Les squatteurs de la rue de Sèvres : que sont-ils devenus ?

L’affaire du squat de la rue de Sèvres (VIe arrdt de Paris) à nouveau devant la justice. 8 ans après les faits, l'immeuble est devenu inhabitable.
La propriétaire de ce petit immeuble qui fait face au Bon Marché, occupé durant 15 mois, entre 2008 et 2009 par 8 étudiants précaires, réclame de lourdes indemnités d’occupation (250 000 euros) devant un tribunal pour la 11e fois. l'audience devait avoir lieu ce jour. Elle est renvoyée au 16 mars. Retour sur cette triste et célèbre affaire d'immeuble inoccupé dans Paris.
L'histoire d'un squat qui aurait pu être un logement
2008 : En face des vitrines luxueuses du Bon Marché, au 69 de la rue de Sèvres, 8 étudiants en galère s'installent dans les 250 m² d'appartements vides. Les lieux sont vides depuis 7 ans déjà. Ils y font des travaux de plomberie et électricité et proposent de payer un loyer.
2009 : Procédure de la propriétaire belge des lieux pour obtenir l'évacuation et une indemnité d'occupation.
Expulsion. Condamnation à payer 80 000 euros. Comptes bancaires saisis. Les "squatteurs" versent 20 000 euros.
Les médiations, tentées par Martin Hirsch, l’ex-Haut commissaire aux solidarités actives, l’ancien maire (PS) de Paris Bertrand Delanoë et Monseigneur Gaillot, se sont toutes heurtées à un «non » ferme et définitif de la propriétaire, qui ne s’est déplacée à aucune des multiples audiences. Les deux couvents voisins s'étaient aussi mobilisés en leur faveur.
Le combat de Jeudi Noir

Jeudi noir est le collectif créé en 2006 pour dénoncer la flambée des prix des loyers et le mal logement. Par le biais d'actions médiatiques, telles que des visites festives d'appartements à louer et des "réquisitions citoyennes" de bâtiments à Paris, le collectif a attiré l'attention sur les prix exhorbitants des logements, au regard du pouvoir d'achat des jeunes.
Il a logiquement organisé le soutien aux jeunes habitants du 69 rue de Sèvres et contribué aux soutiens apportés par les politiques.
Les occupants, 8 ans plus tard
Jean-Marc Delaunay: En avril 2008 il a 21 ans, étudiant en communication à Paris. Vie parisienne trop chère, il n'est pas éligible pour une bourse, et sa demande de logement étudiant au Crous de Paris n'a pas abouti.
Via le collectif Jeudi noir qui avait déjà mené plusieurs occupation d'immeuble à Paris, il rencontre d'autres gens dans sa situation : "on était une bande de huit jeunes en galère, soit je trouvais une solution pour me loger pas cher, soit j'abandonnais mes études".
Jean-Marc a 29 ans, toujours ses grand yeux bleus et son visage fin, mais plus la tignasse d'il y a huit ans. il a fini ses études de communication mais après son engagement auprès de Jeudi Noir, il n'a plus quitté le milieu associatif. Il travaille pour la Semaine de la Solidarité internationale, dont il s'occupe de la communication et de l'animation du réseau. Il a un salaire et loue son propre appartement dans Paris. Ses salaires peuvent être saisis à tout moment.
Rémi Déprez :

En 2008, Rémi Déprez n'était plus étudiant. Il était gardien de nuit dans des hôtels parisiens. Il enchaînait des heures de nuit, à mi-temps, tout en essayant de devenir photographe.
Aujourd'hui, Rémi Déprez a fini par réaliser son rêve. Il est photographe (portrait, mode, culinaire), et a ouvert son propre studio dans le quartier Montorgueil à Paris. Il vit avec sa compagne dans un appartement au Nord de Paris et il est le papa d'une petite fille de 6 mois. A 32 ans il lui est impossible d'acheter un logement. "Cela repousse encore la possibilité de faire des projets pour plusieurs années" dit-il. Il regrette presque de s'être engagé à l'époque, tellement il en paie les conséquences aujourd'hui.
Finalement, l'immeuble est vide
Les portes sont murées. La façade est notoirement délabrée. Le bâtiment est toujours inoccupé (depuis près de 17 ans maintenant). S'il devait être racheté il faudrait tout refaire à l'intérieur, les sols sont abîmés par des dégâts des eaux. L'installation électrique est dangereuse.
Les "habitants" de l'époque ne comprennent toujours pas cet obstination de la propriétaire, qui n'a jamais voulu entendre raison. Domiciliée fiscalement en Belgique, elle est propriétaire d'un autre immeuble à Neuilly-sur-Seine (inoccupé lui aussi).
Jean-Marc Delaunay : "On a l'impression que ça l'amuse de faire des procès aux gens. On n'a vraiment pas eu de chance, il y a plein de squatteurs qui quittent les lieux et après on les laisse tranquilles, mais nous nous sommes tombés sur quelqu'un d'acharné".