"On étouffe", "on souffre", "on mange de la merde" : des "gilets jaunes" nous disent pourquoi ils manifestent

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"On étouffe", "on souffre", "on mange de la merde" : des "gilets jaunes" nous disent pourquoi ils manifestent

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Samedi 8 décembre 2018 à Paris : des "Gilets Jaunes" nous expliquent pourquoi ils sont venus manifester, et ce qu'ils veulent dire à Emmanuel Macron
Samedi 8 décembre 2018 à Paris : des "Gilets Jaunes" nous expliquent pourquoi ils sont venus manifester, et ce qu'ils veulent dire à Emmanuel Macron
© Radio France - Vanessa Descouraux

Ils sont "gilets jaunes". Ils manifestent à Paris ce samedi, malgré les risques de violences. Notre reporter Vanessa Descouraux leur a demandé pourquoi ils étaient là et ce qu'ils avaient à dire à Emmanuel Macron.

Christopher : "Je mange de la merde pour m'en sortir" 

Christopher, 30 ans, venu de l'Orne
Christopher, 30 ans, venu de l'Orne
© Radio France - Vanessa Descouraux

Christopher, 30 ans, intérimaire, père de quatre enfants, Argentan (Orne).

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

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"Samedi dernier, j'étais déjà à Paris. Ça ne m'a pas empêché de revenir aujourd'hui pour me faire entendre. Il faut vraiment faire la différence entre ceux qui veulent casser et nous. Si ça dégénère encore aujourd'hui,  je pars. Je ne suis pas là pour ça. Je suis là pour dire qu'on ne peut plus être ponctionné sans cesse. Mais là ils nous enferment dans un petit périmètre. Impossible de juger. Ils nous prennent en étau. Comme dans un piège. Je ne suis pas venu pour ça !"

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"Il faut qu'il parle et qu'il fasse des efforts. Moi je dois attendre un mois sur l'autre pour acheter des chaussures aux enfants. Quand la voiture tombe en panne, je dois aller piocher dans les économies faites en prévision des vacances. Je me saigne pour faire plaisir aux enfants. Je mange de la merde, les produits les moins chers possibles. On n'en peut plus. Il doit entendre ça. Je fais des heures sup tout le temps pour m'en sortir, je travaille comme un fou pour finir le mois. Alors il doit écouter cette colère."

Thierry : "Macron doit en finir avec le mépris !"

Thierry, 55 ans, "gilet jaune" de Rambouillet venu à Paris samedi
Thierry, 55 ans, "gilet jaune" de Rambouillet venu à Paris samedi
© Radio France - Vanessa Descouraux

Thierry, 55 ans, responsable technique des espaces verts à Rambouillet (Yvelines)

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

"Je n'ai pas peur des violence éventuelles. D'ailleurs, c'est la première fois que je manifeste à Paris depuis le début du mouvement. Avant, j'étais en province les samedis de mobilisation. Ce samedi, il est important que nous respections les points de rassemblements pour montrer que nous ne sommes pas des casseurs. Il faut distinguer les deux : eux et nous. Ils se sont servis de nous".

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"Qu'il prenne ses responsabilités ! Il doit parler ! C'est lui le patron, il ne doit pas envoyer en permanence son gouvernement au charbon !  Les forces de l'ordre ne sont pas son bouclier. Il doit parler et en finir avec le mépris qu'il nous renvoie sans cesse. Il méprise le monde ouvrier c'est insupportable !

Rosa : "J'ai l'impression de travailler pour l'État"

Rosa, 46 ans, est agent de santé hospitalière. Son mari est au chômage. ils ont deux enfants et habitent en Isère à Apprieu
Rosa, 46 ans, est agent de santé hospitalière. Son mari est au chômage. ils ont deux enfants et habitent en Isère à Apprieu
© Radio France - Vanessa Descouraux

Rosa, 46 ans, est agent de santé hospitalière à Apprieu en Isère. Son mari est au chômage, ils ont deux enfants. 

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

C'est ma première manif à Paris et on l'a préparée pendant longtemps pour qu'elle nous coûte le moins cher possible. Pas de déjeuner prévu aujourd'hui, par exemple. Mais malgré ça je devais venir. On connaît le sens du mot sacrifice. 

Depuis 2013 nous ne sommes pas allés au cinéma. Pas de restaurant, même à deux. Pour nous, les dîners en amoureux c'est les bougies à la maison. Mon mari est au chômage depuis septembre. Nous n'avons plus de loisir. C'est sur ça qu'on restreint au maximum. 

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

J'aimerais qu'il comprenne que nous aimerions que le fruit de notre travail nous revienne un peu. Qu'on puisse en bénéficier. Là j'ai l'impression de travailler pour l'État. Payer les impôts pas de soucis, mais il faut que les bénéfices du travail nous reviennent aussi. Je mérite de m'accorder quelques plaisirs même si J'aime travailler. Juste ça : lui dire que je mérite de penser à moi. De travailler l'esprit tranquille sans penser à la banque, à la date limite pour payer les factures.

