Mort d'un opposant biélorusse : une nouvelle attaque d'un régime qui fait la chasse aux opposants ?

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Mort d'un opposant biélorusse : une nouvelle attaque d'un régime qui fait la chasse aux opposants ?

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Une athlète bélarusse présente aux Jeux Olympiques a été menacé d'un rapatriement forcé après avoir quitté sa fédération. Elle a obtenu un visa humanitaire en Pologne.
Une athlète bélarusse présente aux Jeux Olympiques a été menacé d'un rapatriement forcé après avoir quitté sa fédération. Elle a obtenu un visa humanitaire en Pologne.
© AFP - Vladimir Astapkovich

Un opposant biélorusse a été retrouvé mort ce mardi matin à Kiev, en Ukraine. Vitali Chychov était le dirigeant d'une ONG qui a tout de suite pointé la responsabilité du régime d'Alexandre Loukachenko. Un drame qui survient alors que la dictature tente de faire taire la moindre opposition.

Après un avion détourné avec un journaliste opposant au régime à bord, une athlète forcée de prendre un avion afin de quitter les Jeux Olympiques, est-on face à une nouvelle action du régime d'Alexandre Loukachenko ? Ce mardi matin, le corps de l'opposant biélorusse Vitali Chychov a été retrouvé dans un parc en Ukraine, en périphérie de Kiev. 

"Un suicide et un meurtre déguisé en suicide sont les principales versions" a assuré le chef de la police nationale, Igor Klymenko. La principale figure de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, en exil, a dit attendre les résultats de l'enquête avant d'accuser le régime. Tout en précisant qu'elle est elle-même susceptible de "disparaître à tout moment"

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Une chasse à tout ce qui est non étatique

La lumière reste à faire sur la mort de cet opposant. Mais le tour de vis du régime, semaine après semaine, est frappant. "Il y a une chasse à tout ce qui est non étatique, non contrôlée par l'État, non gouvernemental, qui s'est accélérée cet été, car l'anniversaire de l'élection truquée et des protestations de l'année dernière approche, explique Anna Colin-Lebedev, spécialiste des ex-pays soviétiques et maîtresse de conférence à l'université Paris-Nanterre. Le pouvoir ferme, par exemple, une association qui aide des enfants malades ou une ONG en charge de la prévention du sida et de la prise en charge de personnes séropositives." Des associations qui travaillent pourtant depuis longtemps sur le terrain et qui n'avaient pas eu à subir la fronde du régime jusque-là.

Le sport, arme de communication massive

Le même mécanisme est à l'œuvre dans le cadre de l'affaire de l'athlète Krystsina Tsimanouskaya. Une affaire au parfum de guerre froide : la spécialiste du 100 et du 200m a refusé de monter dans un avion qui devait la rapatrier en Biélorussie et a demandé l'asile en Pologne. "Pourtant cette athlète n'est pas du tout une opposante farouche au régime, réagit Lukas Aubin spécialiste du sport dans les pays de l'ex-URSS et auteur de La Sportokratura sous Vladimir Poutine (ed. Bréal). Au contraire même, dans ses posts Instagram ces derniers mois, elle avait plutôt tendance à être en faveur du régime." 

L'athlète avait seulement critiqué le choix de sa fédération de la faire courir sur 4x400m, épreuve très différente de sa spécialité. Mais elle l'a fait publiquement, avec un message sur Instagram. S'ensuit une conversation kafkaïenne avec ses entraîneurs qui disent avoir reçu l'instruction de la rapatrier. Ils font également un étrange parallèle entre son cas et un épisode de la guerre napoléonienne en Russie.

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Témoignage de l’extrême importance du sport pour le régime, en particulier aux Jeux Olympiques. "Le sport est un instrument tellement puissant__, parce que c'est la possibilité pour un État d'exister très vite partout dans le monde, analyse Lukas Aubin. Alexandre Loukatchenko cherche à l'utiliser de façon plus ou moins grossière. En l'occurrence ce n'est pas pour améliorer son image mais pour être craint à l'étranger, pour exister quoiqu'il arrive sur la scène internationale." Le dictateur se met d'ailleurs souvent en scène en train de faire du hockey ou du ski, à l'image de ce que fait Vladimir Poutine en Russie.

La bascule des manifestations de l'été dernier

L'affaire Krystsina Tsimanouskaya, qui a pris tant d'ampleur en quelques heures, est aussi le signe du durcissement du régime depuis un an. "L_es autorités sportives se sentent en danger parce que la moindre contestation est interprétée comme une provocation contre l'État. Le contraste avec la situation avant l'été dernier est absolument saisissant_, selon Anna Colin-Lebedev. Si les JO avaient eu lieu il y a un an, cette affaire n'aurait surement pas existé__. Avant l'été dernier, la Biélorussie était un pouvoir autoritaire, très autoritaire, mais qui autorisait énormément de choses, qui autorisait les médias critiques, qui autorisait une libre circulation de l'information. Aujourd'hui, le régime veut tout faire disparaître. Il s'agit d'une politique de terre brûlée qui fragilise d'ailleurs le pouvoir, qui n'a plus aucune communication avec sa population du fait de ses stratégies complètement répressives."

Depuis le détournement de l'avion du dissident Roman Protassevitch et son arrestation, les opposants ont bien compris le message. Le mari de Krystsina Tsimanouskaya a d'ailleurs fui la Biélorussie dès l'éclatement de l'affaire. Mais tout ceci à un coût pour le régime, explique Anna Colin-Lebedev : "Il  y a un an, avant l'élection présidentielle, le soutien à Loukachenko étaient assez importants dans la rue, dans la société. Le pouvoir avait une grosse assise populaire. Aujourd'hui il l'a perdu et il ne se maintient que par la violence".

Le monde d'après
4 min