Plutôt que de retirer une œuvre raciste, la Tate Britain de Londres va lui opposer une œuvre qui la questionne
Par Julien BaldacchinoLa Tate Britain, l'un des grands musées de la capitale britannique, a annoncé commander une œuvre contemporaine, qui répondra à une fresque considérée comme raciste, créée dans les années 1920 par l'artiste Rex Whisler et qui couvre les murs du restaurant de l'institution. La salle va devenir un lieu d'exposition.
C'était, autrefois, une fresque murale considérée comme "l'une des œuvres les plus amusantes du monde", selon les dires mêmes du musée, de par les situations étonnantes qu'elle présente. Depuis quelques mois, elle ne fait plus rire personne : "The Expedition in Pursuit of Rare Meats" ("L'expédition à la poursuite de viandes rares" en français), peinte par l'artiste Rex Whisler en 1927, a été officiellement considérée comme "offensante, sans équivoque" en 2020 par le comité d'éthique de du musée londonien.
Mais ce mercredi, la Tate Britain, musée majeur de la capitale britannique, a annoncé que l'œuvre en question ne serait pas retirée. C'est même l'inverse qui va se produire : la salle qui l'accueille, qui était jusqu'à présent la salle du restaurant du musée (la fresque a même été conçue spécifiquement, à l'époque, pour la réouverture du restaurant du musée), va désormais devenir une salle d'exposition à part entière.
Porter un "œil critique" sur des éléments racistes
Mais "The Expedition in Pursuit of Rare Meats" ne trônera pas seule dans cette salle : la Tate Britain va commander une installation d'art contemporain qui "portera un œil critique sur l'histoire et le contenu de la fresque, prenant compte de son imagerie raciste". Cette installation dialoguera avec la grande fresque de 1927, qui a suscité la polémique après que plusieurs de ses détails ont été mis en lumière : parmi tous les personnages, certains minuscules, présents sur la peinture, on trouvait un enfant noir réduit à l'esclavage, attaché avec une laisse à une charrue, ainsi que des personnages chinois caricaturaux.
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La polémique était arrivée en 2020 par l'intermédiaire d'un compte Instagram qui appelait au retrait de l'œuvre - des internautes avaient repéré qu'une première alerte avait été formulée dès 2013, et que le comité d'éthique avait déjà statué sur cette œuvre en 2018, invitant à modifier le cartel de l'œuvre (la petite notice explicative qui l'accompagne) pour contextualiser la fresque.
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"Assumer la responsabilité"
Suite à la décision du comité d'éthique en 2020, la Tate Britain avait décidé que son restaurant resterait fermé (dans un premier temps jusqu'à l'automne 2021) le temps de prendre une décision. Le fait que l'œuvre controversée soit accrochée dans une salle de restaurant était considéré comme un facteur aggravant car banalisant, mais le musée ne pouvait pas retirer la fresque car elle est considérée comme une œuvre de patrimoine.
Plutôt que de cacher la salle des regards, le musée a donc choisi de l'assumer, tout en lui apportant une critique. Selon le directeur du lieu Alex Farquharson, "la fresque de Rex Whistler fait partie de notre histoire institutionnelle et culturelle, nous devons donc en assumer la responsabilité... Mais cette nouvelle approche nous permettra aussi de refléter les valeurs et les engagements qui sont les nôtres aujourd'hui, et de mettre en avant de nouvelles voix, de nouvelles idées".
Pour l'heure, on ne sait pas qui sera l'artiste choisi pour réaliser l'installation qui partagera l'espace de cette salle avec la fresque de Rex Whistler. Cette nouvelle section du musée ouvrira ses portes l'hiver prochain.