Les psychiatres dont un patient s'est donné la mort vivent mal "l'après" suicide
Par Danielle Messager
Une enquête nationale montre que de très nombreux psychiatres ayant un patient qui s'est suicidé subissent un stress post-traumatique. Manque de soutien, carrières écourtées : les médecins vivent mal "l'après".
Un stress post traumatique : c'est ainsi que beaucoup de psychiatres ressentent le suicide de l'un de leurs patients. Une enquête nationale - la première du genre - a été présentée à Paris au plus grand congrès français de psychiatrie, le Congrès de l'Encéphale. Près de 800 psychiatres ont été interrogés pour cette enquête. Conclusion : près de 90% des psychiatres ont été ou seront confrontés au suicide de l'un de leurs patients au cours de leur carrière avec des conséquences violentes pour eux aussi.
Des psychiatres victimes de stress post-traumatique
Le docteur Édouard Leaune qui a réalisé cette enquête est psychiatre au Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon. Selon le sondage, près d'un quart des psychiatres vont présenter des réactions post-traumatiques, des reviviscences, des cauchemars, des conduites d'évitement, la crainte de retourner dans leur service, de s'occuper de nouveau de patients suicidaires. Selon le dr Leaune :
Il y a également ce sentiment de culpabilité, qu'ils sont responsables de ce qui s'est passé. C'est comme s'ils ne s'y attendaient pas, car quand on choisit la psychiatrie, on s'éloigne de la question de la mort.
Des carrières écourtées
L'impact n'est pas qu'émotionnel, mais aussi professionnel, en particulier en début de carrière. 20% des médecins psychiatres vont envisager de changer de carrière à la suite du suicide d'un patient. Pour le docteur Édouard Leaune, psychiatre au Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon :
Leurs pratiques vont être impactées avec une tendance à davantage hospitaliser les patients, et à avoir plus de difficultés à donner des permissions aux patients hospitalisés, parce que la plupart des suicides ont lieu pendant les permissions.
Absence de soutien professionnel
Cette enquête révèle encore que 37% de ces psychiatres n'avaient reçu aucun soutien de leurs collègues : aucune réunion d'équipe n'avait été mise en place à l'hôpital après l’événement. À Lyon, le programme appelé SUPPORT soutient les équipes soignantes, mais il encore trop rare, tout comme les sessions de prévention auprès des jeunes psychiatres.