"On est confrontés à une hécatombe de dauphins sur nos côtes" - Lamya Essemlali, de Sea Shepherd
Par Mariel Bluteau
Lamya Essemlali, présidente de l'antenne française de l’ONG "Sea Shepherd", expliquait en février 2021 dans "Le temps d'un bivouac" le danger que représentent les filets fantômes dans les océans, et les mesures urgentes à mettre en place selon elle pour sauver la vie maritime.
Lamya Essemlali, présidente de l'antenne française de Sea Shepherd, rappelle que l'ONG n'agit pas qu'à l'étranger : "la France est le deuxième empire maritime au monde, et le seul pays à être présent sur tous les océans de la planète… Même sur notre façade métropolitaine, il y a beaucoup à faire !"
Les filets fantômes, une catastrophe écologique
"Les filets fantômes sont des filets qui sont perdus ou abandonnés en mer par les pêcheurs" explique Lamya Essemlali. "D'après les Nations Unies, cela représente plus de 600 000 tonnes par an.
Ce sont des filets qui continuent à pêcher, à capturer des animaux marins pendant des années parce que c'est du nylon, ça ne se dégrade pas. C'est une catastrophe qui s'ajoute à la surpêche et à la pêche illégale".
Les dauphins meurent par milliers sur nos côtes
"On est confrontés à une hécatombe de dauphins sur nos côtes" précise-t-elle. "Les gens ne se rendent pas compte, mais si on prend juste la flotte française dans le golfe de Gascogne, on pose à peu près 45 000 km de filets par jour (soit environ le tour de la planète !), avec des hauteurs qui sont qui sont très mal réglementées".
De nombreux dauphins sont pris dans des filets des pêcheurs involontairement : "on parle de 'captures accidentelles' précise Lamya Essemlali. Elle explique : "Nous réfutons complètement ce terme, d'ailleurs on va le réfuter sur le terrain juridique parce que quelque chose qui est à ce point récurrent, prévisible et évitable ne peut pas être qualifié d'accidentel. Aujourd'hui, on est dans un cas de figure où on a des pêcheurs qui arrivent sur une zone et qui déposent leurs filets au milieu des dauphins, et on se dit "Si on capture des dauphins, c'est un accident". Ce n'est pas accidentel ! les dauphins sont des victimes collatérales consenties, ils sont sacrifiés au secteur de la pêche.
En fait, on a fait de l'océan un terrain miné, ce qui fait qu'aujourd'hui, les dauphins sont en train de mourir par milliers. Les scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis des années mais ils ne sont pas entendus".

Comment lutter contre ce phénomène ?
Pour Lamya Essemlali, il faut "prendre les mesures recommandées par les scientifiques : la fermeture spatio-temporelle de certaines zones particulièrement sensibles et l'installation de caméras à bord des bateaux (ça se pratique en Australie et c'est extrêmement efficace)"
Comment Sea Sheperd est perçu par les pêcheurs ?
"On ne peut pas parler des pêcheurs au sens large, il y a plusieurs sortes de pêcheurs" nuance-t-elle. "Il y a énormément de pêcheurs qui nous soutiennent et nous donnent des informations. La plupart de nos informations sensibles, on les tire de pêcheurs qui sont eux-mêmes témoins de ce qui se passe et qui n'en peuvent plus, mais qui n'osent pas parler.
Il y a un climat quasi mafieux dans le secteur de la pêche et ceux qui ont intérêt à ce que les choses ne ne se sachent pas intimident énormément les plus petits. Par exemple, on connaît des petits pêcheurs qui nous disent "Nous, on n'a aucun problème à ce qu'on mette des caméras sur nos bateaux. Le problème, c'est que si on dit ça publiquement, ils nous brûlent nos bateaux !" C'est à l'Etat de faire en sorte que ce ne soit plus la loi du plus fort qui règne".
Quelles mesures prendre pour sauver la vie des océans ?
Sans hésitation, Lamya Essemlali répond : "Il faut absolument réformer la pêche".
Elle explique : "Aujourd'hui, la première menace qui pèse sur l'océan, ce n'est pas la pollution ni le changement climatique, même si ce sont des menaces importantes : c'est la pêche, c'est la surpêche, c'est notre surconsommation de poisson, c'est le fait qu'on a fait de l'océan un terrain miné.
Ça se passe loin des yeux et loin des consciences. Et donc aujourd'hui, quand on consomme du poisson, on se rend absolument pas compte de l'impact que ça sur l'océan dont, encore une fois, nous dépendons tous.
Je pense qu'il y a assez de poissons dans l'océan pour nourrir ceux qui en ont vraiment besoin - c'est une minorité des gens. La majeure partie des gens peut très bien se passer de poisson. Donc réduire drastiquement sa consommation de poisson, c'est le minimum vital. Et l'arrêter totalement, c'est le meilleur service qu'on puisse rendre à l'océan".

Aller plus loin
4000 à 9000 dauphins meurent chaque année dans le Golfe de Gascogne. Pour en savoir plus, suivez ce lien.
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Pour en savoir plus sur le combat de Lamya Essemlali sur les mers, pour chasser les braconniers au large de l'Afrique de l'Ouest, libérer des thons rouges pris dans des filets dans les eaux libyennes ou encore voler au secours de dauphins aux îles Féroé : écoutez-la au micro de Daniel Fiévet (entretien du 6 février 2021).
Et bien sûr, pour en savoir plus sur Sea Shepherd, rendez-vous sur leur site officiel