Mesdames et messieurs les auditeurs,

Encombrant droit de grève , véritable serpent de mer apparaissant et disparaissant du paysage juridique depuis la Révolution !
En 1791, la fameuse loi Le Chapelier créé le « délit de coalition » : c’est l’interdiction de fait des syndicats , donc de la grève .A l’époque, c’est de gauche .
Ce n’est que70 ans plus tard quela loi « Ollivier », du nom d’unhomme politique républicain converti au bonapartisme ,abroge le délit de coalition, mais le remplace par un autre délit « l’atteinte à la liberté du travail ».
On considère cependant que cette loi ,de droite, favorise implicitement l**’exercice de la grève** , qui n’est plus un délit mais reste une faute contractuelle.
Clémenceau - qui a pourtant commencé sa carrière politique àl’extrême gauche - brise ensuite à coups de fusil des grèves et des coalitions ouvrières pendant des années.
Le régime de Vichy apporte bien sûr sa contribution à la question :il interdit formellement la grève , mais interdit aussi lelock-out , cette pratique patronale consistant àfermer les usines pour éviter la grève !
Lorsqu’on change de République en 1946 , Démocrates Chrétiens et Communistes , main dans la main, donnent valeur constitutionnelle au droit de grève par la belle formule inscrite au préambule de la nouvelle constitution : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent »
Ah ! Cette formule ! comme pour les écoliers « La Loire prend sa source au Mont Gerbier de Jonc » , c’est un de ces refrains républicains que les étudiants en droit connaissent par cœur et pour cause :on attend toujours ces fameuses lois censées règlementer le droit de grève.
De toute façon,en 1958, la Vème république gaullienne abolit la IVème :Exit le caractère constitutionnel du Droit de grève !
C’est sans compter surun coup de théâtre.
En1971 , à la surprise générale,le Conseil Constitutionnel, jusque-là docile, s’émancipe soudainement – de Gaulle est mort – et donne spontanément valeur constitutionnelle au préambule de la Constitution de 1946.
Le fameux refrain revient sur le devant de la scène : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent »
Et l’on attend toujours ces fameuses lois – qui ne viendront sans doute jamais car la grève, qu’il faut savoir commencer et qu’il faut aussi savoir finir – la grève, c’est tout un art.
