Paris-VIII : qu'est-ce que TestWe, ce logiciel d'examens en ligne suspendu par la justice car trop intrusif ?
Par Julien Baldacchino, Mathilde Vinceneux
Le tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'utilisation par l'université Paris VIII d'un logiciel d'examens à distance. Des étudiants avaient déposé un recours contre ce programme suspecté de trop surveiller le comportement des candidats sur leur ordinateur.
C'est une décision de justice dont s'est félicitée l'association La Quadrature du Net, engagée dans la protection des données privées sur Internet : jeudi dernier, le tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'utilisation du logiciel TestWe par l'université Paris VIII pour ses examens à distance.
Un logiciel imposé par l'université
Ce sont des étudiants et des étudiantes de cette université qui avaient pointé du doigt des dérives, selon eux, de ce logiciel imposé par l'université à la place de la plateforme interne, jugée trop peu efficace. "Initialement, [le logiciel TestWe] consistait à dématérialiser les épreuves : celles-ci se passaient dans un amphi mais les étudiant·es composaient sur leur ordinateur, fini l’examen papier. Depuis 2019, l’entreprise est passée de la dématérialisation à la surveillance à distance des étudiant.es", affirme La Quadrature du Net.
Ainsi, sur son site web, TestWe se présente comme "la référence européenne des examens et des certifications en ligne" et fait l'énumération de ses services : "plateforme de création d'examens, plateforme de correction de copies, logiciel d'examens sécurisés et offline, solution de vidéo surveillance à distance (proctoring)".
"L'ordinateur était à la merci de ce logiciel"
Le système anti-triche proposé par TestWe inclut notamment, selon le site, "le verrouillage des fonctions de l'ordinateur pendant l'examen" et "l'authentification du candidat par la prise de photo". S'y ajoute une dimension de "proctoring" : "surveillance en synchrone ou asynchrone", et surtout "usage de la webcam et des fonctions audio pour la surveillance".
En clair, "les étudiants n'avaient pas le droit de regarder à l'extérieur de leur écran, sinon il y avait une suspicion de fraude", selon Bastien Le Querrec, membre de la Quadrature du Net. "Il y avait également une analyse sonore, pour vérifier si les étudiants n'étaient pas en train de parler à une personne tierce. Enfin, cette surveillance était également au niveau de l'ordinateur des étudiants, puisque les étudiants devaient accorder des droits d'administrateur au logiciel TestWe : l'ordinateur des étudiants était à la merci de ce logiciel", ajoute-t-il. L'association a donc soutenu les étudiants dans leur mobilisation.
Une première dans le public
Dans sa décision rendue la semaine dernière, la justice estime que l'utilisation par l'université de ce logiciel porte une atteinte excessive à la protection des données personnelles. "Si l’université fait valoir qu’elle n’entend pas en pratique collecter effectivement ces données, elle n’expose pas quel dispositif technique ferait obstacle (...) à ce que celles-ci soit effectivement collectées et susceptibles de recevoir un traitement, pas plus qu’elle ne détaille avec exactitude les modalités de surveillance des examens, la nature des données collectées et le caractère adéquat, pertinent et limité de leur traitement", peut-on lire dans l'ordonnance.
La Quadrature du Net se félicite de ce coup d'arrêt : selon l'association, c'était la première fois que ce logiciel faisait irruption dans un établissement d'enseignement supérieur public. En revanche, il est déjà beaucoup utilisé dans le privé : l'organisation encourage donc les étudiants de ces écoles privées à saisir eux aussi la justice.