Manif anti-CPE : un CRS juge "plausibles" les accusations de Buisson

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Manif anti-CPE : un CRS juge "plausibles" les accusations de Buisson

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Patrick Buisson règle ses comptes avec son ancien patron Nicolas Sarkozy
Patrick Buisson règle ses comptes avec son ancien patron Nicolas Sarkozy
© AFP - MIGUEL MEDINA LIONEL BONAVENTURE

Patrick Buisson accuse Nicolas Sarkozy d’avoir laissé des casseurs perturber une manifestation anti-CPE en 2006, à des fins politiciennes. Un ancien chef des CRS témoigne.

Cette journée du 23 mars 2006 allait marquer les esprits, et précipiter l’abdication du gouvernement Villepin sur le Contrat Première Embauche (CPE). Ce jour-là, la manifestation des opposants à la réforme, sur la rive gauche parisienne, dégénérait, et les images choquaient l’opinion, aux JT de 20h : sur l’Esplanade des Invalides, des étudiants frappés par des « casseurs » extérieurs à la mobilisation, des vitrines brisées, des boutiques pillées, des CRS harcelés mais immobiles. Moins d’un mois plus tard, le CPE était abrogé par Dominique de Villepin, le Premier ministre qui essuyait au passage un cinglant échec, à un an d’une présidentielle que remporterait… son grand rival Nicolas Sarkozy.

Ce dernier, en 2006, était ministre de l’Intérieur. Patrick Buisson était déjà son conseiller politique. Lui qui a été lâché par son ancien patron, et qui est mis en examen dans l’affaire des sondages de l’Elysée, révèle dans son livre qui parait ces jours-ci (La Cause du peuple, sous-titré « L’histoire interdite de la présidence Sarkozy », éditions Perrin), que Nicolas Sarkozy aurait sciemment laissé les casseurs perturber le cortège et s’en prendre aux manifestants et aux forces de l’ordre, dans le but de nuire à l’image du chef du gouvernement, Dominique de Villepin.

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Dans son livre, Patrick Buisson raconte : « Nous avions pris la décision de laisser les bandes de blacks et de beurs agresser les jeunes blancs aux Invalides, tout en informant les photographes de Paris Match. L’émotion fut en effet à son comble, après la publication de photos dont l’opinion ne retiendrait qu’une chose : des hordes sauvages étaient entrées dans Paris. » Dans ses souvenirs de la Place Beauvau, Patrick Buisson cite ce qu’aurait dit à l’époque Nicolas Sarkozy : « On laissera (les casseurs) faire leurs courses à Darty et à Go Sport ».

Pas d'enregistrements des paroles de Sarkozy

Interrogé sur ces propos, mercredi 28 septembre sur France 2, Patrick Buisson affirme toutefois qu'aucun de ces propos n'auraient été enregistrés, et assure simplement que Nicolas Sarkozy "le racontait à d'autres interlocuteurs" : "Je n'ai pas eu besoin d'enregistrer (ces propos), ils sont suffisamment frappants pour rester gravés dans la mémoire", a-t-il ajouté (...) il les racontait volontiers, et à d'autres interlocuteurs qu'à moi (...) Cela faisait partie de ses faits d'armes". Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite pour 2017, a affirmé de son côté qui'il ne se laisserait "pas impressionner par la moindre manoeuvre, aussi grossière soit-elle", ni par "la bassesse, la calomnie et la trahison", mardi lors d'un meeting à Chantilly (Oise).

►►►ÉCOUTER | "A Chantilly, les premiers mots de Nicolas Sarkozy sont pour Buisson", le reportage de Frédéric Métézeau :

►►►ÉCOUTER | "A Chantilly, les premiers mots de Nicolas Sarkozy sont pour Buisson", le reportage de Frédéric Métézeau

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L’accusation lancée par Patrick Buisson est forte : Nicolas Sarkozy aurait mis en danger la vie de manifestants et de CRS censés assurer leur sécurité, en donnant des ordres de non-intervention face aux perturbateurs, une sorte d’ordre de « pas de casse sur les casseurs ». Elle oblitérerait l’accusation récurrente, encore récemment, selon laquelle certains de nos dirigeants savent parfaitement instrumentaliser les violences en marge de manifestations pour discréditer les mobilisations et en tirer des bénéfices politiques.

" Tout à fait cohérent », selon cet ancien chef des CRS

Joint par Emmanuel Leclère pour France Inter, ce commissaire de police, ancien chef de section des CRS engagé sur la manifestation anti-CPE du 23 mars 2006, se souvient d’avoir clairement vu et identifié les « casseurs » venus de l’extérieur du cortège pour s’en prendre aux manifestants.

J’étais présent, en mesure d’interpeller des casseurs, je les avais identifiés, et on ne m’a jamais donné l’ordre, avec ma section, d’intervenir. C’est ça que j’ai vécu.

L’ordre aurait dû arriver de la Préfecture de Police de Paris, placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur.

Un ancien chef de section des CRS témoigne du "laisser-faire" face aux casseurs le 23 mars 2006.

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Le commissaire, qui a souhaité garder l’anonymat, ne conclut pas que ce laisser-faire a été motivé par des arrière-pensées politiciennes. « C’est possible, c’était tentant » pour Nicolas Sarkozy, juge-t’il tout de même. Le mot d'ordre de laisser-faire a aussi pu venir d'une crainte de la bavure, de violences policières qui se seraient retournées contre le ministre de l'Intérieur. Sur ce point aussi, Patrick Buisson cite des propos qu'aurait tenu Nicolas Sarkozy: "Nous avions tremblé à l'idée qu'il puisse y avoir un blessé grave. Mais, au fond, ça valait la peine d'endurer pendant une demi-journée les sarcasmes des médias".

face-à-face violent entre CRS et casseurs aux Invalides, en marge de la manifestation anti-CPE du 23/03/2016
face-à-face violent entre CRS et casseurs aux Invalides, en marge de la manifestation anti-CPE du 23/03/2016
© AFP - THOMAS COEX

Instrumentalisés

Il regrette en tous cas que ses hommes et lui aient été « instrumentalisés » par un ministre qui leur a demandé de ne pas agir. « Souvent, encore récemment, on nous demande, hors de tout cadre légal d’isoler des individus qui peuvent perturber par leur présence, leurs revendications, une manifestation politique ou un évènement ». Une critique à peine voilée des méthodes de maintien de l’ordre employées au cours des dernières manifestations contre la Loi Travail, quand les CRS retenaient dans des " nasses" des manifestants après dispersion ou en marge des cortèges. « Pour moi, là on est complètement instrumentalisés, c’est inacceptable et c’est très difficile à vivre. »