Les jeunes / Quarante-cinq tours
David Lescot présente deux spectacles en alternance dans le cadre du Parcours {enfance & jeunesse}
Texte, mise en scène et musique David Lescot pour les deux piècesavec pour 'Les jeunes' Alexandra Castellon, Bagheera poulin, Catherine Matisse, Martin Selze, Marion Verstraeten et pour 45 tours De La Vallet Bidiefono, David Lescot
Les jeunes tout un monde ado
un groupe de garçons, trop idéalistes, un groupe de filles, complètement folles…le rock comme moteur de la jeunesse, au bord de l’explosion. L’adolescence est un monde en soi, une fiction, un conte avec ses codes secrets, son langage hermétique, ses personnages aux corps étranges, son mélange de bêtise et de génie. Les Jeunes racontent en musique l’ascension et l’explosion de deux groupes de rock préadolescents , « Les Schwartz » et « Les Pinkettes ». Guitares mythiques, parents dépassés, agents tapis dans l’ombre, manifestes esthétiques inapplicables. Car ce que les jeunes préfèrent dans les règles, c’est les transgresser, y compris celles qu’ils se donnent à eux-mêmes…

Quarante cinq tours nos sillons
un enchaînement d’histoires brèves, joyeusement brutales, tout en combat,en danse, en musique. en surprises. Quinze pièces de trois minutes, comme quinze morceaux sur un disque vinyle, avec entre elles aussi peu ou autant de liens. Une suite de 45 tours, mettant aux prises l’auteur et musicien david lescot et delavallet bidiefono, danseur et chorégraphe de Brazzaville. Quinze duos, écrits, dits, joués, dansés, bougés, chantés, scandés, proférés, murmurés, improvisés, transpirés, tour à tour, dans un passage de rôle permanent. Le thème de l’album: se faire la guerre, commeune possibilité (parmi d’autres) de se connaître. Guerre que l’un a étudiée, comme si c’était un art, et que l’autre a vécue.
Entretien avec David Lescot
Auteur, metteur en scène, acteur et musicien, david lescot est artiste associé du Théâtre de la Ville. Son parcours protéiforme dévoile progressivement les différentes facettes d’une oeuvre sensible et réfléchie en prise avec la réalité du monde.On ne le sait pas forcément, mais david lescot c’est aussi une compagnie de théâtre, la compagnie du Kairos qui a dix ans cette année. pourquoi avoir créé une compagnie? à quoi fait référence ce nom de compagnie du Kairos? D. L : Le kairos est une notion de philosophie politique qui signifie le bon moment. Il y a des choses qui sont bonnes, mais seulement dans la mesure où elles sont accomplies à tel instant et non à tel autre. Cette notion remet en question l’absolu de la morale. Il n’y a pas de catégories fixes. La réalité ne cesse de bouger et de se reconfigurer. Il faut être à l’écoute du mouvement du monde pour s’efforcer d’être en accord avec lui. Quant à l’envie de créer une compagnie, cela vient, je crois, du besoin à un moment donné de ma vie de réunir des personnes avec lesquelles je me sentais des affinités. Le fait de se choisir et de faire un bout de chemin ensemble, quelque chose qui est lié en même temps au hasard des rencontres et de la vie est une idée qui me plaît beaucoup. Cela passe par l’amitié, l’admiration, l’estime réciproque. On se rassemble et puis on progresse.

