
La fronde s’organise en Bretagne pour bloquer les projets de relance de l’activité minière.
Au volant de sa 2CV rouge bordeaux, Lucie fait une habile marche-arrière. Quittant la route principale, elle s’engage sur une voie secondaire et désigne une vaste prairie entourée de haies :
« On est sur le site dit « de la porte aux Moines », et voilà le champ où devraient être creusés les deux premiers forages profonds de Variscan Mines pour caractériser le gisement de minerai. En fait les agriculteurs ont été isolés par cette société qui avait besoin de leur consentement pour engager les travaux, et la chambre d’agriculture a négocié pour eux les indemnités qui leur seront versées. »
Énergique et décidée, la jeune femme milite au sein du collectif Vigil’ Oust de Merléac, petit bourg du centre Bretagne visé comme 34 autres communes par un Permis Exclusif de Recherche Minière. La société Variscan Mines SAS qui détient ce PERM nourrit l’ambition d’extraire ici, si l’exploration se révèle concluante, des métaux très recherchés : zinc, cuivre, plomb, or et argent et surtout les « substances connexes » que sont les « terres rares », ensemble de petits métaux dont l’industrie de nouvelles technologies est particulièrement gourmande.
Quelle que soit l’importance économique ou stratégique de ces métaux, Lucie et ceux qui l’entourent préfèrent dénoncer la quête de profit qui anime ces nouveaux prospecteurs :
« Ils ont déjà fait là des dizaines et des dizaines de forages [dans les décennies passées NDLR]… Donc quand Variscan nous dit qu’ils viennent chercher un gisement, c’est pas vrai ! Ils viennent le « caractériser » c’est-à-dire s’assurer de la quantité de minerai qu’il contient. Ils ne cherchent que du chiffre. Tout est déjà trouvé ! »
- Sur les lieux des futurs forages à Merléac. Lucie Guillo, militante :
Sur les lieux des futurs forages à Merléac. Lucie Guillo, militante
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Une main sur le volant, et l’autre sur le téléphone, Lucie poursuit son parcours à travers champs et vallons. Car Lucie guette, informe, fédère riverains et militants de Bretagne tout en se tenant informée de toutes les luttes similaires des anti-mines sur l’ensemble du territoire français, métropole et outre-mer. « On essaie de savoir quand la foreuse va arriver pour commencer à creuser. J’ai des gens dans le Maine et Loire où se trouve l’engin actuellement sur un autre PERM de Variscan : ils me préviennent au cas où la foreuse quitterait le coin pour venir ici. Parce qu’on prévoit une action… »

Ici à Merléac, pas plus qu’à Silfiac ou à Loc-Envel, ces opposants ne veulent pas entendre parler de forages. Même exploratoires. Car en cas de résultats satisfaisants c’est l’exploitation qui se profile derrière. Donc pas question donc de laisser faire des recherches :
« On nous dit que le trou du forage n’excède pas la taille d’un fond de verre. Mais le problème n’est pas là ! Ce qui nous inquiète c’est ce que ça implique derrière ! Pas de forage si c’est en vue d’une exploitation ! »
- "On ne veut pas de forage du tout". Lucie Guillo, militante :
On ne veut pas de forage du tout. Lucie Guillo, millitante
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Cette hostilité radicale au projet minier breton s’appuie sur les traces laissées par d’anciens travaux miniers.
Lucie pointe le doigt vers une petite butte verdoyante encadrée de vallons à quelques centaines de mètres. Dans les années 80 le BRGM y a réalisé des travaux d’exploration, face à la butte Saint Michel, patrimoine géographique local. On y a creusé un forage et percé 2 km de galeries.
« Ils ont laissé les déchets miniers sur place, raconte Lucie. Ils ont terrassé, mis dessus un géotextile recouvert de terre végétale et prétendu que la végétation reprendrait ses droits en quelques années. Dix ans plus tard on voit ce que ça donne : Il n’y a rien qui pousse. La terre est morte. »
La pollution chimique, conséquence de l’extraction de minerais, a engendré un drainage minier acide qui a durablement endommagé les sols.
- La pollution des anciennes mines du BRGM. Lucie Guillo, militante :
La pollution des anciennes mines du BRGM. Lucie Guillo, militante
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Dans une région vouée à l’agriculture et à l’élevage, où la qualité de l’eau est essentielle, la population fait volontiers front derrière les opposants : le rassemblement organisés par Vigil’Oust a dépassé 1500 participants à la mi-juin 2017.

Selon l’avocat Thomas Dubreuil, qui défend le collectif des associations anti-mines de Bretagne, un choix au niveau national de développement des régions doit être fait :
« Il y a clairement conflit d’usage : il peut y avoir diffusion de pollution même très loin du lieu de la mine. C’est un choix de développement au niveau national : on doit se demander s’il est bien opportun de faire de l’exploration minière dans un territoire comme la Bretagne qui est avant tout agricole et jusqu’ici particulièrement préservé ! »
- Contradiction entre les mines et l'agriculture. Thomas Dubreuil, avocat :
Contradiction entre les mines et l'agriculture. Thoams Dubreuil, avocat
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Résultat de cette mobilisation :
Au fil des semaines, le projet minier devenait avec la campagne des législatives un véritable enjeu électoral : choisissant de mettre momentanément de côté les clivages politiques, les 6 candidats de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor emboîtaient le pas aux opposants et adressaient le 1er juin 2017 une lettre ouverte à Nicolas Hulot et Bruno Le Maire pour demander à leur tour l’abrogation du permis de recherche de Merléac.
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Quinze jours après (21 juin 2017) une délégation (candidats + représentants de l’association Vigil’ Oust dont notre contact Lucie) était reçue à l’Elysée où lui était annoncé le principe de réunions interministérielles sur le sujet.
Une semaine plus part (26 juin 2017) le Conseil régional à son tour se prononçait à l’unanimité pour l’abrogation de l’ensemble des permis bretons.
Enfin, au cours de l’été 2017, la gouvernance de la société Variscan Mines était profondément modifiée : le directeur général que l’on avait beaucoup vu sur le terrain en Bretagne a été débarqué. Michel Bonnemaison se consacre désormais pour le compte de Variscan, mais au sein d’autres structures juridiques, au développement de projet minier en Ariège, où les opposants peinent encore pour l’instant à rassembler.
En attendant la foreuse n’a toujours pas pointé son nez en Bretagne…