Marseille : La famille de Zineb Redouane porte plainte et dénonce les déclarations du procureur
Par Emmanuel LeclèreQuatre mois et demi après le décès de Zineb Redouane à Marseille, après avoir reçu une grenade en plein visage, sa famille a déposé une plainte et dénonce les affirmations initiales du procureur de Marseille. Leur avocat demande le dépaysement du dossier dans une autre juridiction.
Le 1er décembre 2018, peu avant 19h, alors que des manifestations de "gilets jaunes" se déroulent sur la Canebière, Zineb Redouane reçoit un projectile en plein visage - une grenade lacrymogène - alors qu'elle tentait de fermer ses volets, au quatrième étage d'un immeuble de la rue des Feuillants, dans le centre-ville de Marseille. Âgée de 80 ans, elle avait dû être opérée en urgence.
À l’époque, le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, avait déclaré qu’elle avait été "victime d'un arrêt cardiaque sur la table d'opération". L'autopsie révélait, selon le magistrat, que le "choc facial n'était pas la cause du décès". Une information judiciaire avait été ouverte malgré tout pour déterminer les causes de la mort, et l’Inspection générale de la police nationale saisie.
Selon le journal La Provence, des plots de grenade ont été retrouvés chez la victime : deux capsules actives projetées par les grenades lacrymogène MP7. Maître Yacine Bouzrou, avocat de la famille de Zineb Redouane, explique pourquoi cette dernière a décidé de porter plainte.
FRANCE INTER : Quelle est la teneur de la plainte que vous déposez ?
ME YACINE BOUZROU : "La plainte que nous déposons dans l'intérêt de la famille de Mme Redouane est une plainte pour 'violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner'. Et il se trouve que les éléments en notre possession et notamment le rapport d'autopsie démontrent clairement qu'il y a un lien direct entre la grenade reçue au visage par Mme Redouane et son décès, contrairement aux allégations médiatiques du procureur de Marseille. Suite à ça, la famille a attendu d’avoir des informations plus précises et il se trouve qu’une autopsie a été réalisée. Elle a été consultée par mes clients, qui ont constaté que le décès résulte bien de cette grenade reçue au visage.
Je constate que dans cette affaire concernant le décès de Mme Redouane, il y a eu des éléments communiqués à la presse qui étaient faux. Il n’est pas possible, au regard de ce qui s’est passé, au regard des éléments médicaux en notre possession, d’affirmer que Mme Redouane n’est pas décédée suite à cette grenade qu’elle a reçue en plein visage.
Nous déposons la plainte à Marseille mais nous demandons à la justice de dépayser cette information judiciaire, car nous estimons que dans la mesure où un acteur majeur, c’est-à-dire le procureur de Marseille, a donné des éléments contraires au dossier dès le départ, nous craignons que cette information judiciaire ne se réalise pas sereinement, et que la manifestation de la vérité soit entravée par des communications erronées dans ce dossier."
Où en est l’enquête de l’Inspection Générale de la Police Nationale ?
"La seule information dont nous disposons, c’est que le policier qui a tiré cette grenade n’aurait pas été identifié. Ce que nous ne comprenons pas dans une affaire aussi grave. C’est pour cette raison que nous estimons que la juridiction de Marseille n’est peut-être pas la mieux placée pour traiter ce dossier, et c’est un argument de plus pour demander son dépaysement."
Est-ce qu’il s’agissait bien d’un CRS à l’origine du tir de la grenade lacrymogène ?
"C’est ce qui a été dit mais je n’ai aucune confirmation. On sait juste que c’était bien une grenade appartenant aux forces de l’ordre. L’enquête doit rapidement identifier la personne qui a tiré. Je rappelle que Mme Redouane, avant son décès, a pu se confier auprès de ses proches et elle a indiqué avoir vu un membre des forces de l’ordre la regarder, la viser et tirer. Nous sommes donc sur quelque chose de volontaire. Alors bien entendu, nous imaginons bien que le décès n’était pas souhaité, et c’est la raison pour laquelle nous visons l’infraction de violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner."