Mois sans alcool : l'opération "Janvier sec" n'a finalement pas été coulée en France
Par Simon de Faucompret
C'est acté, 2020 sera l'année du premier "Dry January" à la française : le défi, créé en 2013 en Grande-Bretagne, invite à tirer un trait sur l'alcool pendant tout le mois de janvier. C'est inédit en France, c'est imaginé par une trentaine d'organisations ... et ça a failli ne pas voir le jour chez nous.
Jour 1 ! Après la bombance, les excès (et les regrets) des repas de fêtes, 2020 commence au jus de fruits et à l'eau pour les partisans du "Dry January". Une bonne résolution connue des Britanniques depuis 2013, déjà, et qui s'installe cette année en France : elle propose d'abolir complètement notre consommation d'alcool pendant tout le mois de janvier. Le concept, imaginé par l'association caritative Alcohol Change UK, aurait bien pu ne pas voir le jour du tout au pays du champagne et du Beaujolais : fin novembre 2019, le gouvernement a annoncé que le projet était annulé. Et pourtant... "Janvier sec" ou "le Défi de janvier" commence bel et bien ce mercredi 1er janvier 2020, grâce à une trentaine d'associations et d'organisations.
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4 millions de participants britanniques
Outre-Manche, ce défi de santé publique fait un carton. Selon l'association Alcohol Change UK, il a réuni quatre millions de Britanniques en 2018. Par ailleurs, l'application associée "Try Dry" a été téléchargée plus de 100 000 fois. Pas étonnant, alors, que l'exécutif français s'inspire des voisins anglo-saxons, comme il l'avait fait en 2016 pour le mois sans tabac, désormais bien installé en novembre.
Pourquoi pas faire de même pour l'alcool, responsable de 41 000 décès par an selon l'académie nationale de médecine ? C'est ainsi que l'idée d'un "Janvier sec" adapté du "Dry January" britannique est née, en 2019, sous l'impulsion de la Fédération Addiction, un réseau d'addictologie qui regroupe 205 associations.
"Il n'y aura pas de Janvier sec, nous a-t-il dit"
À quelques encablures du rendez-vous, en novembre 2018, l'agence Santé Publique France, rattachée au gouvernement, était encore porteuse du projet. "Ça faisait six mois que les équipes du ministère et de Santé publique France travaillaient dessus", a précisé l'addictologue Michel Reynaud au micro de franceinfo en cette fin d'année 2019. Sauf qu'entretemps, l'idée a pris du plomb dans l'aile.
D'après les associations à l'initiative, c'est une rencontre entre Emmanuel Macron et les représentants de la filière de l'alcool, le 14 novembre dernier en Champagne, qui aurait enterré la participation de l'exécutif : "Vous pouvez faire savoir qu'il n'y aura pas de Janvier sec, nous a-t-il dit", assurait le coprésident du Comité Champagne, Maxime Toubart, au site spécialisé Vitisphère.
Entre-temps, 43 personnalités dont Pierre Arditi, Cyril Lignac et Katherine Pancol ont signé une tribune dans le Figaro, pour dénoncer la "toquade anglo-saxonne et puritaine du Dry January". Le défi a été assimilé à de la prohibition, au point de pousser les élus locaux d'Épernay (Marne), haut-lieu du champagne tricolore, à l'interdire purement et simplement dans leur conseil municipal du 16 décembre dernier !
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Les raisons de ce blocage à la française sont diverses, mais le fait que l'exportation de nos vins et spiritueux ait rapporté près de 14 milliards d'euros en 2018 n'y est pas étranger, sans oublier les dizaines de milliers d'emplois que la filière crée. Ironie du calendrier : les vignerons fêtent leur saint-patron pour la Saint-Vincent, le 22 janvier... et ils n'imaginent pas le célébrer à l'eau plate.
À noter que si elle condamne fermement ce "Défi de janvier", l'Association nationale des élus de la vigne et du vin (ANEV) rappelle qu'elle encourage une "consommation responsable". Un conseil d'autant plus important pour les Français qu'ils sont les deuxièmes plus gros consommateurs d'alcool en Europe, juste derrière les Lituaniens, selon un rapport de la Commission européenne paru mi-novembre 2019.
Avec "les moyens du bord"
Le retrait du gouvernement a été vu, par les dizaines d'organisations à l'initiative du défi, comme une "dérobade" causée par "l'influence des lobbys". Tant pis pour la Fédération Addiction, qui promet de faire "avec les moyens du bord" pour cette première édition française. Et, comme le rappelle la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) qui participe au défi, "l’idée n’est pas d’inciter à l’arrêt complet de la consommation d’alcool, mais bien de prendre un temps pour se regénérer et tester d’autres habitudes de vie."
Non pas une prohibition ou une campagne moralisatrice, se défendent les organisateurs, mais une "pause" pour constater les effets de cette cure sur le corps... et sur le porte-monnaie.