"Nous avons débarqué dans un monde lunaire" : notre envoyé spécial raconte le début des JO sous Covid

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"Nous avons débarqué dans un monde lunaire" : notre envoyé spécial raconte le début des JO sous Covid

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À l'aéroport international de Pékin
À l'aéroport international de Pékin
© AFP - KAZUKI WAKASUGI / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN

Envoyé spécial de France Inter en Chine pour suivre les JO d'hiver à Pékin, Jérôme Val raconte, à la première personne, son arrivée sur le site olympique. Les conditions drastiques en raison de la pandémie et de la politique zéro Covid des autorités, le contrôle permanent des déplacements, les tests PCR ultra-poussés.

Les Jeux olympiques de Pékin débutent vendredi. Crise sanitaire et politique zéro Covid en Chine, boycott diplomatique (des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Grande-Bretagne), neige 100% artificielle : ces olympiades, les deuxième de l’ère du coronavirus, vont se dérouler dans un contexte très particulier. L'envoyé spécial de France Inter Jérôme Val raconte son arrivée sur le site des JO et l’ambiance sur place. 

C’est un monde lunaire dans lequel nous avons débarqué depuis le 1er février. Et pas seulement à cause des montagnes brunes pelées qui nous cernent sur le site de Zhangjiakou, à 200 kilomètres au Nord de Pékin. Mais c’est bien l’atmosphère spéciale et les règles parfois absurdes qui nous ont fait entrer dans une nouvelle dimension.

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Dès notre arrivée à l’aéroport de la capitale chinoise, déserté par les voyageurs et les avions, nous avons été accueillis par une armée de cosmonautes, des bénévoles habillés d’une combinaison intégrale, masque et visière compris. Voilà notre premier contact avec les Jeux olympiques, des ombres blanches ! Vient aussi le temps du premier test PCR. On nous avait bien prévenus, attention ça peut faire mal. Je confirme : la tige s’enfonce jusqu’à quasiment disparaître dans la narine. Le temps paraît très long à ce moment-là, tout le monde en sort les larmes aux yeux. Désormais, c’est un test par jour : dans la gorge, juste avant le petit-déjeuner. Point de vue personnel : je déconseille ce petit rituel quotidien.

Les sols de l’hôtel sont lessivés de produits javellisés à longueur de journée
Les sols de l’hôtel sont lessivés de produits javellisés à longueur de journée
© Radio France - Jérôme Val

Obsession désinfection

Il est temps maintenant de prendre un bus pour rejoindre nos quartiers de Zhangjiakou, une station de ski spécialement construite pour ces jeux dans un endroit pourtant connu pour sa sécheresse hivernale et où il ne neige jamais. Escorte policière, de grandes autoroutes rectilignes et pourtant nous mettrons plus de quatre heures pour atteindre le site. Des confrères italiens nous ont même rapporté que leur bus avait roulé les portes ouvertes pour faire des courants d’air. On les imagine frigorifiés sur leur siège.

Enfin arrivés, nous faisons connaissance avec la deuxième obsession chinoise : la désinfection. J’ai même l’impression que c’est devenu une nouvelle discipline olympique. Rien n’y échappe : les sols de l’hôtel sont lessivés de produits javellisés à longueur de journée. Dans un restaurant, j’ai même aperçu un serveur armé de son vaporisateur asperger la vaisselle sale avant de s’en saisir. 

Nos bagages ont subi le même sort : sympa pour le sac à dos en toile ! Même les bus que nous empruntons passent à la grande lessiveuse désinfectante. Un matin, nous avons été éjectés d’une navette en plein milieu de notre trajet. “The bus has to be desinfected. Please, go out” (“Le bus doit être désinfecté, sortez s’il vous plait”), nous lâche très cordialement un bénévole emmitouflé dans sa grosse doudoune aux couleurs de “Beijing 2022”. Nous sommes lâchés sur un immense parking, complètement congelés. Il fait -16 degrés mais j’ai l’impression qu’il fait plutôt -100.

Même les bus passent à la grande lessiveuse désinfectante
Même les bus passent à la grande lessiveuse désinfectante
© Radio France - Jérôme Val

Rester dans le droit chemin

L’ambition de la Chine pour les étrangers présents sur ces Jeux, c’est qu’ils ne voient rien du pays et de ses habitants. Et c’est jusqu’ici plutôt réussi ! Dans la bulle, on ne peut rien faire, ni rencontrer personne. Ah si, les bénévoles, toujours très sympathiques et à l’écoute. Le 1er février, ils nous ont tous souhaité la bonne année pour l’Année du tigre. Je les plains parfois en les croisant, je les respecte surtout, eux qui vont encore subir une quarantaine de deux semaines à la fin de ces Jeux avant de pouvoir rentrer chez eux.

Partout, des barrières sont disposées à la sortie des sites de compétition et de nos hôtels, histoire qu’on ne puisse pas s’échapper. Et si vous avez le malheur de vous écarter un peu du trajet balisé, un gentil policier avec une chapka noire sur la tête vous remet sur le droit chemin. 

Même pour parcourir quelques centaines de mètres, nous sommes contraints de prendre le bus. Un exemple : pour aller au village olympique depuis notre logement, il y a moins d’un kilomètre à vol d’oiseau. Nous avons mis presque… une heure et demie ! 

Géopolitique
3 min

Plus peur des tests Covid que des tests anti-dopage

Ne rien pouvoir faire et avoir à portée de regard la muraille de Chine qui serpente sur les crêtes des montagnes environnantes : quel gâchis ! L’absurde encore pour l’organisation des repas. Un collègue français me racontait que, dans son hôtel, les repas étaient amenés par un robot à sa porte : une sorte de R2D2 made in China ! On croit rêver.

Finalement, si l’on voulait mettre entre parenthèses cette pandémie pour parler un peu de sport, on n’y arriverait pas. Car, partout, le Covid nous revient. “J’ai plus peur de ces tests Covid que des tests anti-dopage”, me confie au village olympique une biathlète tricolore, un peu dépitée. Jusqu’au bout, et alors qu’ils démarrent à peine, ces Jeux olympiques d’hiver en Chine sont d’ores et déjà éternellement à part.