

Nous vous racontons l’histoire de Pauline Dubuisson. Qui est-elle ? Tous les qualificatifs lui ont été jetés au visage: ravageuse, garce, orgueilleuse, perverse, manipulatrice !
Aujourd’hui Affaires sensibles/la Fiction vous propose « Juste avant de partir»
- Une émission proposée par Christophe Barreyre
- Écrite par François Luciani
- (Réalisée par Hélène Bizieau et Louise Loubrieu)
Policiers, juges, journalistes, opinion publique, rivalisent pour dresser à charge, toujours, le portrait de cette jeune femme, comme si leur intention ultime était d’exclure Pauline Dubuisson de la communauté des hommes, en faire un monstre pour précisément sauver l’humanité.
Mais qu’a-t- elle fait pour mériter cela ?
Le 17 mars 1951, elle a vingt-quatre ans et elle tue son ancien amant, Felix Bailly, de trois balles de revolver. Son procès cristallise une tension inédite. Parce que derrière ce drame, la personnalité et le parcours de Pauline Dubuisson plongent les Français dans une histoire encore récente et douloureuse que chacun se force d’oublier : celle de la seconde guerre mondiale et des années d’occupation.
Pendant près de soixante ans ce fait divers aux multiples et tragiques rebondissements a inspiré des livres, des enquêtes, des romans et un film, la Vérité de Clouzot avec Brigitte Bardot dans le rôle de Pauline Dubuisson. Pendant près de soixante ans, des erreurs, des rumeurs, des contre-vérités ont été reprises, relayées, amplifiées.
Qui est donc Pauline Dubuisson ?
Pour nous aider à comprendre un peu mieux la vie tragique de cette femme, nous recevrons dans la seconde partie de l’émission Jean-Luc Seigle, écrivain, scénariste et auteur de Je vous écris dans le noir qui a la première personne raconte la seconde partie de l’histoire de Pauline Dubuisson qui s’exile au Maroc et tente une autre vie sous un faux nom. Nous sommes en 1962, elle travaille à l’hôpital d’Essaouira. Elle est devenue Andrée, une femme comme les autres, un médecin apprécié, sans histoire. Elle a rencontré Jean, un garçon plein de charme, il est ingénieur. Elle s’est mise à rêver d’un avenir, avec lui, cet homme prévenant qu’elle aime d’un amour vrai, sans ombre. Un mariage. Tout recommencer. Écrire avec lui la page blanche d’une vie nouvelle, pure, sans tache. Mais comment lui avouer Pauline, l’autre, celle du passé, la tueuse ?
Extrait du scénario
Andrée
Mon cher Jean,
Mon amour,
Maintenant que tout est en ordre, tu peux décider de tout annuler, de me quitter, même sans un mot, quand tu auras lu ces quelques lignes.
Je l’accepterai, sans discuter.
C’était il y a bientôt 20 ans.
J’étais une très jeune fille, j’avais à peine seize ans.
Ils m’ont attrapée par les cheveux, ils m’ont traînée dans une cave, ils ont déchiré ma robe et Ils ont dessiné des croix gammées sur mes seins.
Et puis ils mont violée, chacun à leur tour.
Ils étaient au moins dix.
Qui étaient ces hommes ? Des résistants ? Sûrement pas.
Des libérateurs de la dernière heure, des voyous, qui n’avaient pas plus été résistants que je n’avais été collabo.
Ils se sont vengés sur moi parce que j’avais aimé un homme, il était beau, attentionné, tendre et doux, il avait le double de mon âge, c’était un médecin, et il avait le grand tort d’être allemand.
C’était en mai 1944, à Dunkerque.
Ils m’ont traînée dans la rue, parmi les autres, il y avait d’autres femmes avec moi, et ils m’ont mise nue.
Ils m’ont rasée, des pieds à la tête, même le sexe, en riant et en m’insultant.
Je pense aujourd’hui à toutes ces choses qui ont été dites sur moi, que je suis une diablesse humaine, une perverse, une profiteuse, une arriviste, une menteuse, une voleuse, une dépravée, une traitresse, et que me pendre ne serait que justice.
Mais je me demande comment je pourrais être tout cela à la fois.
Mon corps souffre encore de ces blessures et, je préfère te l’avouer, mon amour, pour que notre chemin soit pur, il m’est bien difficile encore de me réconcilier avec le désir, car je crains les hommes, pour leur cruauté, leur bestialité.
Je sais que tu n’es pas comme les autres, j’espère que tu me pardonneras.
Andrée
Jean
Et si elle mentait ?
Si tout cela était calculé pour me mettre à l’épreuve, me détourner d’elle, tuer dans l’œuf notre projet de vie.
Elle avait succombé au charme d’un homme mûr, et alors ?
La belle affaire !
Seize ans.
Aurait-elle dîné avec le diable, à l’aube de sa vie de sa femme, qui pourrait la juger ?
Et nous, les hommes, sommes-nous des saints ?
Je l’appellerai demain sans faute, je lui dirai ma façon de penser…
Invité Jean-Luc Seigle

Scénariste et écrivain, Jean-Luc Seigle a écrit de nombreux livres dont En vieillissant les hommes pleurent et le dernier Femme, à la mobylette, chez Flammarion. Et bien sûr Je vous écris dans le noir , ce roman écrit à la première personne sur Pauline Dubuisson. Dans l’avant-propos du livre, Jean Luc Seigle compare Pauline Dubuisson aux héroïnes tragiques : « Sa jeunesse, sa beauté, son intelligence, son enfance pendant la guerre de 14/18, son adolescence dans la réalité trouble de celle de 39/45, font d’elle un des rares personnages de l’histoire criminelle à pouvoir atteindre une dimension mythique. Que seraient Iphigénie, Hélène, Electre et Pénélope sans la guerre de Troie ? Que serait Jocaste sans la menace du Sphinx et la désolation qu’il fait régner ? »
Scénariste

Après avoir été l’assistant de nombreux réalisateurs au cinéma et à la télévision, François Luciani signe son premier film Mémoire d’Amour en 1989. Depuis, il poursuit une carrière de scénariste et de réalisateur, couronné de nombreuses récompenses nationales et internationales. A travers des œuvres telles que L’Algérie des Chimères ou l’Adieu, films référence sur l’histoire de l’Algérie, il explore le lien entre le monde arabe et la France coloniale. Avec le Procès de Bobigny, notamment incarnées par Sandrine Bonnaire et Anouk Grinberg, il illustre l’engagement de Gisèle Halimi et sa lutte contre l’interdiction de l’avortement. Avec Les Camarades, ou l’histoire de six jeunes communistes suivis de 1945 à 1965, il raconte l’espoir d’une jeunesse engagée depuis la Résistance jusqu’à la veille de Mai 68. Co-auteur de la série “l’Instit” pour France 2, il poursuit son exploration de la France contemporaine dans une trentaine de films tels que Notre Juliette, Légende ou encore Inéluctable, à propos de la sûreté nucléaire. Et son roman Miss bomb paru chez Michalon en 2014 qui a inspiré la fiction Direction Paradis.
Générique
C'était la fiction « Juste avant de partir… »
De François Luciani
Avec
- Johanna Nizard
- Vincent Schmitt
- Equipe de réalisation : Eric Boisset, Eric Villenfin, Louise Loubrieu, Hélène Bizieau
Programmation musicale
- DJIB MO : Lonely feelings
- Françoise HARDY : Mon ami la rose
L'équipe
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