"Mon travail a été flingué auprès du Pape" : Jean-Marc Sauvé réagit aux critiques sur son rapport
Par La rédaction numérique de France Inter
Jean-Marc Sauvé a choisi France Inter pour répondre aux critiques de l’Académie catholique de France, qui dénonçait fin novembre la méthodologie et les résultats de l’enquête de la Ciase. Le conseiller d’État dénonce les agissements d’une "petite minorité".
Fin novembre 2021, dans un texte envoyé au Pape, huit membres de l’Académie catholique s’en prennent au rapport Sauvé sur les abus sexuels commis au sein de l’Eglise depuis 1950. Ils dénoncent une "méthodologie défaillante", des "carences" et des recommandations "discutables". "330 000 victimes, ce n’est pas possible", expliquait notamment sur France Inter l’avocat et ancien sénateur LR Hugues Portelli. "Le calcul est faux, et ça se serait su, on ne peut pas taire 330 000 crimes."
Le travail d’investigation et de recueil de la parole des victimes, fruit de près de trois ans de travail, est mis en doute et même discrédité par "une minorité de catholiques" répond lundi sur France Inter Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase).
"Une doctrine aux antipodes de celle du pape"
Le 9 décembre dernier, le souverain pontife devait en effet recevoir au Vatican les membres de la Ciase, avant que l’entretien ne soit subitement ajourné, sans aucune nouvelle date fixée à ce jour. Ce rendez-vous manqué est, pour Jean-Marc Sauvé, la conséquence d’une campagne de dénigrement menée au sein même de l‘Eglise française depuis l’onde de choc déclenchée par la publication de son rapport en octobre dernier.
Jean-Marc Sauvé affirme qu'une minorité discrédite son travail auprès de Rome. "Ce qui me chagrine, c'est d'avoir été flingué auprès du Pape par une doctrine qui est aux antipodes de celle du Pape, sur des points fondamentaux comme la réparation qui est due aux victimes, comme la critique de l'entre-soi et comme la vigilance à l'égard des dévoiements de l'autorité du prêtre", confie à France Inter le président de la Ciase.
D'après lui, "il y a une toute petite minorité qui nous attaque et qui nous attaque de manière venimeuse, c'est l'Académie catholique de France". Il poursuit : "Nos détracteurs sont dans le déni mais soyons extrêmement clairs, il n'y a aucun doute sur le fait que le nombre de victimes s'évalue en centaine de milliers et s'il y a des corrections, il est beaucoup plus probable que ces corrections s'effectueront à la hausse qu'à la baisse."
"La rencontre avec le Pape serait une reconnaissance supplémentaire"
En novembre, en réponse aux critiques de l’Académie catholique, la démographe Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’Inserm et à l’origine de l’enquête de la Ciase qui a abouti à ce chiffre de 330 000 victimes, confiait déjà son agacement : "En tant que scientifique, j’ai du mal à comprendre leurs arguments, ils reviennent à remettre en cause la théorie des sondages. Dans ce cas-là, on peut aussi dire que la Terre est plate. Les archives ne permettent pas de tout voir."
Les travaux de la Ciase avaient reçu en novembre le soutien d’Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France. Jean-Marc Sauvé ajoute ce lundi sur France Inter que "comme à notre niveau en France, notre rapport à été suivi des faits, la rencontre avec le Pape serait une reconnaissance supplémentaire". Sa réponse détaillée – plus de 50 pages – à l’Académie catholique est à lire sur le site internet de la Ciase.