Manifestations, intervention russe : tout comprendre à la crise au Kazakhstan en trois questions

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Manifestations, intervention russe : tout comprendre à la crise au Kazakhstan en trois questions

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Une manifestation contre la hausse des prix du gaz à Almaty, au sud-est du Kazakhstan
Une manifestation contre la hausse des prix du gaz à Almaty, au sud-est du Kazakhstan
© AFP - ABDUAZIZ MADYAROV

Depuis le 2 janvier, des milliers de Kazakhs réclament un changement de régime après trente ans de pouvoir autoritaire. Les manifestations ont violemment été réprimées. Face au chaos, le président Tokaïev a demandé l'aide de la Russie. On vous résume la crise.

Des dizaines de morts, des centaines de blessés, les manifestations débutées dimanche ont dégénéré au Kazakhstan. Après avoir dénoncé la hausse des prix du gaz, les manifestants ont demandé le départ du président Tokaïev. La Russie est entrée dans la partie.  

Que se passe-t-il depuis dimanche ?

Dimanche 2 janvier, dans la ville de Janaozen au sud-est du pays – une région riche en pétrole, où les inégalités sont criantes –, la population descend dans la rue et demande une baisse du prix des hydrocarbures. Peu à peu, la grogne sociale touche d'autres villes et devient très politique. Les manifestants demandent la fin de la répression contre les militants et un changement de régime. Symbole très fort, ils déboulonnent des statues de l'autocrate de toujours, Noursoultan Nazarbaïev, 81 ans. Il a régné sur le pays de 1989 à 2019 et conserve une grande influence. 

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Mercredi, l'état d'urgence est décrété, internet est coupé et la banque nationale a annoncé la suspension ses opérations financières dans le pays. Le cœur de la contestation se déplace à Almaty, l'ancienne capitale, la ville la plus peuplée du Kazakhstan. Dans la nuit de mercredi à jeudi, elle est en proie à de sanglantes émeutes et répressions. Au moins 18 membres des forces de sécurités tués et des "dizaines de manifestants" morts, selon les autorités, qui comptent également au moins 700 blessés. Le pouvoir vacille et c'est une grande première depuis l'indépendance du pays il y a trente ans.   

Isabelle Ohayon, chargée de recherches au CNRS et au Centre d'études des mondes russe , caucasien et centre-européen, s'étonne sur Franceinfo de l'ampleur de ces manifestations. "Cette situation est inédite et inattendue. Jusqu'à présent, il y a eu des insurrections mais elles étaient localisées, jamais elles ne s'étaient étendues au niveau national". Jusqu'à dimanche, précise la spécialiste, "ce Kazakhstan était la république plus stable d'Asie centrale".

Quels sont les liens entre le Kazakhstan et la Russie ?

Embourbé, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, appelle à l'aide son meilleur allié, Moscou. Il demande l'assistance militaire de l'OTSC, alliance dont il fait partie. L'Organisation du traité de sécurité collective, dominée par la Russie, comprend également la Biélorussie, le Kyrghizistan, le Tadkjikistan. 

D'après le média d'investigation russe The insider, avec 3000 hommes sur place, la Russie représente le contingent principal de ce déploiement, les autres membres de cette alliance n'auraient envoyé que quelques dizaines de militaires. La Russie, désormais part du conflit, qualifie les manifestants de terroristes.

Le Kazakhstan, à forte minorité russophone, est stratégique pour Moscou. Son sous-sol recèle près de 2 % des réserves mondiales de pétrole et 15% des ressources en uranium. "C'est le pays qui est resté le plus proche de la Russie après la chute de l'URSS", explique Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Le Kazakhstan accueille la base spatiale de Baïkonour, d'où partent depuis toujours les fusées russes, et notamment la plupart des vols embarqués vers la Station spatiale internationale. Le site accueille désormais des touristes au départ pour l'orbite terrestre. "Cela représente quasiment deux ou trois départements français. C'est un énorme territoire avec toutes les installations spatiales. Il y a donc une sensibilité beaucoup plus forte sur le plan stratégique pour les Russes au Kazakhstan". 

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Et maintenant ?  

Pour tenter de calmer la situation, le gouvernement annonce jeudi qu'il plafonne pour six mois le prix de vente des carburants.  

Sur le plan militaire, des parachutistes russes et des soldats de l'OTSC sont arrivés jeudi matin. Une "force collective de maintien de la paix", selon les alliés. À la télévision, le président Tokaïev a promis "d'agir de la manière la plus ferme possible" contre les manifestations, "en tant que président, je suis contraint de protéger la sécurité et la paix de nos citoyens, de m'inquiéter de l'intégrité du Kazakhstan".

Photo publiée par la Russie qui montre ses soldats embarquant le 6 janvier dans un avion en direction du Kazakhstan
Photo publiée par la Russie qui montre ses soldats embarquant le 6 janvier dans un avion en direction du Kazakhstan
© AFP - Ministère de la Défense russe

L'enjeu des prochains jours est de savoir comment cette situation insurrectionnelle va être gérée. Dans le sang ? "Il y a aussi la question de la nécessité d'une intervention extérieure", explique Isabelle Ohayon. L'arrivée de l'OTSC et des Russes "signale l'incapacité du pouvoir kazakh à gérer la situation. Est-il même capable de gérer ses propres forces de sécurité ? On a vu que certains policiers se sont ralliés aux manifestants".  

La spécialiste s'interroge aussi à plus long terme, comment sortir de cette crise alors qu'elle est si profonde. La population tolérait jusque-là le régime autoritaire de Tokaïev, et avant lui, Nazarbaïev. 

La stabilité du Kazakhstan reposait sur un contrat social qui tenait tant que la croissance économique existait, car elle se répercutait sur le niveau de vie de tous.

Ce contrat social ne tient plus depuis environ trois ans, depuis que la situation économique se dégrade. Le pays souffre de la baisse des prix du pétrole. Les inégalités sont criantes, une partie de la population – surtout celle qui vient des zones rurales et qui s'est installée en ville – vit dans la misère. Face à cette crise socio-économique, quelle sera la réponse du régime kazakh ?