Paysage politique émietté en Israël : voici les principales listes qui se présentent à la Knesset
Par Frédéric MétézeauPour la quatrième fois en moins de deux ans, les Israéliens élisent leurs députés ce mardi. Le dépôt des candidatures est clos depuis minuit et toutes les nuances politiques sont représentées. Une trentaine de listes sont en lice, dont treize en mesure d'obtenir des élus.
Le Parlement israélien (la Knesset) compte 120 députés élus lors d'un scrutin proportionnel de liste à un tour. Les partis recueillant plus de 3,25% des voix sont représentés. Ce mode de scrutin rend improbable la formation d'une majorité cohérente et oblige souvent à des alliances contre-nature comme la dernière, entre Benyamin Netanyahou et son rival Benny Gantz, opposés lors des trois derniers scrutins. Mais ce "gouvernement d'urgence anti-corona", installé en mai dernier, a buté en décembre dernier sur la question du budget.
Les Israéliens élisent donc leurs députés, alors que plusieurs clivages se superposent et forment une équation à plusieurs inconnues : droite-gauche, laïcs-religieux, Juifs-Arabes mais surtout pro-anti Netanyahou. Le positionnement par rapport au Premier ministre à la longévité inégalée en Israël est devenu plus important que les questions économiques, sociales, sécuritaires, religieuses ou sanitaires.
Revue des treize listes en capacité d'obtenir des élus.
Benyamin Netanyahou, 71 ans, Likoud (droite nationale)
Premier ministre de 1996 à 1999 et sans interruption depuis 2009. Contesté par des milliers de manifestants tous les samedis soirs depuis sept mois, il doit être jugé à partir de lundi prochain pour corruption. "Je n'ai pas peur de nouvelles élections", déclare celui que les Israéliens surnomment "Bibi" ou bien encore "le magicien" pour son ingéniosité à marginaliser et torpiller politiquement ses rivaux politiques, y compris quand ils ont choisi de siéger dans une coalition avec lui. Si l'on en croit les derniers sondages publiés par les médias israéliens, il est en tête des intentions de votes même si une majorité des personnes sondées le rendent responsable de cette nouvelle élection et rejettent sa gestion de la pandémie. La campagne de vaccination massive a été l'un de ses arguments d'ici l'élection.
Gideon Saar, 54 ans, Tikvah Hadasha "Nouvel espoir" (droite nationale)
Ancien ministre de Netanyahou chargé de l'Éducation et de l'Intérieur. La semaine dernière, il a quitté le Likoud et démissionné du Parlement en dénonçant le "culte de la personnalité" du Premier ministre qu'il juge populiste et démagogique. Cet ancien député incarne une droite nationale traditionnelle à la façon des anciens Premiers ministre Menahem Begin ou Yitzhak Shamir, respectueuse de la Justice et de la Cour suprême mais aussi plus dure à propos du conflit israélo-palestinien. L'irruption de ce nouveau mouvement a provoqué des turbulences dans le système politique israélien. Plusieurs personnalités du Likoud comme l'ancien ministre et député Benny Begin (fils de l'ancien Premier ministre Menahem Begin) ont annoncé qu'ils le rejoignaient.
Naftali Bennett, 48 ans, Yamina "la droite" (droite nationale religieuse)
Député et ancien ministre de la Défense de Netanyahou. Il est très populaire chez les colons juifs de Cisjordanie. Ancien ministre de Netanyahou, il a refusé l'alliance avec Bleu Blanc de Benny Gantz et fustige depuis la gestion de la crise sanitaire. Depuis deux ans, il fait le yoyo dans les sondages et dans les élections successives. Il reste à savoir s'il restera allié à l'ancienne ministre de la Justice et ancienne membre du Likoud Ayelet Shaked, une laïque très populaire au sein de la droite nationale religieuse.
Avigdor Liberman, 62 ans, Yisrael Beitenou "Israël notre maison" (droite nationale laïque)
Ancien directeur de cabinet, puis ministre de la Défense de Netanyahou. Leur détestation réciproque d'aujourd'hui est à la hauteur de leur complicité d'autrefois. Né en Moldavie à l'époque soviétique, Liberman a longtemps été le candidat "des Russes" tenant un discours anti-Arabes d'une extrême violence. Aujourd'hui, il dénonce surtout la menace que font peser les Juifs ultra-orthodoxes sur la cohésion de la société israélienne et la façon dont Netanyahou exerce le pouvoir. Après les élections d'avril 2019, il a rompu avec ce dernier provoquant les législatives de septembre 2019 puis de mars 2020. Mais à chaque fois, ce "faiseur de roi" a refusé de rallier une majorité, poussant Benny Gantz à s'unir avec Netanyahou.
Bezalel Smotrich, 40 ans, Ihoud Leoumi "Parti de l'union nationale" (extrême-droite religieuse)
Smotrich, qui s'était allié en 2020 à Naftali Benett, souhaite que la Torah ait force de loi en Israël. Opposé au mariage pour tous, il considère les homosexuels comme "anormaux" et plaide pour une stricte séparation des femmes juives et arabes dans les maternités : "il est normal que ma femme ne veuille pas se trouver à côté d'une autre femme dont le bébé pourrait vouloir tuer le sien dans vingt ans" dit-il. Le député d'extrême-droite s'est allié le mouvement Otzma yehudit ("force juive") qui avait échoué à obtenir en siège aux derniers scrutins. Ce parti, dirigé par Itamar Ben Gvir, s'inspire des enseignements du rabbin Kahane ouvertement raciste et messianique. Benyamin Netanyahou a œuvré à cette union avec l'espoir que quelques députés d'extrême-droite permettront de lui donner une majorité.
