Édition de France Inter
De nombreuses recherches ont étudié le lien entre le revenu et le sentiment de bonheur. On constate un effet du revenu sur le bien-être - l'argent contribue au bonheur, oui mais seulement dans une certaine mesure. Rébecca Shankland, psychologue, fait le point dans "Grand bien vous fasse".
Rébecca Shankland : "On s'aperçoit dans les recherches que le fait de manquer d'argent représente vraiment un facteur de stress très important : à la fois un stress par rapport à sa propre survie, à sa propre santé, mais aussi à celle des proches, au développement de ses enfants. Pour certaines familles, c'est vraiment un stress permanent ; on voit bien que c'est une entrave forte à la question du bonheur.
Mais une fois que la sécurité matérielle est assurée, finalement on s'aperçoit que l'argent est assez faiblement corrélé au bonheur. Donc le surplus d'argent, on va dire, par rapport à cette sécurité matérielle, est assez faiblement corrélé au bonheur.
Alors qu'il pourrait l'être parce qu’on s'aperçoit que l'argent souvent est utilisé pour des choses qui, au final, ne sont pas celles qui apportent le plus de bonheur.
Un exemple : il y a un certain nombre de recherches qui ont été menées par Elizabeth Dunn qui ont mis en évidence que les humains ne sont pas très doués pour prédire ce qui va les rendre heureux.
On a l'impression que le fait de s'acheter des biens matériels, par exemple, va nous faire du bien. Et d'ailleurs souvent, quand quelqu'un passe une période difficile, on lui dit "Offre-toi quelque chose", on pense que ça peut renforcer ce sentiment de bien-être. Alors qu'en réalité, non seulement c'est très éphémère, mais plus l'argent est présent, plus ça va diminuer notre capacité à savourer les bons moments ou à savourer les choses positives que l'on rencontre.
Donc, l'argent est à la fois une aide lorsqu'on a des besoins matériels, mais une entrave lorsqu'il y a beaucoup d'argent à disposition.
Et on est aussi soumis au phénomène d'adaptation hédonique : les humains s'adaptent très rapidement à tout ce qui est agréable, confortable et vont chercher toujours plus, toujours mieux. C'est intarissable, cette recherche de biens matériels, de confort, etc.
Ce qui a été mis en évidence également, c'est qu'on a plus tendance tendance à être à la recherche d'un plaisir immédiat. Or, on a plus de sentiment de bonheur lorsqu'on anticipe un plaisir qui va arriver plus tard - par exemple si je sais que dans quelques mois, on pourra partir à tel endroit où on pourra se reposer, etc, : le fait d'y penser régulièrement m'apporte du bien être au quotidien, alors que pouvoir prendre immédiatement l'avion pour partir à l'autre bout de la planète pour un oui ou pour un non, cela apporte en fait moins de bonheur.
Donc il y a ces différentes entraves qui montrent que finalement, oui, l'argent pourrait contribuer à plus de bonheur mais il y contribue surtout lorsqu'on utilise cet argent pour bénéficier à d'autres personnes.
Lorsqu'on va être attentif au bonheur d'autres personnes, ça a beaucoup plus d'effet sur notre bonheur personnel puisque ça va augmenter notre sentiment d'utilité sociale, le sentiment que la vie a du sens, le sentiment d'être en accord avec ses valeurs pro-sociales ou pro-environnementales. Et lorsqu'on en fait, ça va avoir des effets beaucoup plus durables.
Imaginons : vous trouvez par exemple 200 € dans la rue. Bien sûr, sur le coup, vous avez des émotions positives. Vous décidez de vous acheter quelque chose qui vous fait vraiment plaisir. Ça vous fait plaisir sur le moment. Mais imaginons que vous vous dites "Ces 200 €, je vais les utiliser pour aider à la scolarisation d'une jeune fille au Népal". En fait, cette action, vous allez pouvoir y repenser toute l'année et ça va avoir les mêmes effets de manière durable.
C'est vraiment cette idée qu'on pense que de se faire plaisir tout de suite, ça va apporter plus de plaisir, mais en réalité, c'est vraiment le pouvoir d'apporter quelque chose à d'autres qui a plus d'effet.
Les recherches montrent que les plaisirs intenses sont associés à moins de bien-être que des petits plaisirs du quotidien, et notamment ceux qui sont du côté du bien-être eudémonique, qui est lié au sens, au prendre soin".
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