"On a pris le mot inquisition en pleine figure" : des accusatrices de Hulot et PPDA répondent à Macron
Par Luc ChemlaDans une tribune publiée dans Le Monde, quatorze femmes s'étant déclarées victimes de violences sexuelles de la part de Nicolas Hulot et de Patrick Poivre d'Arvor, répondent à Emmanuel Macron. Suite aux accusations, le président a la semaine dernière dit souhaiter "ni complaisance", ni "inquisition".
Elles répondent à Emmanuel Macron. « Victimes de Nicolas Hulot et de PPDA, nous ne sommes pas les bourreaux ». Dans une tribune publiée ce mercredi dans le journal Le Monde, un collectif de quatorze femmes, s’étant déclarées publiquement victimes de violences sexuelles et de viol de la part de l'ancien ministre et de Patrick Poivre d'Arvor, réagit aux récents propos du président de la République.
La semaine dernière durant le Conseil des ministres, le chef de l'Etat a insisté sur l'importance "de faciliter et d'accompagner la libération de la parole, le recueil des plaintes, l’efficacité de la justice" tout en ajoutant que "la position du gouvernement sur ce sujet est constante. Nous n'accepterons jamais une société de l’opacité ou de la complaisance. Et nous ne voulons pas non plus d'une société de l’inquisition".
"Vous nous mettez du côté des inquisiteurs, représentants des pires atrocités du passé"
Des propos qui passent mal auprès du collectif. "Quel est le rapport entre nos récits et l’Inquisition ?" s'interrogent tout d'abord les quatorze femmes, parmi lesquelles treize accusatrices de Patrick Poivre d'Arvor et une de Nicolas Hulot, dont l'écrivaine Karin Bernfeld, la comédienne Maureen Dor, l'ancienne présentatrice de JT, Hélène Devynck, Cécile Thimoreau, ex-journaliste à TF1 ou encore Muriel Reus, ancienne cadre de TF1. "De nos intimités exposées naîtrait le risque de replonger la France dans une des périodes les plus sombres et les plus unanimement détestées de l’histoire occidentale ?"
Le collectif rappelle que L’Inquisition, qui correspond à la traque des hérétiques durant notamment le XIIIe siècle en France, a "emprisonné, torturé, supplicié, brûlé les hérétiques, ceux qui étaient soupçonnés de mettre en cause la toute-puissance divine et l’institution de l’Eglise. (...) Vous nous mettez du côté des inquisiteurs, figures honnies de la mémoire collective, représentants des pires atrocités du passé. (...) Nous sommes des menteuses selon nos agresseurs, une menace pour le pays selon vous. De quel changement néfaste nos paroles seraient-elles les prémices ? Quel pouvoir avons-nous ? Pas celui de condamner, pas celui de priver de liberté."
"Des témoignages difficiles et coûteux" insiste le collectif
Dans la suite de la tribune, les signataires soulignent à quel point il a fallu du courage pour s'exprimer publiquement et pour revenir sur "nos hontes les plus intimes, exposé nos larmes ravalées, expliqué nos silences imposés ou nos récits négligés." Des témoignages "difficiles et coûteux". Elles insistent également sur le fait que "l’institution judiciaire a ignoré les témoignages" et classé les plaintes "sans chercher à savoir si d’autres femmes avaient pu être victimes des mêmes hommes. Nous n’avons rien d’autre à y gagner que de dire une vérité, même dérangeante, et d’éclairer le pays sur le traitement des violences sexuelles, sur l’usage que font certains hommes de leur pouvoir, sur les complaisances qui les y autorisent, sur l’impunité dont ils jouissent."
D'après le collectif, "en agitant la menace inquisitoriale", Emmanuel Macron, "vous en rajoutez une couche, vous nous dites que nous sommes dangereuses. Une pièce de plus dans la machine à taire." Pour conclure, les signataires disent rejeter "une société où les victimes de la violence des dominants seraient tenues au silence et condamnées à l’opprobre, à l’infamie et à la caricature si elles transgressent cette règle", avant de terminer ainsi, "nous ne sommes pas les bourreaux, monsieur le président de la République. Pourquoi faisons-nous si peur ?"
"Cela méritait une grosse colère" explique une des signataires
Contactée par France Inter, Emmanuelle Dancourt, l'une des signataires, revient sur les raisons de cette tribune. "Cela méritait une grosse colère. J'ai commencé à rédiger une lettre au président de la République, je l'ai soumise à notre collectif, on l'a complétement réécrite toutes ensembles pour manifester pourquoi nous sommes en colère. On ne peut pas laisser passer cela."
Le mot inquisition a particulièrement choqué. "On l'a pris en pleine figure. Il nous renvoie aux heures les plus obscures de l'histoire de France, au temps où l'on jugeait sans jugement", explique Emmanuelle Dancourt. "Cela a été très violent pour nous, ce sont des mots extrêmement forts", témoigne quant à elle Cécile Delarue, une autre signataire et accusatrice de Patrick Poivre d'Arvor.
On est passé de tribunal médiatique à inquisition, qu'est-ce que l'on va nous trouver maintenant de plus fort ?"
"On s'est senties visées, on l'a pris comme une attaque. Je pense que beaucoup d'entre nous n'ont pas très bien dormi le soir même et le lendemain matin on s'est dit qu'il fallait répondre. Ce tribunal de l'inquisition, c'est une accusation extrêmement forte et totalement injuste. On est passé de tribunal médiatique à inquisition, qu'est-ce que l'on va nous trouver maintenant de plus fort ?", poursuit Cécile Delarue. "Qu'est ce qui ne va pas en fait dans ce que l'on peut dire ? Qu'est-ce qui peut à ce point là gêner les Français et son représentant ?"
La journaliste Emmanuelle Dancourt a d'ailleurs un message à faire passer au chef de l'Etat. "Ne restez pas de marbre, monsieur Macron. On a eu le courage de parler, il faut qu'il ait le courage de nous entendre". Cécile Delarue ajoute de son côté : "on ne va pas rester dans notre, coin, dans le statut de victime. On demande juste que nos voix soient entendues."