Pénurie de traitements : la Ligue contre le cancer réclame la création d'un établissement public du médicament

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Pénurie de traitements : la Ligue contre le cancer réclame la création d'un établissement public du médicament

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Le président de la Ligue Contre le Cancer, Daniel NIZRI, alerte sur le manque de traitements anti-cancéreux en France.
Le président de la Ligue Contre le Cancer, Daniel NIZRI, alerte sur le manque de traitements anti-cancéreux en France.
© Maxppp - VALERIE VREL/PHOTOPQR/LA PROVENCE

La Ligue contre le cancer pointe les tensions d’approvisionnement sur des médicaments anti-cancéreux. Plus de 10 % des signalements de ruptures de stocks ou de risques de ruptures faits à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) concerne des traitements contre le cancer.

Il y a vingt ans, il y avait 50 ou 60 pénuries par an. Aujourd’hui, c’est plus de 2.000 (2.160 signalements auprès de l’ANSM en 2021). Résultat, trois médecins sur quatre qui travaillent en cancérologie ont déjà été confrontés à une pénurie de médicaments pour leurs patients. "En 2023, en France, c’est tout simplement inadmissible", s'insurge Daniel Nizri, président de la Ligue contre le cancer.

Les pénuries de médicaments ont été très médiatisées ces derniers mois avec des tensions importantes sur le paracétamol ou l’amoxicilline. Les anti-cancéreux ne sont pas épargnés par ces ruptures de stock. "À partir du moment où il y a des tensions ou une non-disponibilité de ces produits, cela impacte le pronostic des patients, leurs chances de guérison ou leurs chances de survie", explique Daniel Nizri. "C'est donc quelque chose de très important".

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Un recensement des malades touchés par ces pénuries

Pour agir vite et concrètement sur ces pénuries, le président de la Ligue contre le cancer avance deux pistes : "il faudrait d’abord qu'il y ait un recensement systématique des personnes malades, privées du traitement prescrit initialement et sans doute à bon escient par leur médecin. Ensuite, en parallèle, il faudrait qu'il y ait des études qui soient menées pour évaluer l'impact de ces pénuries sur la santé des patients".

De son côté, Jean-Paul Vernant, professeur émérite d’hématologie et vice-président de la Ligue contre le cancer, pointe directement la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques. Selon lui, ces derniers ont arrêté de produire d'anciens traitements, pourtant très efficaces mais plus assez rentables. "Il faut savoir que 85 % des médicaments que nous utilisons pour traiter le cancer sont des vieux médicaments, qui sont toujours dans le domaine public", explique-t-il. Et de poursuivre : "Le problème avec ces médicaments, qui ne sont pas chers [et génèrent peu de profits], c'est que l'industrie pharmaceutique a envoyé la production des principes actifs en Asie, en Chine ou en Inde et que le façonnage, la fabrication du produit fini est sous-traité."

Vers un établissement français du médicament ?

"L'industrie pharmaceutique est directement responsable de ces pénuries et il m'apparaît déraisonnable de leur confier de nouveau la fabrication de ces médicaments", estime Jean-Paul Vernant. "Nous proposons donc que soit créé un établissement public du médicament qui travaillerait de manière coordonnée dans le cadre d'une participation publique-privée. L'établissement serait public et la fabrication serait faite par les gens qui, il y a 20 ou 30 ans, fabriquaient déjà ce type de médicament, des laboratoires de chimie et des pharmaciens façonniers".

Difficile de savoir s’il existe une volonté politique derrière un tel projet. En tout cas, ce projet "n’est pas un rêve" pour le vice-président de la Ligue contre le cancer. "Nous pourrions ainsi mettre sur le marché des médicaments à prix coûtant. C'est ce qui est en train d'être fait aux Etats Unis. Il y a une structure coopérative impliquant plus de 1.000 établissements de santé qui fabriquent des médicaments de ce type et qui les mettent sur le marché sans profit".