Lina al-Hathloul, militante féministe : "En Arabie saoudite, il faut abolir la tutelle masculine"

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Lina al-Hathloul, militante féministe : "En Arabie saoudite, il faut abolir la tutelle masculine"

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Lina al-Hathloul tente de mobiliser l'opinion autour du sort des femmes en Arabie saoudite et se sa sœur, Loujain (photo), détenue sans procès depuis deux ans à Ryad.
Lina al-Hathloul tente de mobiliser l'opinion autour du sort des femmes en Arabie saoudite et se sa sœur, Loujain (photo), détenue sans procès depuis deux ans à Ryad.
© AFP - Facebook

L'Arabie saoudite accueille ce week-end le sommet du G20, une première pour un pays arabe, mais sous une forme virtuelle en raison de l’épidémie de Covid-19. L’occasion pour les défenseurs des droits de l’Homme de faire entendre leurs voix pour réclamer la libération des militants et des militantes emprisonnés.

Lina al-Hathloul, 25 ans, milite pour les droits des femmes en Arabie saoudite. Comme sa sœur aînée, arrêtée en mai 2018, et toujours détenue. Ce que les autorités lui reprochent ? Loujain al-Hathloul, 31 ans, s'est photographiée au volant de sa voiture. Un interdit, levé depuis par le prince héritier du trône saoudien, Mohammed Ben-Salmane. Plus grave peut-être, pour un royaume en quête de respectabilité et soucieux de promouvoir une image réformiste, Loujain Al-Hathloul a une audience, sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie. C'est sans doute, explique sa sœur Lina, cet acharnement contre elle. 

Lina al-Hathloul et sa grande sœur Loujain, toutes deux unies dans le combat féministe.
Lina al-Hathloul et sa grande sœur Loujain, toutes deux unies dans le combat féministe.
- DR

FRANCE INTER : Quels sont les motifs qui ont conduit à l’arrestation de votre sœur ?  

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Lina al-Hathloul : On l'accuse d'avoir participé à des conférences internationales pour parler de la situation des droits de l'Homme en Arabie saoudite, d'avoir été en contact avec Amnesty International, avec Human Rights Watch, avec des journalistes étrangers. Vraiment tout, tout son activisme est devenu son crime. Depuis, le procès ne fait qu’être reporté. Il n'y a toujours pas eu de verdict.  La dernière visite que mes parents ont pu lui rendre, c’était le 26 octobre, visite pendant laquelle Loujain leur a dit qu'elle n’en pouvait plus, qu’elle n'avait plus de raison de vivre dans cette prison de Ryad. La seule chose qu'elle demande, c'est d'avoir des contacts réguliers avec nos parents, chose que la prison refuse. Et donc, elle a entamé une grève de la faim le 26 octobre et on n'a plus de nouvelles d'elle depuis.  

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Loujain s'est battue pour obtenir le droit de conduire pour les femmes. Un droit qui a leur été accordé en  juin 2018. Mais ce n’était pas son seul combat…   

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Elle a commencé son activisme en luttant pour les droits des femmes. La première fois qu'elle s'est fait arrêter, en 2014, elle avait été emprisonnée dans ce qu'on appelle la prison pour mineurs. Mais en fait, cette prison, c'est également l'endroit où les femmes qui sont victimes de violences domestiques et conjugales sont emprisonnées quand elles s'en plaignent. Dans le système de tutelle en Arabie saoudite, l'homme peut faire emprisonner la femme qui se plaint de tout abus. C’est là qu’elle a compris que le problème n'était pas simplement le fait que des femmes ne pouvaient pas conduire. 

C’est tout le système de la tutelle masculine qu'il faut abolir.

Quand elle est sortie de prison en 2014, elle a élargi son activisme et a commencé à lutter contre le système de tutelle masculine en Arabie saoudite.  

Il n'y a pas que Loujain. Il y a d'autres femmes qui ont œuvré pour obtenir plus de libertés dans le royaume saoudien et qui sont toujours derrière les barreaux… 

Tout à fait. Loujain est peut-être la plus connue, car elle a de la chance d'avoir une famille à l'étranger qui peut en parler. Mais sinon, il y a des femmes dont on ne connaît plus le nom ni le visage. Samar Badawi, Nassima al-Sada et j'en passe. Des personnes qui sont justes anonymes car elles n'ont jamais publié leurs photos ou leurs noms avant d'être emprisonnées, ce qui est vraiment très, très triste.

Qu’attendez-vous de ce G20 virtuel en présence des leaders des pays les plus riches de la planète ?

Ce sommet devrait être l'occasion pour les leaders du monde de discuter de ce qui les unit profondément. Les droits de l'Homme doivent être au cœur de toutes les discussions.

D'autant plus que l'Arabie saoudite a eu une campagne de communication énorme pour tenter de redorer son image dans le monde. Donc, il est du devoir des dirigeants du monde de dire à l'Arabie saoudite qui les accueille : "On entend votre nouveau message, mais on ne peut pas le croire tant que les vrais réformateurs, ceux qui ont mis leur vie en danger pour changer la société saoudienne, sont encore derrière les barreaux."

Vous demandez aussi la fin de cette "immense hypocrisie", comme vous l’avez écrit récemment dans une tribune dans le Journal du dimanche

Tout à fait. Je pense qu'il est important que les leaders du monde soient plus du côté des réels réformateurs parce que maintenant, on n'a plus d'excuses. Au début, je veux bien croire qu'on ait pu croire aux promesses de réformes de Mohammed ben-Salmane. Mais après presque cinq ans de meurtres, de violences, de tortures, d'emprisonnement, de répression, on ne peut plus y croire. D'autant que les activistes qui sont emprisonnés n’ont même pas été jugés. Je pense que le moment est venu.

Le G20 est l'occasion de parler sérieusement et de demander la libération des activistes et des réels réformateurs saoudiens