"On parie ?" : dans les coulisses des bookmakers, qui misent sur les victoires de Trump ou Biden
Par Chadi RomanosChez les parieurs politiques, peu importe l'état de l'opinion. Ce qui compte, ce sont les cotes, la probabilité pour un candidat de l'emporter. Et pour l'élection présidentielle américaine, sur laquelle des millions sont pariés au Royaume-Uni ou en Australie – c'est interdit ailleurs –, Joe Biden est donné gagnant.
Chez les détracteurs de ce système, les sondages et les études d'opinions présentent d'insurmontables faiblesses. À commencer par une certaine sous représentation de certains candidats au détriment des autres, comme si manifester publiquement son attachement à tel ou tel était risqué ou honteux. Donné perdant par les campagnes les plus récentes, Donald Trump est résolument dans le camp de ceux qui n’accordent pas de crédit aux sondages.
Un indicateur, néanmoins, permet traditionnellement d'obtenir une idée plus juste, à défaut d'être précise, des chances du sortant ou du challenger de l'emporter. Cet indicateur, ce sont les cotes de Donald Trump et de Joe Biden chez les bookmakers, principalement au Royaume-Uni et en Australie, où parier sur les échéances politiques, comme sur les courses de lévriers, est une tradition. (Aux États-Unis c'est, à une exception près, interdit).
Les "oddsmakers", les professionnels chargés de définir les cotes, n'ont d'autre objectif que de faire jouer les parieurs (et au passage d'enrichir leurs employeurs, les bookmakers, qui enregistrent les paris), donc de leur proposer des enjeux lucratifs. Les parieurs, eux, ne sont pas (ou à la marge, chez les expatriés) américains, ils jouent de façon anonyme et, surtout, il le font pour gagner de l'argent.
Fins analystes ou forts en maths
Certains sont de fins analystes politiques, experts des rapports de force, documentés sur les enjeux politiques et les stratégies électorales, à l'instar de certains passionnés de courses hippiques, capables de s'investir dans la psychologie d'un jockey comme dans la nature du terrain. D'autres sont des forts en maths, férus de statistiques et de probabilités, mais le plus souvent tout aussi pertinents dans leurs choix.
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Associés de fait aux bookmakers, ils contribuent à établir une cote, qui déterminera le montant qu'ils empocheront si l'événement sur lequel ils ont parié se réalise. Plus cette hypothèse est grande, moins forte sera la cote, et moins élevé sera le gain ; plus la réalisation d'un événement est improbable, plus forte est sa cote et, avec elle, le gain.
L'objectif, pour tous, parieurs, oddmakers et bookmakers, étant de gagner de l'argent, on peut estimer que leur jugement est sinon juste, du moins réaliste et honnête. Le site RealClearPolitics, qui s'efforce d'éclairer le jugement des électeurs américains, reprend d'ailleurs les "betting odds" comme un élément d'information crédible.
Et que nous disent ces "betting odds" ? Pour bien lire la courbe des cotes moyennes, il faut la regarder à l'envers. Celui dont la cote est la plus élevée, c'est celui qui a le moins de chances de l'emporter, donc celui sur lequel parier peut se révéler le plus lucratif (mais, en même temps, le plus risqué). Depuis le mois de juin, Joe Biden est donné gagnant, et Donald Trump peine à s'accrocher. Pourtant, le président sortant continue d'amasser les paris : 1 parieur sur 2 a misé sur lui depuis janvier, tandis que son rival démocrate n'en a pas intéressé plus de 1 sur 4. L'appât du gain… De nombreux parieurs croient encore en la capacité de Trump à créer la surprise et à les enrichir. "Il crée de rares opportunités pour les joueurs aguerris", explique Paul Krishnamurty.
La possibilité de gagner
Paul Krishnamurty, joueur professionnel, a d'ailleurs fait de l'analyse des cotes politiques sa spécialité, et il livre toute son expertise en temps réel sur le site Betfair. Une lecture toute particulière de la vie politique, propre à éclairer les choix de ceux qui pensent pouvoir s'enrichir sur ce type de paris.
Ainsi, pour Paul Krishnamurty, lors du dernier débat entre les deux candidats à la présidentielle américaine, "la nouvelle règle consistant à couper le micro de celui qui n'a pas la parole [a] fonctionné". C'était, selon lui, "la meilleure performance [de Trump]", dont il rappelait la veille que "sur les quatre débats présidentiels auxquels [le président sortant] avait participé, trois avaient dégradé sa cote".
"Les arguments ont été exposés clairement, et la discussion a mis en lumière les différences énormes entre la philosophie et le projet des deux candidats. (…) Le marché a apprécié."
2 millions de livres (2,21 millions d'euros) ont été misés pendant le débat, tandis que les cotes des deux prétendants se rapprochaient : Biden à 1,47 et Trump à 1,51. Ce qui, en termes profanes, signifie qu'à une semaine du scrutin, la probabilité de l'emporter est quasiment aussi grande pour l'un que pour l'autre.