Vous êtes auteur et metteur en scène. les deux ont-ils toujours été liés? D. L : Oui. Le premier texte que j’ai écrit en tant qu’auteur, ce n’était pas tant pour être auteur que pour réunir des gens et inventer ensemble une forme mêlant jeu et musique. C’était Les Conspirateurs il y a une quinzaine d’années. Cela s’est fait avec les moyens du bord, sans savoir si on allait le jouer en public. Dès qu’il a été question de le montrer, j’ai compris que je devenais metteur en scène et non plus seulement l’ordonnateur d’un projet. Parce que tout d’un coup se posait la question du public. Le rôle du metteur en scène, c’est de prendre en charge cette responsabilité du rapport au public. On construit un bateau, le public c’est la mer. Il y a un architecte, des marins… Le bateau commence à voguer quand le public arrive. Le responsable, c’est le capitaine, autrement dit le metteur en scène.Un homme en faillite, L’Européenne, Le Système de Ponzi… vos spectacles sont très souvent en prise sur le présent. est-ce délibéré? Pensez-vous que votre théâtre a une dimension politique? D. L : Ce qui m’intéresse c’est de guetter dans le réel le potentiel poétique, plutôt que de projeter directement ma propre intériorité.Je regarde autour de moi ; je suis à l’écoute du monde. J’estime faire un théâtre politique, mais pas un théâtre militant. Je n’ai rien contre l’agit-prop, mais ce n’est pas là que je me situe. Même si j’ai pu écrire un texte sur les Pussy Riots en août dernier à la Mousson d’été, parce que je les trouve vraiment courageuses.[...]

les jeunesDeux groupes de rock rivaux s’opposent dans Les Jeunes. Des garçons raisonneurs et des filles un peu fofolles – ados rageurs et attachants bien décidés à montrer de quoi ils sont capables. Avec Les Jeunes, vous abordez un âge réputé difficile, l’adolescence. pourquoi ce sujet? D. L . : J’avais envie de me tourner vers cette tranche d’âge. J’ai une fille qui a 16 ans. Tout d’un coup l’adolescence m’est apparue comme un monde particulier. J’ai l’impression qu’elle est de plus en plus présente autour de nous. Socialement, c’est devenu une valeur en soi qui fait l’objet d’une promotion intensive. Dans La Commission centrale de l’enfance, je parlais plus de l’enfance, n’abordant l’adolescence proprement dite que vers la fin. Là j’ai eu envie d’aller vers d’autres formes, une approche différente. La musique que je jouais quand j’étais ado et que j’ai apprise c’était le jazz, qui est toujours très présent dans ce que je fais. Mais j’ai commencé comme tout le monde par jouer du rock quand j’avais 10 ans. Trois accords de guitare et on y va. C’est ce que j’ai voulu retrouver dans ce spectacle.
Le rock est considéré à tort ou à raison comme la musique de l’ado lescence. c’est pour ça que vos personnages montent desgroupes de rock? D. L : Oui. Le spectacle raconte l’épopée d’un groupe de rock adolescent. Il y a un groupe de garçons et un groupe de filles, mais les deux sont joués par les mêmes actrices, chacune jouant un garçon et une fille. C’est complètement écrit, mais je souhaite garder un côté brut ; un peu comme dans L’Instrument à pression dont c’est en quelque sorte le pendant rock. L’idée, c’est que la musique soit au même niveau que le texte. Je me suis beaucoup amusé dans cette opposition entre les garçons et les filles à faire ressurgir le garçon que j’ai pu être et à m’inspirer de ma propre fille. Les catégories sont très tranchées. Les garçons sont dogmatiques, ils rédigent des manifestes artistiques, veulent changer le monde. Les filles sont complètement filles, dangereuses, sans aucune limite, elles vont beaucoup plus loin.

Comment voyez-vous l’adolescence? qu’est-ce qui caractérise cet âge selon vous? et comment cela se traduit dans le spectacle? D. L : Je m’inquiète beaucoup pour cette génération. C’est mon instinct de père qui s’exprime-là, bien sûr. Je constate que la violence est très présente aujourd’hui chez les adolescents. Ils ont une lucidité que nous n’avions pas. Notre vision du monde était assez rassurante au fond. Eux sont confrontés à une complexité plus grande. Le spec tacle dégage, je crois, une vraie violence qui se mélange avec l’humour que j’essaie d’y mettre. Mais les coups qu’ils prennent, ce sont de vrais coups. Cet âge intermédiaire où l’on n’est plus enfant mais pas encore adulte m’apparaît menacé par le monde adulte qui essaie de le récupérer, de l’exploiter. Il y a quelque chose de ça dans le spectacle. Et puis il y a la musique qui entraîne toute l’affaire, l’énergie du rock.propos recueillis par hugues le Tanneur