Municipales à Montpellier : "On est chez les fous"

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Municipales à Montpellier : "On est chez les fous"

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Place de la Comédie à Montpellier, où les candidats se concentrent davantage sur l'écologie que sur les questions d'insécurité
Place de la Comédie à Montpellier, où les candidats se concentrent davantage sur l'écologie que sur les questions d'insécurité
© Radio France - Maxence Lambrecq

La place de la Comédie. Elle n’a jamais si bien porté son nom, au cœur de Montpellier, à la veille de ses municipales. Comédie humaine et tragédie pour les écolos. Cette campagne est un incroyable feuilleton avec notamment un maire en fauteuil, un milliardaire et un humoriste. Treize listes en tout, du jamais vu ici.

L’explosion des écolos 

"Les écolos avaient un boulevard, et ils ont chacun emprunté une ruelle". Une montpelliéraine, désabusée, résume ainsi ce fiasco. La première division remonte à cet hiver, au lendemain de la primaire ouverte des écologistes, le perdant, Jean-Louis Roumégas, ancien député, se lance malgré tout dans la bataille. Il soupçonne Clothilde Ollier d’avoir fait voter tous ses amis de la CGT, et d’avoir ainsi plié le match : l’infirmière urgentiste, syndicaliste CGT et "gilet jaune" a réuni 413 voix contre 372 pour l’ancien député Roumégas.

"Les animateurs locaux d’EELV ont fait n’importe quoi, ils ont inventé une candidature qu’ils ont ensuite explosé" s’agace-t-il. Jean-Louis Roumégas considère que le patron local du parti, Manu Reynaud, a été chercher Clothilde Ollier pour pouvoir la piloter. Elle était précédemment maire du village de Murles, dans l’Hérault. "C’est le vieux monde qui continue de défendre ses intérêts de boutique. Nous, on a dépassé cela avec des citoyens et une équipe crédible" conclut Jean-Louis Roumégas sur une ligne "ni droite, ni gauche".

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Clothilde Ollier, infirmière urgentiste, adhérente EELV et CGT, devant sa nouvelle permanence de campagne
Clothilde Ollier, infirmière urgentiste, adhérente EELV et CGT, devant sa nouvelle permanence de campagne
© Radio France - Maxence Lambrecq

La deuxième division est intervenue mi-janvier, à deux mois du scrutin. Clothilde Ollier a été débranchée par la direction nationale d’EELV, alors que, deux jours plus tôt, elle faisait la une du Midi Libre : "Ollier donnée vainqueur à Montpellier". Un sondage Harris Interactive la donnait favorite dans tous les cas de figure au second tour.

"On peut pas s’imaginer un tel scénario", relit Clothilde Ollier, autour d’un café, dans sa nouvelle permanence. "Ça n’existe pas dans l’histoire de la politique française, mais les très bons sondages ont attiré les convoitises : c’est irresponsable quand on porte l’écologie" lance-t-elle au micro de France Inter. 

"C’est une menteuse, une dingue, et donc, de notre part, une erreur de casting" assure un cadre d’EELV. _"Si elle avait gagné, les Insoumis auraient pris le pouvoir, elle aurait fait n’importe quoi"__._

Au fur à mesure de la campagne, la candidate a écarté plusieurs membres d’EELV, dont Manu Reynaud, son directeur de campagne, et accueillit dans son équipe un proche de l’Insoumis François Ruffin (Guillaume Tricard) et la députée LFI Muriel Ressiguier notamment. Le Midi Libre avait alors titré "Ollier met la barre à gauche". Alors qu’à une heure d’ici, à Béziers, EELV a conclu un accord avec LFI pour une liste commune.

Clothilde Ollier "avait tourné le dos à tous les engagements vis-à-vis du collectif, y compris sur des propositions écologiques phare" assure Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV. Elle affirme le contraire, et nous montre un courriel envoyé à Julien Bayou, le 16 janvier, promettant d’accueillir sur sa liste "30 écologistes sur 45" dont "un membre de l’équipe nationale". 

La candidate a attaqué cette décision en justice. Et le tribunal de Bobigny lui a donné raison, ce mercredi, invalidant la décision unanime du bureau exécutif d’EELV jugé "incompétent". Mais, l’assemblée générale qui a désigné la nouvelle tête de liste, Coralie Mantion, est validée. Ce jugement ne change donc rien : l’architecte, Coralie Mantion, porte-parole d’EELV en manque de notoriété, est la seule à pouvoir revendiquer l’investiture du parti. "Le logo, c’est un repère, se réjouit-elle. Cela rassure les gens qui ont confiance dans ce parti bien identifié"

Coralie Mantion, architecte, porte-parole-d'EELV, nouvelle candidate du parti depuis fin janvier
Coralie Mantion, architecte, porte-parole-d'EELV, nouvelle candidate du parti depuis fin janvier
© Radio France - Maxence Lambrecq

Le dernier sondage, réalisé par Opinion Way pour le Métropolitain, donne Clothide Ollier à 9%, Coralie Mantion à 7% et Jean-Louis Roumégas à 5%. "Un naufrage" commente Patrick Vignal, député et candidat LREM à la mairie. "Il manque d’un chef chez les écolos, ils se débrouillent toujours pour tout rater alors que sur le papier, ils avaient gagné. À Montpellier, côté politique, on est chez les fous"

Un maire sortant en convalescence

Le maire, Philippe Saurel, souffrait depuis plusieurs années de son genou droit, après "un accident de football". "Les douleurs sont devenus trop intenses cet automne, je me suis donc fait opérer au plus vite" raconte-t-il à France Inter. L’opération est intervenue le 3 janvier dernier. Et après quasiment un mois et demi de convalescence, et de fauteuil roulant, Philippe Saurel a déclaré sa candidature, une semaine avant le dépôt des listes. 