David : " On vit avec les enfants au jour le jour. C'est pas une vie !"

David, 44 ans, est venu de Tourcoing à Paris
David, 44 ans, est venu de Tourcoing à Paris
© Radio France - Vanessa Descouraux

David, 44 ans, ancien entrepreneur dans le BTP à Tourcoing. Il perçoit aujourd'hui le RSA. 

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

"Samedi dernier, j'étais sur les Champs Élysées. Je ne comptais pas revenir après ces scènes de violence. Il y a eu aussi un geste dans la semaine avec la suspension de la taxe carbone pour l'an prochain. Alors je pensais faire un geste aussi. Mais c'est ma belle-mère qui m'a dit d'y aller, pour sa retraite. Ça, ça passe pas ! Moi, j'ai eu une entreprise de BTP mais à cause d'un pépin de santé je pouvais plus faire le métier. Je suis au RSA. Le 15 du mois, je commence à compter. On vit avec les enfants au jour le jour. C'est pas une vie !"

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"C'est son arrogance qu'il paie. Les "ceux qui ne sont rien" ne lui pardonnent pas. Il y a de formidables choses en France, j'en suis conscient : la sécurité sociale par exemple, moi sans ça je ne peux pas soigner mon dos. Mais c'est un pays riche pour les riches et qui ne sait pas répartir avec justice les richesses. Moi quand j'avais ma boîte, je payais les charges sans souci. Mais maintenant que je n'ai plus rien, je ne peux plus payer toutes ces taxes."

François : "Il faut accélérer le mouvement"

François, 28 ans, venu de Grenoble
François, 28 ans, venu de Grenoble
© Radio France - Vanessa Descouraux

François, 28 ans, intermittent du spectacle à Grenoble

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

"Tout le monde nous a dit de ne pas venir à Paris parce que ça va dégénérer mais à un moment il faut se responsabiliser et y aller. C'est ce moment-là. Jusqu'alors, je participais au mouvement chez moi en Isère mais il faut accélérer le mouvement et j'ai décidé de venir à Paris malgré le risque de violences. De toutes parts : violences des casseurs, de la police... Ils nous ont pris toutes nos protections. Malgré tout ce qui nous entoure, la priorité est de se faire entendre".

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"Il faut qu'il regarde la base. Il y en a marre de ces gens qui nous dirigent et qui n'ont pas la moindre idée de comment on vit, comment on s'en sort. Ça a toujours été comme ça, mais là c'est trop. Macron n'est pas responsable de tout, il hérite aussi d'une situation mais il ne nous épargne pas. L'ISF, les retraites : c'est pas des cadeaux quand même ! Alors, qu'il écoute ce qu'on a à lui dire !

Stella : "Macron, ouvrez les yeux ! On souffre !"

Stella, 27 ans, vient de l'Eure
Stella, 27 ans, vient de l'Eure
© Radio France - Vanessa Descouraux

Stella, 27 ans, intérimaire dans l'Eure

Pourquoi êtes-vous venue manifester à Paris malgré les risques ? 

"Je n'ai pas peur de violences provenant de manifestants. J'ai peur de la violence policière. Comment peut-on envoyer des grenades lacrymogènes sur des gens pacifistes ? Les vitrines cassées, ça ne me choque pas tant que ça. Ce sont les inégalités qui me choquent. Les trois précédents samedis j'étais chez moi, mais là je viens défiler à Paris car j'ai compris qu'il se passait quelque chose de fort, de massif. Je voulais être là pour qu'on voit la France telle qu'elle est".

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"Je lui dirais de faire attention à cette France d'en bas comme on dit. On est de bonne volonté. Depuis tout ce temps, on paye, on ne dit rien. On paye et on ne sait pas comment est utilisé notre argent ! J'ai envie de dire au Président  "Ouvrez les yeux ! On souffre".
Nous avons le nombre et la détermination alors "cédez ou partez !"

Guillaume : "On étouffe !"

Guillaume, 34 ans, venu de Normandie
Guillaume, 34 ans, venu de Normandie
© Radio France - Vanessa Descouraux

Guillaume, 34 ans, animateur de soirée à Fécamp (Seine maritime)

Pourquoi êtes-vous venu manifester à Paris malgré les risques ? 

"Je m'attends a des violences. Je suis venu de Normandie car je suis secouriste. Mais ils m'ont saisi mon matériel. Y compris mon casque de vélo pour me protéger en cas de violences. Ils m'ont pris mes ciseaux pour les bandages. J'ai pu garder les compresses et le sérum physiologique. C'est fou d'en arriver à saisir du matériel de secours !"  

Que diriez-vous à Emmanuel Macron s'il était en face de vous ? 

"Qu'il ouvre les yeux ! Qu'il comprenne qu'on étouffe. Tout le monde sait que l'écologie c'est important. Je le comprends totalement mais qu'il nous donne les moyens de rentrer dans les normes environnementales. Avec sa prime, je ne peux pas changer de voiture. Alors, il faut plus nous accompagner, pas nous matraquer !"