Yair Lapid, 57 ans, Yesh Atid "Il y a un futur" (centre gauche laïc)
L'actuel chef de file officiel de l'opposition a longtemps été l'un des journalistes vedettes de la télévision israélienne. Lui aussi a été déçu par Benyamin Netanyahou dont il avait été le ministre des Finances en 2013-2014. Allié à Benny Gantz au sein du mouvement Bleu Blanc, il a rompu avec lui en refusant la coalition avec Netanyahou en mai 2020, le jugeant discrédité par son procès pour corruption et son alliance avec les partis religieux juifs ultra-orthodoxes. Aujourd'hui, il est le principal concurrent de Benyamin Netanyahou en dehors du bloc de droite et espère bien fédérer autour de lui une majorité "anti Bibi" qui échappe à l'influence des Juifs religieux ultra-orthodoxes.
Benny Gantz, 61 ans, Bleu Blanc (centre droit laïc)
Après avoir été chef d'État major de l'armée israélienne sous Netanyahou, il s'est engagé en politique contre ce dernier, dénonçant sa corruption et sa pratique personnelle du pouvoir. Après l'avoir mis en difficulté aux scrutins de 2019, il a accepté en mai 2020 ce qui semblait impensable : former avec Netanyahou un gouvernement de coalition au nom de la lutte contre le coronavirus où il exerce les fonctions de "co-Premier ministre" chargé de la Défense. Mais depuis, ce gouvernement s'est illustré par ses atermoiements, son manque d'anticipation et de lisibilité dans la gestion de la pandémie. Le ralliement de Benny Gantz a scindé Bleu Blanc et durant ce temps, ni lui ni son collègue Gaby Ashkenazi, ministre des Affaires étrangères, n'ont été tenus au courant par Netanyanou des "normalisations" en cours avec les Émirats, Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Il a décidé de repartir aux prochaines élections bien que l'ensemble de la presse israélienne le juge discrédité.
Les partis religieux juifs ultra-orthodoxes Shass (séfarade) et Judaïsme Unifié de la Torah
Totalisant habituellement une quinzaine de députés à chaque scrutin, ils ont appartenu à toutes les coalitions conduites par Netanyahou et sont traditionnellement comptabilisés dans le "bloc de droite". Mais ces députés ont déjà soutenu des gouvernements de gauche par le passé. Pour eux, l'essentiel est que leurs revendications (subventions pour les communautés, allocations familiales, respect du shabbat dans le pays, autonomie des écoles religieuses...) soient respectées. À force de ne pas respecter les consignes sanitaires de confinement et de gestes barrières, les populations ultra-orthodoxes ont provoqué beaucoup de critiques dans les médias israéliens et dans la société laïque inquiète de ce "séparatisme" à l'œuvre.
Merav Michaeli, 54 ans, Avoda, parti travailliste (gauche)
Sa nouvelle cheffe Merav Michaeli va-t-elle permettre à l'historique parti travailliste (celui des fondateurs du pays comme Ben Gourion, Golda Meir, Yitzakh Rabin, Shimon Peres, Ehud Barak...) de relever la tête ? Parmi les trois députés sortants, elle seule avait refusé que son parti participe au gouvernement de Benyamin Netanyahou, contrairement au précédent leader Amir Peretz qui affirmait pourtant, le 25 août 2019, qu'il ne le rejoindrait jamais. Preuve de sa détermination, il avait rasé son épaisse moustache noire qu'il arborait depuis 47 ans. Mais en mai 2020, toujours glabre, il devenait ministre de l'Économie et le parti était crédité de zéro siège dans les sondages alors qu'ils en avaient conquis 24 en 2015. Mais depuis l'arrivée de Merav Michaeli, une féministe convaincue, "Avoda" (le nom du parti en hébreu) suscite de nouveau l'intérêt au sein des électeurs israéliens. Il reste à savoir si les premiers bons sondages se confirmeront dans les urnes.
Quant au mouvement Meretz que l'on pourrait qualifier de "colombe", il est demeuré constant dans son opposition à Benyamin Netanyahou et dans son ouverture vis à vis des Palestiniens. Une fois encore il présente une liste autonome. Tout au plus avec quelques sièges pourra-t-il parachever une coalition anti-Bibi d'inspiration laïque.
Les candidats arabes désunis
Deux listes arabes se présenteront aux suffrages des électeurs, la "liste jointe" et la "liste arabe unie". À partir de 2015, les différents partis arabes ont décidé de se présenter ensemble et sont devenus la troisième force du pays avec 15 sièges dans la dernière Knesset. Associant des candidats d'extrême-gauche laïcs, des nationalistes laïcs et des islamo-nationalistes, la liste n'aura pas survécu à 2021 et à l'aventure de l'un de ses chefs de file Mansour Abbas, qui a décidé de lancer la liste arabe unifiée. Ce député islamo-conservateur se présente comme "ni de droite ni de gauche mais représentant de la société arabe israélienne prêt à collaborer avec tous les partis de gauche, de droite, ultraorthodoxes, religieux ou laïcs". Ainsi a-t-il travaillé main dans la main avec le gouvernement Netanyahou à propos sur le développement économique des localités arabes et les questions de sécurité intérieure. En Israël, les Arabes représentent 70 % des victimes d'homicides alors qu'ils ne représentent que 20 % de la population.