Livre Paris : Gaston Lagaffe et Anna Karénine face à leurs juges
Par Ilana Moryoussef
Faut-il licencier Gaston Lagaffe ? Anna Karénine est-elle coupable ? A Livre Paris se tiennent désormais de faux-procès littéraires.
Faut-il licencier Gaston Lagaffe ? Quelques semaines après les ordonnances sur la loi travail, le faux-procès du héros de Franquin qui s’est tenu mars sur la Grande scène de Livre Paris 2018, avait des accents délicieusement libertaires. Dimanche soir, ce sera au tour d'Anna Karénine d'être dans le box des accusés.
Quand Gauthier Morax, le nouveau directeur de la programmation de Livre Paris, a suggéré de monter des faux-procès littéraire, Didier Pasamonik a immédiatement pensé à Gaston Lagaffe. « C’est un personnage qui une a une cote d’amour extraordinaire et qui porte une vraie réflexion sur ce qu’est le travail aujourd’hui. », dit le programmateur de la Scène BD du salon, également commissaire de l’exposition Gaston Lagaffe qui se tient au salon jusqu’au 19 mars.
Des professionnels de la justice
Ne restait plus qu’à faire le casting. Dans ce procès fantaisiste où les témoins devaient prêter serment sur le gros volume de l’Intégrale de Gaston Lagaffe (éditions Dupuis), le rôle des avocats était tenus par de vrais avocats. « Moi qui passe mes journées à défendre des voyous et à avoir des procès un peu durs, c’était un vrai plaisir de faire entendre aujourd’hui une parole un peu différente », confie Maître Romain Boulet, conseil de Gaston Lagaffe. Dans le rôle de l’avocat des éditions Dupuis, Maître Ambroise Colombani reconnaissait qu’il n’était pas facile de demander le licenciement de Gaston Lagaffe, qu’il s’est résolu à réclamer « pour son propre bien, afin qu’il coupe le cordon ombilical et grandisse enfin. »
Auparavant, la présidente du Conseil des Prudhommes (Clara Dupont-Monod, excellente) avait ouvert la séance en énumérant les griefs retenus contre Gaston Lagaffe. « Il est reproché à monsieur Lagaffe de ne RIEN faire, flagrant délit de paresse, abus de sieste, fainéantise ! »
Le spectre de l'erreur judiciaire
L’un des méfaits reprochés à Gaston Lagaffe, avoir amené une vache dans les locaux du journal Spirou et repeint les murs en vert pour favoriser le bien-être de l’animal, a particulièrement occupé le tribunal. Sociopathe pour les uns, inventeur génial pour les autres, la personnalité de Gaston Lagaffe a été au centre des débats.
« La présence de monsieur Lagaffe au sein de la maison d’édition n’est plus possible, depuis des années déjà ! », s’est exclamé Maître Colombani, conseil des éditions Dupuis. De son côté, l’avocat de Gaston Lagaffe , Maître Boulet, n’a pas hésité à dramatiser l’enjeu, agitant le spectre de l’erreur judiciaire. « Il y a eu l’affaire du pull-over rouge, Madame le Président (allusion à Christian Ranucci, condamné à mort et exécuté le 28 juillet 1976 pour le meurtre d’une petite fille. Dans un livre intitulé Le Pull-over rouge, l’écrivain et journaliste Gilles Perrault avait fait émerger le doute sur sa culpabilité, ndlr). Si vous licenciez Gaston aujourd’hui, vous aurez sur la conscience l’affaire du pull-over vert! », a tonné le défenseur de Lagaffe, ne reculant pas devant des jeux de mots faciles pour emporter l’adhésion du public : « Je vous en conjure faites gaffe, ne commettez pas la gaffe de trop ! ».
Après avoir consulté le public, Clara Dupond-Monod a décidé le maintien de Gaston Lagaffe dans l’entreprise : « Le peuple a choisi la paresse, c’est donc un peuple en bonne santé ! » a conclu la présidente, sous les applaudissements.