Libye : Haftar, ou la tentation de l’homme fort

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Libye : Haftar, ou la tentation de l’homme fort

Le maréchal libyen Khalifa Belqasim Haftar est un criminel de guerre, disent ses opposants à Tripoli. Pour des puissances comme la France, il peut être un passage obligé.
Le maréchal libyen Khalifa Belqasim Haftar est un criminel de guerre, disent ses opposants à Tripoli. Pour des puissances comme la France, il peut être un passage obligé.
© Radio France - Omar Ouahmane

Entre ceux qui soutiennent le gouvernement d’Union nationale de Fayez Al Sarraj et ceux qui veulent croire en son puissant rival, qui frappe aux portes de Tripoli, qui prendra le dessus en Libye ? En attendant, c’est le chaos qui l’emporte.

Dans cette guerre par procuration entre puissances régionales rivales, le maréchal Haftar a très vite compris l'intérêt qu'il pouvait susciter en lançant ses forces dans la guerre contre les milices radicales qui terrorisaient les villes de Benghazi ou de Derna, à l'est de la Libye. 

En quelques années, cet ancien compagnon de route de Mouammar Kadhafi, qui a également la nationalité américaine, s'est bâti une solide réputation d'homme à poigne, capable de venir à bout des groupes armés, parfois les plus récalcitrants, grâce notamment au soutien sans faille de l'Egypte, de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, trois pays qui voient en Haftar la solution pour mettre fin au chaos libyen tout en préservant leurs intérêts.

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Ryad, le Caire et Abu Dhabi l'ont poussé à avancer toujours plus loin dans sa conquête territoriale. La plus marquante est celle du croissant pétrolier situé dans le nord-est du pays, véritable poumon économique de la Libye, sans lequel aucun pouvoir ne peut s'installer dans la durée.

Marche sur la capitale

Fort de ces gains territoriaux qui lui offrent aujourd'hui une mainmise sur près des deux tiers du pays, Khalifa Belqasim Haftar a décidé, le 4 avril dernier et contre toute attente, de marcher sur Tripoli, où siègent le gouvernement d’Union nationale soutenu par les Nations unies, les principaux ministères et la banque centrale libyenne.

Il espérait une victoire facile et surtout rapide, mais ses forces butent toujours aux portes de la capitale. Comme lors des batailles de Benghazi ou de Derna, il a précédé cette offensive de diatribes fustigeant ces milices qui contrôlent Tripoli, qu’il a qualifiées de groupes terroristes. Même si les observateurs avisés se souviennent que ce sont ces factions de Tripoli et de Misrata qui ont chassé le groupe Etat islamique, en 2011, de la ville de Syrte, où les djihadistes avaient pris racine.

Un combattant anti-Haftar à proximité de la ligne de front, dans les quartiers sud de Tripoli (Libye). 4 mai 2019.
Un combattant anti-Haftar à proximité de la ligne de front, dans les quartiers sud de Tripoli (Libye). 4 mai 2019.
© Radio France - Omar Ouahmane

Mais si le maréchal Haftar bénéficie d’une bienveillance, ouverte ou tacite, c’est parce que la Libye est au bord du précipice, de l’aveu même de son ennemi, le Premier ministre du gouvernement d’Union nationale, Fayez Al Sarraj. Si la situation devait se dégrader davantage, estime-t-il, elle précipiterait jusqu’à près de 800 000 migrants vers les côtes européennes. Dans ce contexte, Haftar fait figure d’homme providentiel aux yeux de nombreux libyens.

Un point de vue partagé – quoique discrètement – par la communauté internationale, qui n'a jamais véritablement condamné son offensive militaire contre Tripoli.

"Incontournable"

Bien au contraire, Donald Trump l'a encouragé, au nom de la lutte contre le terrorisme. Le président américain l’a même appelé pour lui faire part de son soutien. La France, de son côté, l’a qualifié d'"incontournable" pour la même raison, sans cacher qu’elle s’est laissée surprendre, comme d’autres, par l’assaut sur la capitale.

L'invité de 7h50
9 min

Tout indique, enfin, que les parrains du maréchal Haftar ne le lâcheront pas en rase campagne, qu’ils augmenteront leur aide en cas de besoin. Même scénario pour les milices de Tripoli, qui jouissent du soutien de la Turquie et du Qatar.

Comme le redoutait dès le début Ghassan Salamé, l’émissaire de l’ONU pour la Libye, la bataille pour le contrôle de la capitale s’annonce donc longue et sanglante.