Pantin/Pantine : "La féminisation des noms de lieux évolue relativement vite, mais il reste peu de place"

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Pantin/Pantine : "La féminisation des noms de lieux évolue relativement vite, mais il reste peu de place"

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En 20 ans, la ville de Paris a plus que doublé le nombre de voies de communication portant des noms de femmes.
En 20 ans, la ville de Paris a plus que doublé le nombre de voies de communication portant des noms de femmes.
© AFP - BRUNO DE HOGUES

Alors que la polémique a enflé durant vingt-quatre heures sur le changement de nom de la commune de Pantin en "Pantine", des villes accélèrent la féminisation des noms de lieux dans l'espace public. Entretien avec l'architecte et doctorante en géographie Alexandra Mallah.

Depuis 24h, les réactions affluent de toutes parts, après la décision du maire de Pantin (Seine-Saint-Denis) de rebaptiser sa ville "Pantine", durant un. Une action symbolique pour inciter à une prise de conscience sur "l'égalité entre les femmes et les hommes". Toutefois, à son annonce, cette décision a provoqué les railleries des internautes et d'une partie de la classe politique. Si la féminisation d'un nom propre, et donc neutre, peut en effet prêter à sourire, elle s'inscrit dans une dynamique plus large de féminiser les toponymes (noms de lieux) dans l'espace public, à commencer par les rues. Éclairage avec Alexandra Mallah, doctorante en géographie à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) qui travaille sur la féminisation des voies de communication, spécifiquement à Paris.

France Inter : Que pensez-vous de cette décision de féminiser le nom de la commune de "Pantin" ?

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ALEXANDRA MALLAH : "Si on prend l'acte à son premier niveau de lecture, féminiser un mot qui est neutre, ça n'a pas forcément de sens. Par contre, si on prend l'acte tel que la municipalité le présente : mettre un symbole autour de l'égalité hommes-femmes, là, on comprend le sens. En tant que démarche politique, ça fonctionne, car c'est une démarche qui fait parler d'elle. Les réactions sont positives ou négatives, mais le geste ne laisse pas indifférent, le but est atteint.

Il y a un double objectif à la féminisation des toponymes : la reconnaissance d'un public dominé, et proposer des modèles auxquels les minorités peuvent s'identifier. Cela a une visée pédagogique. En multipliant les modèles, on peut influer sur les représentations que les gens peuvent avoir des genres dans la société. Toutefois, cela n'a pas d'effet seul. Cela se couple à tout un tas d'autres démarches, d'autres initiatives."

Comment évolue la féminisation des noms de rue dans l'espace public en France ?

"Elle évolue relativement vite. À Paris, actuellement, nous sommes à 8% de rues portant le nom d'une femme, ce qui est assez élevé par rapport à la moyenne française qui est à 6% [contre environ 2% en 2014, selon l'enquête réalisée par l'ONG Soroptimist International]. À Nantes, en 2020, 88% des nouvelles dénominations rendaient hommage à des femmes. C'est énorme, même Paris n'a pas fait autant.

Mais l'espace public est déjà tellement [défini] qu'il reste peu de place. Surtout dans les grandes villes, où cela est très visible. Toutes les grandes voies ont déjà été nommées. À Paris, sur 118 boulevards, 2,5% portent le nom d'une femme. Sur 352 avenues, 3,5% portent le nom d'une femme*."

Est-ce que la cause féministe pourrait pâtir d'une action de communication comme celle de la ville de Pantin ?

"Si c'est juste un coup de communication et que rien ne suit derrière, c'est problématique et ça peut être interprété comme du "féminist-washing". Mais dans le cas de la ville de Pantin, on voit qu'elle est engagée, depuis 2014, sur des actions de féminisation des toponymes et d'égalité hommes-femmes. Cela vient mettre le projecteur sur une politique déjà présente."

*Chiffres arrêtés fin décembre 2021.