Philippe Saurel, maire sortant, ex-PS et ancien soutien d’Emmanuel Macron, qui se dit "au-dessus des boutiques partisanes"
Philippe Saurel, maire sortant, ex-PS et ancien soutien d’Emmanuel Macron, qui se dit "au-dessus des boutiques partisanes"
© Maxppp - Richard de HULLESSEN

"Il en a joué, et en joue encore" assurent tous ses adversaires. "Il esquive ainsi la campagne, et tout le monde prend de ses nouvelles" ajoute un de ses opposants. Et maintenant qu’il est, à peu près, debout, il esquive les débats". "Ça ne sert à rien, tranche Philippe Saurel. 2h de débats avec plus de 10 candidats, ça veut dire quelques minutes de temps de parole, insuffisantes pour résumer mon action et mon projet. J’y participerai dans l’entre-deux-tours".

Sur les réseaux sociaux, ses adversaires jouent de son absence avec un mot clé #MaisilestoúlePhilou ? (il est où Philou ?). 

"C’est le candidat de l’esbroufe" attaque le socialiste Michaël Delafosse, conseiller municipal d’opposition et professeur d’Histoire-Géo. "Son bilan est mauvais, en terme de sécurité, de développement, d’environnement. Il faut par exemple arrêter le projet d’un hyper-centre commercial à la périphérie de la ville". Les écologistes dénoncent aussi cette "sur-urbanisation". "Le choix est simple : garder une ville à taille humaine ou la transformer en une sorte de Barcelone" ajoute Coralie Mantion d’EELV. "Ils rabâchent toujours les mêmes rengaines, moi je construis de l’écologie au quotidien, réplique Philippe Saurel. Nous avons sacralisé deux-tiers du territoire métropolitain, préservé 110 hectares de construction"

"M. Saurel, c’est Georges Frêche, sans la vision" assène Alenka Doulain, de la liste citoyenne "Nous Somme" soutenue par la France Insoumise. "C’est une pratique autoritaire, sans cap, sans projet, sans coopération avec le département, la région, l’État, dit-elle. On a perdu six ans. _On attend toujours la ligne 5 du tramway et le raccordement de la nouvelle gare aux transports en commun__"_. 

Quand on lui demande, lors de notre entretien, aux Halles Laissac, ce dont il est le plus fier, Philippe Saurel répond : "La stabilité fiscale, _ne pas avoir augmenter les impôts et les taxes__, pour préserver le pouvoir d’achat des Montpelliérains"_. Et c’est aussi cette mesure qu’il expose en premier quand on évoque son projet pour les six prochaines années. 

Un milliardaire au-dessus de la mêlée

"Dans cette campagne, il y a deux blocs : les politiques habituels et moi" lance Mohed Altrad, fondateur et patron du groupe Altrad, président du club de rugby de Montpellier. "Deux mondes différents, parce qu’il y a le mensonge d’un côté, et la réalité de l’autre" ose-t-il. "Vous prenez les projets qui sont proposés par l’ensemble des candidats, et vous avez de quoi faire faillite à Montpellier cinq fois parce que vous ne pouvez pas financer tout ça" assure l’homme d’affaires. "Leurs projets ne passeront pas, ce sont des mensonges, une façon de trahir la population, et c’est ce qu’a fait Saurel"

Mohed Altrad, fondateur et patron du groupe Altrad, président du club de rugby de Montpellier., se lance sans parti derrière lui
Mohed Altrad, fondateur et patron du groupe Altrad, président du club de rugby de Montpellier., se lance sans parti derrière lui
© AFP - Pascal GUYOT

Avant de déposer sa liste en préfecture, le milliardaire a demandé le soutien d’EELV, de La République en Marche, qui a préféré Patrick Vignal, et du parti Les Républicains, qui a choisi Alex Larue, avocat et conseiller municipal sortant. Trois demandes, trois refus. Celui qu’il y a encore récemment n’était pas inscrit sur les listes électorales se lance donc sans parti derrière lui, en misant tout sur l’attractivité économique et les réseaux d’entrepreneurs.

Un clown qui affaiblit le RN 

Puisque ça ne suffisait pas, dans cette campagne hors norme, s’est ajouté un humoriste déjanté : Rémi Gaillard. Son slogan dans ses gags sur YouTube : "C’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui". Tout le monde croyait à un canular. 

Mais Rémi Gaillard a bien monté sa liste apolitique, défendant surtout "la cause animale". Le sondage Opinion Way de mi-février le crédite de 8% d’intentions de vote. _"C’est incroyable, il fait 8% sans idée, sans proje_t, ça dit beaucoup de l’état de notre démocratie" s’alarme un candidat.

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Rémi Gaillard "capte une partie des électeurs anti-système" analyse un de ses adversaires. Il affaiblirait le candidat du Rassemblement National, Olaf Rokvam, la tête de liste Lutte ouvrière, Maurice Chaynes, et le candidat de l’UPR, Kamy Nazarian. 

Au total : 13 listes, avec 3 écolos, 3 candidats de gauche, 3 au centre-droit, 3 anti-système, et le maire sortant, ex-PS et ancien soutien d’Emmanuel Macron, qui se dit "au-dessus des boutiques partisanes". 

Les jeux semblent ouverts, avec le risque d’une quadrangulaire au second tour. "Pendant trente ans, avec Georges Frêche aux manettes, c’était quand même plus simple" conclut une candidate.