"Les Tontons flingueurs", la fabrique d'un film culte

Sabine Singen, Lino Ventura, et Francis Blanche dans le film "Les Tontons flingueurs".
Sabine Singen, Lino Ventura, et Francis Blanche dans le film "Les Tontons flingueurs". ©Getty - Keystone-France / Contributeur
Sabine Singen, Lino Ventura, et Francis Blanche dans le film "Les Tontons flingueurs". ©Getty - Keystone-France / Contributeur
Sabine Singen, Lino Ventura, et Francis Blanche dans le film "Les Tontons flingueurs". ©Getty - Keystone-France / Contributeur
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Michel Audiard, Georges Lautner et Alain Poiré jouent, rient et se chamaillent en imaginant les dialogues du film "Les Tontons flingueurs". "Dans la cuisine des Tontons flingueurs", une fiction qui nous plonge dans la matrice d'un film culte.

Dans cette émission, Affaires Sensibles/la Fiction vous propose Audiard/Lautner – Dans la cuisine des Tontons flingueurs.

  • Une émission proposée par Christophe Barreyre
  • Écrite par Philippe Touzet
  • Réalisée par Anne Sophie Picon

Une distribution hallucinante pour un film qui deviendra très vite culte !

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Dès sa sortie le 27 novembre 1963, le public parisien découvre Les Tontons flingueurs, des dialogues taillés sur mesure, une comédie populaire qui va vite devenir une référence et faire de leurs auteurs des maîtres adulés ou détestés de « l’humour à la française ». Le succès de cette comédie qui mêle des truands délirants sur fond de rythmes yéyés et de coups de flingues à silencieux est une réalité !

Mais si le public adhère, certains critiques comme Truffaut et Godard, au nom de la Nouvelle Vague, voyaient dans ces dialogues « un triple mépris du cinéma, des personnages du film et du public ». Toujours dans les années 1960, Henri Chapier accuse le film de représenter « un cinéma de chansonniers », et ce n’est pas tout, en 1970, Jean Louis Bory écrit une critique terrible dans le Nouvel Obs : « J’ai déjà marché dans du Audiard, mais c’était du pied gauche et ça m’a porté chance ! »

L'histoire... l'un des personnages, Fernand, la résume dans une phrase d’une sagesse et d’une concision remarquable :

On ne devrait jamais quitter Montauban !

Mais celle-ci ne voudrait rien dire si on ne parlait aussitôt de la succession des scènes recelant toutes des dialogues qui ont marqué et marquent toujours l’histoire du cinéma : « Les cons ça osent tout, c’est même à ça qu’on les r’connaît » Lino Ventura alias Fernand. 

«  Mais moi les dingues je les soigne je vais lui faire une ordonnance, une sévère. Je vais lui montrer qui est Raoul ! Aux quat’coins de Paris qu’on va le retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle ! » Bernard Blier alias Raoul. Et encore, « C'est curieux chez les marins, ce besoin de faire des phrases ! » Francis Blanche alias Maître Folace.

Revenons dix mois en arrière, Janvier 1963 : dans une salle de réunion de la Gaumont, Michel Audiard, Georges Lautner et le producteur, Alain Poiré, sont assis autour d'une table, les trois hommes décident de la scène de la cuisine.

Extrait du scénario

Un temps

Alain Poiré – Vous êtes durs, les mecs... Dur de chez dur. Je porte ce film à bout de bras ! Personne n'y croit à la Gaumont ! Personne ! Hier, Robert Sussfeld, le responsable de la gestion financière, il m'a supplié d'arrêter les frais, il s'est presque mis à genoux ! Et toi, Georges, je vais t'apprendre quelque chose, ton coup avec Gabin, la direction a tellement apprécié que si le film a un dépassement en journée de tournage, la rémunération de tes techniciens sera prélevée sur ton salaire ! 

Michel Audiard – C'est sympathique... 

Alain Poiré – Et toi, tout Michel Audiard que tu es, arrête de tirer sur la corde ! 

Michel Audiard – Mais je tire pas sur la corde et encore moins sur l'ambulance ou le pianiste ! Le film est écrit, on est dans les temps, alors, c'est quoi, ce laïus ! 

Alain Poiré – Non, le film n'est pas écrit, la scène de la cuisine pose problème ! 

Michel Audiard – Mais c'est rien ! 

Alain Poiré – Comment ça, c'est rien ! C'est la scène principale ! 

Michel Audiard – Centrale, pas principale ! 

Georges Lautner – C'est pareil... 

Michel Audiard – Et puis cette scène, elle est écrite, elle existe, c'est pas comme si on était à la bourre ! Le problème, c'est de savoir si elle sert à quelque chose, si elle est utile au déroulement de l'action... Moi, je pense qu'elle ralentit le rythme du film et que c'est un enfilage de mots d'auteur...  

Georges Lautner – Mais non...

Michel Audiard – Mais si... 

Alain Poiré – Bon, je vois que le débat est lancé ! Je vous laisse... Mais vous ne partirez pas d'ici avant d'avoir réglé le problème ! Et si ce soir, vous êtes encore là, je viens avec des sacs de couchage, un réchaud et une boîte de cassoulet ! Est-ce que c'est bien compris ? 

Alain Poiré se lève et quitte la pièce. Un temps. 

Michel Audiard – C'est curieux, chez les producteurs, ce besoin de faire des phrases...

Extrait de Fernand se déchaîne, Michel Magne, Les Tontons flingueurs, (B.O)

Michel Audiard  et Georges Lautner sont en train de lire le texte de la cuisine...Michel Audiard lit le texte de Monsieur Fernand. Georges Lautner lit le texte de Raoul Volfoni et Paul Volfoni. 

PAUL VOLFONI (GL): J'te disais que cette démarche ne s'imposait pas. Au fond maintenant, les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d'action. L'époque serait aux tables rondes et à la détente. Hein ? Qu'est ce que t'en penses ?  

MONSIEUR FERNAND (MA) : J'dis pas non.  

RAOUL VOLFONI (GL) : On n'est quand même pas venu pour beurrer des sandwiches ?  

Michel Audiard – Lino sera bien dans le rôle de Fernand...

Georges Lautner – Comme quoi, c'est plutôt une bonne chose que le Vieux ait refusé...

Invité : Philippe Touzet

Philippe Touzet, le scénariste de la fiction, est un passionné du cinéma de Georges Lautner et de Michel Audiard !

Philippe Touzet, auteur de théâtre
Philippe Touzet, auteur de théâtre
© Radio France - Valérie Priolet

Philippe Touzet est un auteur de théâtre. La plupart de ses pièces sont éditées et ont fait l'objet de représentations en France et à l'étranger. Il est également président des Écrivains Associés du Théâtre (E.A.T), organisation professionnelle qui regroupe une grande partie des autrices, auteurs de théâtre français et francophones. Membre de la commission Théâtre du Centre National du Livre et il  enseigne le théâtre à Sciences-Po, Paris. Il a écrit plusieurs fictions radiophoniques pour Radio France_._ (Parmi ses derniers scénarios, pour les fictions d'Affaires sensibles:    Star Wars, la naissance d'un mythe , 1988, les accords de Matignon et Pierre Mendès France et le visiteur du soir

Générique 

Audiard / Lautner – Dans la cuisine des Tontons flingueurs 

une fiction de Philippe Touzet

réalisée par Sophie-Aude Picon

Avec

  • Bruno Paviot : Georges Lautner
  • Grégoire Oestermann : Alain Poiré
  • Charlie Nelson : Michel Audiard
  • Benjamin Egner : Michel Magne

Et

  • Bruitages : Bertrand Amiel
  • Prise de son, montage, mixage : Claude Niort, Arnaud Chappatte
  • Assistante à la réalisation : Louise Loubrieu
  • Réalisation : Sophie-Aude Picon
De gauche à droite pendant le tournage : Bruno Paviot : Georges Lautner, Grégoire Oestermann : Alain Poiré et Charlie Nelson : Michel Audiard
De gauche à droite pendant le tournage : Bruno Paviot : Georges Lautner, Grégoire Oestermann : Alain Poiré et Charlie Nelson : Michel Audiard
© Radio France - Gabriel Debray

Les références

Nous vous signalons également la parution de deux très beaux livres chez Larousse de notre ami et confrère Laurent Delmas, journaliste et critique de cinéma, chroniqueur et producteur de l’émission, On aura tout vu :

Programmation musicale

Michel Magne : Tamoure hully-gully

Portugal The Man : Feel it still